2.1.2.4 Les facteurs culturels
La culture est un déterminant dans les analyses
comportementales, de perceptions ou d'attitudes des hommes. En matière
de scolarisation et de l'encadrement des enfants, toutes les cultures ne sont
pas à même d'intégrer l'éducation occidentale.
L'éducation traditionnelle à travers les camps d'initiations,
reste encore monnaies courantes dans certaines communautés de nos jours.
Ainsi, la religion, l'ethnie, le milieu de résidence et le niveau
d'instruction du chef de ménage (comme dans notre cas) sont
généralement des variables utilisées pour
appréhender la culturelle dans les analyses.
? Religion
L'appartenance à une confession religieuse est à
l'origine d'une certaine différence de perceptions, de comportements et
d'attitudes. Ces perceptions, attitudes et comportements ne sont pas identiques
selon que l'on se situe par rapport à une confession religieuse ou par
rapport à une autre (Tchango, 2014). C'est donc reconnaitre en la
religion un facteur important de différenciation sociale, en
matière de l'éducation occidentale. Droz et Séraphin (2004
cité par Basinga Herve 2017), expriment que les chrétiens ont
plus de chance de bénéficier de l'éducation occidentale
que les autres.
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? Ethnie
Le concept ethnie vient du grec « ethnos » qui
signifie ensemble des peuples qui n'étaient pas organisés en
cités (polis) et des groupes d'êtres vivants (humains ou animaux)
qui vivaient ensemble. Ce vocable fut introduit pour la première fois en
sciences sociales à la fin du XIXème siècle par
G. Vacher de LAPOUGE.
La prise en compte de cette variable dans les analyses
démographiques en générale et particulièrement dans
l'abandon scolaire est souvent discutée. Face à la question de
l'utilisation de la variable ethnie dans les recherches démographie.
SALA-DIAKANDA relève deux opinions qui s'affrontent. La première
consiste à dire que l'ethnie perd de plus en plus son rôle de
différentiation significative entre individus et que la
difficulté qu'il y a à définir ce concept, il devrait
être abandonné. La deuxième veut que des études
soient faites, dans le cadre africain particulièrement, afin de
déterminer si oui ou non l'appartenance à tel groupe culturel
plutôt qu'à tel autre n'est plus- ou n'a jamais été
- l'une des variables cruciales dans l'explication des comportements
démographiques des individus, surtout en milieu rural africain
(SALA-DIAKANDA, 1980). A ces difficultés, s'ajoute son caractère
délicat, Son utilisation, si elle n'est pas contrôlée, peut
être à l'origine des perturbations voir des conflits.
Le cas des Lobi du Sud-ouest du Burkina Faso correspond
à un refus, dans la mesure où ceux-ci sont connus pour
s'être farouchement opposés à la colonisation et
jusqu'à nos jours, ils manifestent une certaine méfiance face
à tout ce qui provient de l'administration DIALLO M. B et all (2009).
PERE M. (1995 cité par KOBIANE J. F, 2002) rappelle de son
côté que cette résistance des Lobi à la colonisation
a été telle que les responsables de l'époque avaient fait
le serment sacré « qu'aucun de leurs enfants ne suivra, de quelque
manière que ce soit, et sous peine de malédiction et de mort, la
« voie des Blancs », la « mauvaise voie des étrangers
», dont l'école était par excellence l'empreinte ».
? Milieu de résidence
La distribution de l'offre scolaire est fortement
corrélée au milieu de résidence dans tous les pays, En
effet, c'est généralement en milieu urbain que la population
bénéficie plus de l'offre scolaire et c'est dans ce milieu que
d'abandon scolaire est généralement moins élevé par
rapport au milieu rural (DIALLO, 2001 ; NOUMBA, 2006 ; NOUMBA, 2008).
En recherchant un profil de l'abandon scolaire au Cameroun,
NOUMBA (2008), arrive à trois résultats préoccupant parmi
lesquels le taux d'abandon en milieu rural est plus
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élevé que la moyenne nationale. Il justifie ce
résultat par le fait qu'il facile à trouver une occupation en
milieu rural.
