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Urbanisme et santé


par ERIC Omar MOUSTAQIL
Institut d'urbanisme de Lyon - Master 2 Urbanisme et aménagement 2020
  

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Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ? 6 7 | 1 4 8

V- Les villes-santé : de la promotion de la santé vers un

urbanisme favorable à la santé

V.1- Contexte complexe : mobilisation et investissement de l'OMS

Durant les années 70, le monde évolue dans un contexte socio-politique où la santé devient un phénomène de plus en plus complexe. Ce même contexte est marqué par l'incapacité du système médical à répondre aux besoins, aux attentes et aux exigences exprimées à l'égard de la santé. Dans le cadre de sa mission, l'OMS a pour projet de réformer et de faire évoluer la santé publique. C'est alors que la première action a été menée en 1979 par le lancement d'une stratégie de La santé pour tous en 2000197, en mettant l'accent sur les principaux secteurs sur lesquels la réflexion pour améliorer la santé et le bien-être, devrait être menée. Elle va au-delà de celui du secteur de soin. À la suite de cela, en 1998, l'OMS lance une nouvelle stratégie pour une réactualisation visant La santé pour tous pour le vingt-et-unième siècle, associée à un outil politique de la santé pour tous appelé SANTE 21, pour la Région d'Europe. Il définit 21 objectifs pour le XXIe siècle, avec trois valeurs fondamentales198:

· « La santé est considérée comme un droit fondamental de l'être humain,

· L'égalité devant la santé et la solidarité active entre les pays, entre les groupes d'individus au sein des pays et entre les sexes,

· La participation et la responsabilité des individus, des groupes, des collectivités et des institutions, des organismes et des services oeuvrant au développement de la santé»199.

Lors d'une conférence internationale en 1986, La charte d'Ottawa pour la promotion de la santé a été adoptée sur le principe d'une politique de la « Santé pour tous » en précisant que la construction des sociétés favorables à la santé ne relève pas uniquement du secteur médical.200 Depuis l'OMS, malgré un contexte très complexe marqué par des crises

197 World Health Organization, éd., Global strategy for health for all by the year 2000, « Health for all » series, no. 3 (Geneva: World Health Organization, 1981).

198 Hugh Barton & Catherine Tsourou, « URBANISME ET SANTE Un guide de l'OMS pour un urbanisme centré sur les habitants ».

199 Hugh Barton & Catherine Tsourou.(art. déjà cité)

200 idem

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géopolitiques, n'a cessé son investissement dans l'organisation de déclarations et de conférences internationales en faveur de la promotion et de l'amélioration de la santé. Encore, L'agenda 21 a été lancé lors du sommet de la Terre à Rio en 1992, accentuée par l'avènement la charte d'Aalborg en 1994 pour les villes européennes durables. De plus, des publications et des rapports sont publiés sur les pathologies, l'environnement de leur évolution et les mesures à prendre afin de les éradiquer. Ceci s'inscrit dans une démarche de conscientisation de l'ensemble des acteurs et des populations aux problèmes et aux facteurs clés de la santé.

V.2- Genèse et évolution201 : vers une vision populationnelle

Après avoir couvert le monde de déclarations et de conférences internationales, après le colloque et la charte d'Ottawa en 1986, l'OMS avec le bureau européen de l'OMS à Copenhague au Danemark lance le programme des villes-santé. Ce projet s'inscrit dans les deux dernières approches de santé évoquées précédemment (l'approche de développement durable et l'approche globale et positive prônée par le l'OMS). Son ambition étant de garantir à tous les moyens (éducation, travail, vie sociale, environnement sain, etc.) pour atteindre un bien-être physique et mental. Cet objectif s'inscrit dans la volonté de décliner à l'échelle locale, les principes de la santé pour tous et de la promotion de la santé (Charte d'Ottawa). Ce programme s'est développé en réseau à l'échelle européenne puis mondiale. Il évolue par phases successives de cinq ans, chaque phase ayant ses propres objectifs. Aujourd'hui, ce programme est à sa VII phase (2019-2024) ouverte avec la signature du consensus de Copenhague Une meilleure santé et plus de bonheur dans les villes, pour toutes et tous202. Au commencement de ce programme, 11 villes européennes ont adhéré à ce mouvement ville-santé : « Barcelone (Espagne), Bloomsburry-Camden (Royaume-Uni), Brême (Allemagne), Düsseldorf (Allemagne), Horsens (Danemark), Liverpool, (Royaume-Uni), Pecs (Hongrie), Rennes (France), Sofia (Bulgarie), Stockholm (Suède), Turku (Finlande) »203. On constate qu'en

201 « Les Villes-Santé de l'OMS | Réseau français des Villes-Santé de l'OMS », 12 décembre 2016, https://www.villes-sante.com/oms-europe/villes-sante-oms/. (cette partie est tirée du site du réseau ville santé Français, E. Le Goff)

202 « Les Villes-Santé de l'OMS | Réseau français des Villes-Santé de l'OMS », https://www.villes-sante.com/oms-europe/villes-sante-oms/.

203 Erwan Le Goff, « Erwan Le Goff. Les Villes-Santé en Bretagne : quels choix de gestion et d'aménagement des
espaces ?. Géographie. Université Rennes 2, 2012. Français. ffNNT : 2012REN20051ff. fftel-00772443 » (2012).

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France, seule la ville de Rennes a fait le choix d'adhérer ce nouveau concept dès sa création. Aujourd'hui, le mouvement compte une trentaine de réseaux nationaux couvrant plus de 1500 municipalités à l'échelle mondiale. En France, le réseau national compte 91 villes et intercommunalités soit plus de 13 millions d'individus représentés par les villes-santé françaises204.

Le réseau français s'organise par groupe de travail thématique : « vaccinations, santé mentale et habitat, sport-santé sur ordonnance, services municipaux de santé scolaire; un nouveau groupe est en projet concernant les perturbateurs endocriniens. D'autres thèmes sont également prioritaires pour cette année : le changement climatique, les espaces verts, les mobilités (transports, déplacements), la petite enfance, le tabac, l'urbanisme ».205

En effet, ce réseau Villes-Santé promeut la collaboration entre les villes ou les EPCI qui veulent favoriser des politiques d'amélioration de la santé et de la qualité de vie citadine (partage d'expériences, de statistiques, réunions, actions communes)206. Au regard de la proximité entre les populations et les municipalités, ce programme part du principe que les villes sont la bonne échelle pour appliquer et développer des projets en faveur de la santé207. Effectivement, les municipalités sont au fait des besoins et des exigences des populations ainsi que l'ensemble des éléments de leur vie quotidienne. Cela étant, elles s'engagent à donner une orientation populationnelle à leur projet de développement urbain en créant plus de justice sociale de santé, de la promotion de la santé et des soins préventifs.

Ainsi Hancock & Duhl ont donné une définition de la ville-santé comme étant « [...] une ville qui créé et améliore continuellement les environnements physiques et sociaux et qui développe les ressources de la collectivité, permettant ainsi aux individus de s'entraider dans l'accomplissement de l'ensemble des fonctions inhérentes à la vie et permettant à ceux-ci de développer au maximum leur potentiel personnel »208.

204 Ville d'Aubagne, « Aubagne dans le réseau des villes-santé de l'OMS », Ville d'Aubagne : Site Internet, consulté le 18 novembre 2021, https://www.aubagne.fr/actualites-109/aubagne-dans-le-reseau-des-villes-sante-de-l-oms-1604.html?cHash=917ba0c4d3ce2da2a5e7780a6fba6b18.

205 « Les Villes-Santé de l'OMS | Réseau français des Villes-Santé de l'OMS ».

206 Idem, art. déjà cité

207 Le Goff, « Erwan Le Goff. Les Villes-Santé en Bretagne : quels choix de gestion et d'aménagement des espaces ?. Géographie. Université Rennes 2, 2012. Français. ffNNT : 2012REN20051ff. fftel-00772443 ».

208 Hugh Barton & Catherine Tsourou, « URBANISME ET SANTE Un guide de l'OMS pour un urbanisme centré sur les habitants ».

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Cette définition a été enrichie par la définition suivante : « Une Ville-Santé se définit en référence à une démarche et non pas simplement en termes de résultat. Une Ville-Santé n'est pas une ville qui a atteint un niveau particulier d'état de santé, mais une ville qui se préoccupe de la santé et s'efforce de l'améliorer. Ainsi toute ville quelle qu'elle soit peut prétendre être une Ville-Santé indépendamment de son état de santé du moment ; ce qui est exigé d'elle, c'est un engagement vis-à-vis de la santé avec l'établissement d'une organisation et d'une démarche permettant d'y parvenir. » 209 210

Ce nouveau paradigme d'appréhender la santé en ville, repose donc sur la volonté politique de se préoccuper de la santé des habitants et de rester en perpétuelle recherche sur le développement et l'amélioration des facteurs qui se traduiront dans le temps par l'amélioration de la santé et du bien-être. Ainsi, ce programme prend comme référentiel le paradigme de la charte d'Ottawa et notamment l'un de ses principes qui encourage à « Créer des milieux favorables ». Cela incite donc les villes à offrir un environnement favorable à la santé, en intégrant dans leur politique urbaine des modes d'urbanisme favorables à la santé211.