L'une des raisons les plus apparentes de l'abandon scolaire
dans la littérature est la distance qui sépare l'école des
résidences des enfants l'ampleur est due au manque d'écoles dans
des villages. On ne trouve que les écoles à cycle complet dans
les grandes villes où la densité de la population est forte. Ce
n'est que très récemment que certains gros villages ou districts
ont été dotés d'écoles à cycle incomplet
allant de la première année en sixième années et
accueillant parfois les enfants des villages environnants (DIALLO, 2001 ;
AKOUE, 2007). Cette disparité favorise les enfants vivant en milieu
urbain par rapport aux enfants vivant en milieu rural en matière de
poursuite scolaire.
? Niveau d'instruction du chef de
ménage
Tous les travaux liés à l'éducation
scolaire, s'accordent jusque-là sur l'effet positif du niveau
d'instruction du chef de ménage sur l'éducation scolaire des
enfants. En suivant la perspective de Bourdieu et Passeron, c'est-à-dire
l'idée selon laquelle les hommes sont par nature à même de
se reproduire socialement d'une génération à une autre,
nous pouvons confirmer à première vue que dans un ménage,
plus le niveau d'instruction du chef de ménage est élevé
plus la probabilité de poursuivre est grande pour l'enfant vivant dans
le ménage.
En matière de poursuite scolaire, la prise en compte de
cette variable s'avère pertinente pour au moins deux raisons :
Premièrement, les enfants ont souvent tendance de
suivre les pas de leurs parents, à les prendre pour modèle de
référence. Ce qui fait que, dans les ménages où le
chef de ménage a beaucoup fréquenté, les enfants une fois
scolarisés auront en idée d'atteindre un niveau
considérable, plus ou égal à celui du chef de
ménage ;
Deuxièmement, les chefs de ménage instruits ont
l'expérience de la scolarisation en termes d'avantages et exigences et
par conséquent, ils accorderont d'importance à celle des enfants.
C'est la même chose qu'exprime NGANAWARA (2016) en affirmant que
connaissant les avantages et les exigences de la scolarisation, les chefs de
ménage instruits offrent des conditions favorables et
privilégient l'acquisition du capital humain à leur
progéniture. Ils ont par ailleurs plus de compétences pour
encadrer leurs enfants dans leurs études, suscitant en eux des ambitions
scolaires et professionnelles élevées.
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WAKAM (2001), en utilisant les données du RGPH de 1987
du Cameroun, montre l'existence d'une association entre le niveau d'instruction
du chef de ménage et la scolarisation des enfants du ménage. Dans
cette étude, il ressort qu'à un même niveau
élevé donné pour deux chefs de ménages de sexes
opposés, les garçons ont tendance à être plus
scolarisés que les filles dans les ménages dirigés par les
hommes et, dans les ménages dirigés par les femmes c'est
plutôt les filles qui ont tendance à être plus
scolarisées. Dans cette même lancée, SIME NGONGANG (2010),
dans la recherche des facteurs liés à «
inégalités en matière de scolarisation chez les
enfants orphelins de 6-14 ans au Cameroun » , abouti au
résultat selon lequel, le niveau d'instruction du chef de ménage
est déterminant : les enfants vivants avec des chefs de ménage de
niveau primaire et les enfants vivants avec ceux de niveau secondaire ou plus
ont respectivement 1,414 fois et 1,529 fois plus de chances de
fréquenter que ceux vivant avec les chefs de ménage sans niveau
d'instruction. Ces résultats nous montrent implicitement l'importance
qu'accordent les chefs de ménage selon leur niveau d'instruction.
Concernant toujours le lien entre le niveau d'instruction du
chef de ménage et la scolarisation des enfants, VREYER (1993) estime de
son côté que les parents instruits sont davantage à
même de bien valoriser la scolarisation comme il faut, et sont aptes
à allonger la scolarisation de leurs enfants en minimisant les
coûts directs liés à la fréquentation scolaire.
LACHAUD (2007) confirme de son côté en disant que la scolarisation
n'est pas valorisée dans les ménages où le chef
lui-même n'a pas été scolarisé.
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