Ce programme se traduit globalement en une référence à partir de laquelle l'ensemble des protagonistes agissant sur les espaces de vie des populations. Ils pourront agir stratégiquement selon des approches globales, intersectorielles, partenariales et participatives pour une finalité populationnelle.

V.3- Le concept urbanisme favorable à la santé : un changement de

paradigme.

L'urbanisme est l'action visant à organiser les villes afin d'en optimiser le fonctionnement et de l'adapter aux besoins de ses habitants », d'après Merlin P. & Choay F., 2000, Dictionnaire de l'aménagement et de l'urbanisme, Paris, PUF212.

Nous avons vu, historiquement, comment l'urbanisme a évolué et nous avons bien noté son lien complexe avec la santé. Son impact temporel sur l'humain pousse les scientifiques à

209 idem

210 Agis TSOUROS, « World Health Organization Healthy Cities project : a project becomes a movement - review of progress 1987 to 1990. Copenhague: FADL, 1990. » (Copenhague, 1990).

211 Le Goff, « Erwan Le Goff. Les Villes-Santé en Bretagne : quels choix de gestion et d'aménagement des espaces ?. Géographie. Université Rennes 2, 2012. Français. ffNNT : 2012REN20051ff. fftel-00772443 ».

212 PAUL BOINO, « UE: mode de régulation de la productionet de la gestion de la ville (MRP)- 2020- Université Lyon 2 -Institut d'urbanisme de Lyon (IUL)- M2 Urbanisme et aménagement - » (2020).

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accentuer l'observation et la recherche sur l'émergence d'une nouvelle méthode. Aujourd'hui, la réflexion s'oriente vers un nouveau paradigme permettant de dissiper cette relation complexe. Le concept d'un urbanisme favorable à la santé est né de l'évolution des travaux du mouvement ville-santé. Il en constitue l'élément essentiel de tout processus de prise de décision permettant d'améliorer la santé par la qualité de l'environnement bâti. Un urbanisme favorable à la santé est en effet un urbanisme centré sur l'humain213 et sur les besoins essentiels à sa santé. Il constitue l'un des piliers du programme ville-santé. Il s'agit donc de changer de registre et de ne pas se focaliser que sur les risques de l'urbanisme sur la santé mais surtout sur les éléments urbanistiques qui favorisent la santé humaine dans une ville. De ce fait, nous allons donc utiliser la carte des déterminants de santé de Hugh Barton qui avec Cathrine Tsourou (C. figure n°14) définissent l'urbanisme favorable à la santé comme un urbanisme qui « [..] implique des aménagements qui tendent à promouvoir la santé et le bien-être des populations tout en respectant les trois piliers du développement durable. Il porte également les valeurs d'égalité, de coopération intersectorielle et de participation, valeurs clés de la politique de l'OMS « la santé pour tous »214.

213 Hugh Barton & Catherine Tsourou, « URBANISME ET SANTE Un guide de l'OMS pour un urbanisme centré sur les habitants ».

214 Roué Le Gall, « «Agir pour un urbanisme favorable à la santé, concepts & outils » ; Guide EHESP/DGS, ROUÉ-LE GALL Anne, LE GALL Judith, POTELON Jean-Luc et CUZIN Ysaline, 2014. »

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Figure n° 14 : Déterminant de santé à travers le prisme de l'aménagement du territoire (Barton 2006 et C.

Tsourou

Source : Guide Agir pour un urbanisme favorable à la santé : Anne Roué Le Gall, «; Guide EHESP/DGS, ROUÉ-LE GALL Anne, LE GALL Judith, POTELON Jean-Luc et CUZIN Ysaline, 2014. », Guide (EHESP, 2014).

Cette carte graphique illustre les déterminants de santé dans les municipalités à travers le prisme de l'aménagement de l'espace. Elle prend uniquement en compte que des facteurs modifiables.

Dans un article publié en 2009 par le journal ELSEVIER.com, Hugh Barton utilise ce modèle pour démontrer la particularité de l'écosystème et son influence sur les déterminants de santé. Selon lui, un aménagement favorable à la santé dépend principalement des politiques de planifications stratégiques qui sont à même de215 :

215 Hugh Barton, « Land use planning and health and well-being-2009 », WHO Collaborating Centre for Healthy Urban Environments, School of Built and Natural Environment, University of the West of England, Frenchay, Bristol BS16 1QY, United Kingdom, 2009.

·

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« Lutter contre les inégalités sociales de santé qui existent en matière d'accès au logement décents, aux équipements et au transport tout en protégeant les populations les plus vulnérables.

· Lutter contre la menace du changement climatique et contre les émissions de gaz à effet de serre et autres polluants contenus dans l'air, l'eau et le sol ainsi que les pollutions sonores et lumineuses ;

· Lutter contre la mortalité et la morbidité dues à des modes de sédentarité en promouvant la mobilité active et en améliorant la quantité de l'activité physique par des équipements et infrastructures facilement accessibles.

· Contribuer à l'évolution de l'environnement social en améliorant la qualité des espaces publics, la sécurité, la solidarité et le bien -être des habitants ».216

Toutefois, ces planifications stratégiques nécessitent aussi bien une collaboration entre l'ensemble des importantes organisations publiques et privées qui agissent sur l'environnement bâti qu'une véritable participation des habitants à la prise de décision.

En effet, ce concept de l'urbanisme favorable à la santé s'inscrit parfaitement dans l'approche globale, positive et intersectorielle de la santé. Il est en parfaite cohérence avec les 3 piliers du développement durable. Cependant, nous avons observé à travers l'étude des déterminants de santé, la prédominance du déterminant socio-économique dans la santé des individus. L'urbanisme et l'aménagement à eux seuls ne peuvent répondre directement à ce déterminant. Mais l'organisation et la conception de l'environnement bâti a une influence importante dans la vie quotidienne des individus. À titre d'exemple, une politique de l'habitat mixant des logements publics et privés dans chaque quartier de la ville, associée à une intensification urbaine favorisera la mixité sociale, la mobilité active, l'accès facile aux équipements. Une telle organisation de l'environnement bâti apaisera également la temporalité de la ville et évitera la périurbanisation et l'étalement urbain qui ne sont pas sans impact sur la santé des habitants. En effet la proximité des axes routiers facilite l'utilisation systématique du véhicule individuel pour les déplacements quotidiens et par conséquent plus de stress et d'angoisse, plus de pollution etc.

216 idem

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L'urbanisme d'aujourd'hui se veut un urbanisme de santé, écosystémique, global et positif par la construction des Ecoquartiers, des opérations d'aménagement vert ou l'intervention sur les plans de circulation pour apaiser les quartiers ou encore des opérations de l'urbanisme tactique. Il n'en demeure pas moins que la ville héritière de la charte d'Athènes composée de plus de deux tiers de son emprise foncière, par l'urbanisme fonctionnaliste rend complexe la transition urbaine souhaitée par l'urbanisme d'aujourd'hui. Le défi qui se pose donc et se posera encore dans le futur aux urbanistes est d'assurer cette transition urbaine qui, en effet, nécessitera sûrement, sans avoir recours à la doctrine de « la table rase », de refaire la ville sur la ville en intégrant à la réflexion urbanistique l'habitat, la mobilité, la nature en ville, la temporalité de la ville voire du territoire, la requalification des espaces et des équipements publics, l'offre commerciale de proximité, la sauvegarde des écosystèmes, etc. En effet, cette transition repose sur le paradigme d'un du New Urbanism217 qui rompt définitivement avec la doctrine du zonage.

Selon Albert Levy218, cette transition doit s'opérer à toutes les échelles : internationales, nationales et locales. Il met en cause le lobby industriel et les crises géopolitiques qui bloquent toute recherche et projet relatifs à la transition écologique et urbaine. De ce fait, la transition urbaine devient de plus en plus complexe. Cependant, certains territoires réussissent mieux que d'autres ou du moins entament cette transition malgré le contexte socio-économique, environnemental et réglementaire peu favorable.

V.4- Les démarches et outils pour un urbanisme favorable à la santé,

l'institutionnalisation du concept : une approche volontariste de la santé en ville

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand