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Do not disturb: étude observationnelle des interruptions de tàches dans la pratique des infirmiers anesthésistes au bloc opératoire.


par Christopher Jean-Baptiste
Institut Régional de formation des infirmiers anesthésistes diplômé d'Etat (IRIADE, La Réunion 974)) - Infirmier Anesthésiste 2019
  

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8 DISCUSSION

Avec cette observation, j'ai pu soulever plusieurs points dont il me semblerait intéressant de mettre en lumière. Mais avant toute chose, d'une manière générale, nous pouvons confirmer qu'il existe bien un grand nombre d'interruption auxquels l'IADE est confronté.

Le premier point à éclairer est donc la prédominance des IT durant la période couvrant l'induction jusqu'à la finalisation de l'installation chirurgicale. N'ayant pas d'étude de comparaison, nous pouvons néanmoins observer, d'après mes résultats, qu'il s'agit d'une période à haut risque en termes de fréquence d'interruptions.

Pourquoi ? D'après mes observations, j'ai pu constater que l'équipe en charge de l'intervention était au complet lors de cette étape. Les IBODEs, le MAR, le chirurgien ainsi que les autres acteurs de soins, qui sont indispensables, étaient tous présents pour prendre en charge le patient monitoré sur la table. Les professionnels de santé qui sont une importante source d'IT d'après mes résultats (cf. Graphique 4, page 105), confirme la complexité du lien entre fréquence des interruptions et le nombre de personnes composant l'équipe présente lors de ces IT. Au tout début de l'induction, c'est la pré-oxygénation qui permet de débuter cette séquence. Or, c'est dès cette tâche que l'IADE est le plus interrompu (cf. Tableau 50, page 102).

Avec mes recherches, j'ai pu comprendre que le facteur humain et les facteurs liés à l'équipe jouaient un rôle important dans ces interruptions. En effet, ces deux concepts sont mis régulièrement en cause dans la littérature (cf. Paragraphes 3.2.4, page 22 et 3.3.2.2, page 34) et observés pendant mon enquête. Ce constat va également dans le sens de l'HAS, qui mentionne que l'approche classique de la « faillibilité humaine » ne suffit plus pour écarter le risque de faire des erreurs, et que l'équipe, d'après son étude de 2015 sur les EI, peut-être à l'origine d'erreurs. Ces 2 facteurs font partis, entre autres, des différents items utilisés dans la méthode ALARM pour l'analyse des EIG.

Nous pouvons donc mettre en avant que les professionnels de santé formant « l'équipe pluridisciplinaire » du bloc peuvent être des vecteurs d'IT dans la pratique IADE.

Peut-on justifier cette relation uniquement par ce biais ? Pas seulement. En effet, lorsque l'on s'attarde sur ma grille d'observation regroupant les tâches de l'IADE (cf. Annexe n°1, page 139), nous pouvons nous apercevoir que la séquence qui traite la

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période allant de l'induction à la finalisation de l'installation chirurgicale regroupe 8 tâches qui sont :

· La pré-oxygénation et/ou la sédation inhalatoire.

· La sédation Intra-Veineuse (injection IV) et/ou Anesthésie Loco-Régionale.

· L'occlusion palpébrale.

· L'intubation (IOT/ML).

· La fixation, l'auscultation pulmonaire et la sécurisation des circuits.

· Le réglage des paramètres du respirateur (mode, Volume courant, fréquence respiratoire, fraction inspirée en oxygène et en gaz anesthésique, etc...).

· Le changement de position et/ou la vérification des points d'appui.

· Autres.

Ces 8 tâches se déroulent en fonction de plusieurs paramètres comme le profil du patient, l'organisation, la dextérité et l'ergonomie de l'IADE qui n'ont pas été pris en compte. Ces paramètres pourraient-ils avoir une influence sur le nombre des IT ? Les réactions seraient-elles différentes et plus appropriées ? Je suis parti du principe qu'il s'adaptait au profil de l'IADE, son organisation ainsi que celle de l'équipe qui collaborait avec lui. La coopération du patient ou son adaptation à l'environnement du bloc avant son intervention, pourrait aussi influencer le temps de cette étape, notamment au bloc pédiatrique qui est spécifique. Je me suis donc posé la question suivante :

Est-ce qu'il existe un lien entre le nombre d'IT et le temps passé à effectuer une tâche ? Existe-t-il une corrélation entre la durée d'une procédure et la survenue de plusieurs IT dans cette même tâche? Si la pré-oxygénation dépend du patient et qu'elle dure un certain temps, n'est-ce pas pour cela qu'elle enregistre un plus grand nombre d'IT ? Il semblerait évident de l'affirmer mais je n'ai pas de statistiques pouvant confirmer cela.

Le deuxième point que je souhaiterais développer est celui du fait que presque la moitié des IT observées se concentre sur un groupe de cinq tâches (cf. Tableau 50, page 102). Or, ma grille d'observation (cf. Annexe n°1, page 139), m'a permis d'en recenser trente-cinq. Ce qui m'amène à me poser la question :

Quelles solutions apporter au sujet de ces cinq tâches pour diminuer de moitié le risque d'erreurs imputables aux IT ? Étant donné qu'elles représentent 48,17% des IT, il m'a semblé intéressant d'y réfléchir.

Le fait que la majorité des IT se déroule en salle d'opération constitue le troisième point de mon raisonnement, en mettant en avant que le regroupement de

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plusieurs individus dans un même espace, induisent des IT. Il est intéressant de remarquer que c'est aussi l'endroit où se déroule la plupart des tâches effectués par l'IADE, hormis quelques actes programmés à l'extérieur comme l'accueil du patient. C'est pour cela que les résultats qui montrent une forte observation d'IT en salle d'opération (95,12%), peuvent naturellement s'expliquer par une concentration d'activité importante et qui ne résultent pas de la seule présence de l'équipe d'intervention. Aucune étude comparative n'a pu être abordée dans ma recherche mais la puissance du résultat identifie clairement la sensibilité du lieu face aux IT et donc la forte disposition de l'IADE, très présent dans la salle d'opération, à être interrompu pendant des tâches qui nécessites beaucoup de concentration comme la préparation des seringues d'anesthésie.

Le quatrième point que j'ai pu observer est celui qui concerne le temps de présence de chaque professionnel en contact avec l'IADE. D'après mes résultats, les professionnels de santé sont à l'origine des IT dans sa grande majorité (cf. Graphique 4, page 105). A l'issu de ces résultats, on peut se questionner sur le rapport entre la présence d'un professionnel dans la zone d'activité de l'IADE et sa possibilité d'être à l'origine d'IT.

Pour le vérifier, j'ai dû croiser des données qui sont ressorties de mon observation. Lorsque je remarque que l'IBODE comptabilise 32,2% des IT, je fais le lien avec l'idée qu'il démarre sa journée et prépare sa salle aux mêmes amplitudes horaires que l'IADE, c'est à dire qu'ils se côtoient continuellement. On peut affirmer que son temps de présence passé au côté de l'IADE peut être un facteur de survenue d'IT car le type d'IT est préférentiellement lié au « contact humain ». Celui-ci est physique pour plus de 74% (cf. Graphique 3, page 104). Le MAR et le chirurgien qui arrivent plus tard dans le processus, complète cette hypothèse avec respectivement 25% et 18% (cf. Graphique 5, page 106). Pour autant, lors de du déroulement de la séquence « ouverture de salle », ce n'est pas l'IBODE qui génère le plus d'IT, mais le MAR. Y aurait-il un facteur permettant de vérifier cela ?

Le cinquième point différencie les interruptions « justifiées » et celles « non-justifiées ». En effet, Si l'on regroupe les items correspondant aux IT « justifiées » (« recherche d'information » + « apport d'information » + « demande de l'aide ») cela se traduit par une démarche de collaboration. Il consiste ici en l'échange d'informations importantes et entre chaque acteur de la prise en charge du patient opéré.

Dans sa définition sur l'interruption de tâche, la Haute Autorité de Santé mentionne le fait qu'il existe des interruptions « justifiées » car nécessaire à la PEC. Pour autant elles peuvent aussi occasionner une « perte de performance ».

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D'après mes résultats, il a été relevé que 46,95% d'entre-elles correspondent à ces IT « justifiées ». Cependant, la part des IT « non justifiées » (« discussion, bruit ambiant, volume sonore » + « oubli matériel » + « problèmes logistiques », etc...) est sensiblement supérieure à celle des IT « justifiées » (53,05%) (cf. Graphique 7, page 108). Si l'on considère que les IT « non-justifiées » peuvent être évitables alors pourquoi sont-elles plus nombreuses ? Quel part de responsabilité peut avoir le facteur humain dans ce cas de figure ?

Une partie de la réponse est dû notamment au type d'IT « physique » qui est très élevé (cf. Graphique 3, page 104). Lorsque j'ai abordé le chapitre concernant les solutions qui ont été mises en oeuvre pour lutter contre les IT (cf. Chapitre 3.3.3.1, page 36), je me suis aperçu qu'elles étaient particulièrement efficaces d'après les études qui les ont évaluées. Les « Gilets jaunes » comme les « espaces sécurisés » permettraient de réduire les IT et nous pouvons donc imaginer diminuer surtout celles qui ne demandent pas un travail de collaboration car moins importantes (IT « non-justifiées »). Ces barrières ont pour objectif de dissuader les IT en général alors pourquoi ne serait-il pas envisageable de s'inspirer de ces dispositifs pour diminuer l'impact des IT « non-justifiées » au bloc opératoire dans la pratique IADE ?

Là encore, ne disposant pas de données allant dans le sens de cette hypothèse, je ne peux pas le confirmer car aucune étude de la sorte n'a été réalisée sur la sécurisation de la pratique IADE face aux IT au BO.

Cependant, se questionner sur l'usage « spontané » des motifs d'IT « non-justifiées » pourrait être un premier pas dans la nécessité de sensibiliser les professionnels de santé à les réduire à des fins plus collaboratives. Est-ce que cela aurait un impact sur la survenue d'évènements indésirables évitables ? Le débat reste ouvert. Comment s'adapterait l'équipe face à ce type de formation ? Quelles solutions leur apporter ?

Le sixième point que j'ai relevé concerne la capacité de l'IADE à s'adapter face aux IT. Avec plusieurs réactions possibles et annotées sur ma grille d'observation (cf. Annexe n°1, page 139), je me suis accroché à l'idée que celui-ci disposait d'une bonne résistance car il ne « s'interrompait pas » dans 51,22% des cas.

De plus, j'ai aussi enregistré le fait qu'il y avait très peu de situation où l'IADE « oubliait » de finir sa tâche initiale au profit d'une tâche secondaire. Est-ce là, une démonstration du concept de résilience que j'ai pu aborder et tenter de développer dans mon cadre conceptuel ? (cf. Paragraphe 3.3.3.3, page 40). Ne pouvant le confirmer car restant dans une démarche observationnelle, il aurait été intéressant de pouvoir l'exploiter au travers d'un questionnaire destiné à l'IADE pour mettre en lumière cet aspect neurocognitif. Cependant, après avoir discuté avec certains d'entre eux après les observations, ils m'indiquent néanmoins qu'ils sont conscients de ce

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phénomène et qu'ils s'adaptent en fonction du motif et évoquent leur expérience comme étant un atout dans leurs capacités à être des professionnels « multitâches ».

Cette discussion peut certainement expliquer mes résultats concernant les différentes réactions de l'IADE face aux IT (cf. Graphique 8, page 109). En effet, même si l'IADE s'interrompt simplement et/ou décide d'effectuer une tâche secondaire, il a tendance à revenir sur ce qu'il était en train de faire.

Cela se confirme lorsque l'on additionne les items de ce même graphique « stop la tâche initiale, débute la tâche secondaire puis reprend la tâche initiale » avec « stop puis reprend la tâche initiale ». Ils représentent à eux deux une proportion de 46,34%, ce qui est plutôt significatif d'une capacité à rester concentré malgré les distractions.

Enfin le dernier point à identifier est celui qui met en lien la durée moyenne des IT avec le risque de perdre en performance dans le processus d'exécution des tâches. Indiscutablement, j'ai relevé que la majorité des IT observées ne dépassaient pas une minute (cf. Graphique 9, page 110).

Cependant, il m'est impossible de savoir s'il y a un rapport avec la possibilité d'une IT à être plus nuisible si elle dure plus longtemps. Pourquoi ? Parce qu'il ne s'agissait pas de faire une étude prospective sur la capacité des IT à être handicapantes en fonction du temps d'interruption.

Malgré tout, nous pouvons nous appuyer sur le fait que même les IT les plus courtes peuvent avoir un risque avéré dans la survenue d'erreur car elles apportent une surcharge cognitive si elles sont fréquentes et ciblées sur la même personne (cf. Paragraphe 3.3.1.4 Synthèse, page 32, étude de HUET & al).

Après avoir effectué ce travail de recherche et pris du recul sur la façon dont j'ai pu observer et mener mon enquête observationnelle, je me suis rendu compte qu'il n'était pas si simple de pouvoir « compter » la survenue des interruptions de tâche. Se manifestant de manière totalement spontanée, il m'a fallu, pendant ces 3 semaines, retravailler mon outil pour qu'il se rapproche le plus possible de la réalité du terrain. Parfaitement adapté à l'étude que j'ai choisie, il m'a été d'une grande aide de pouvoir ainsi m'appuyer sur le modèle de l'HAS qui existait déjà et qui avait fait ses preuves dans le domaine.

Si je devais revenir sur les points faibles de cette recherche, ça serait davantage sur l'aspect d'aborder les IADEs sur le sujet. En effet, j'ai divulgué pour certains le thème de mon enquête. Cependant, il ne m'a pas empêché de récolter quelques résultats significatifs. Les axes d'amélioration pourraient se porter sur le caractère trop

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quantitatif de mes observations. En effet, je remarque que ma grille d'observation ne relève que des données chiffrées et que certains aspects de mon enquête auraient pu bénéficier d'une réelle expertise plus qualitative portant, par exemple, sur l'expérience et le vécu des interruptions de tâche par le soignant IADE. Il m'aurait permis de vérifier et de confirmer les hypothèses auxquelles je me confronte. Par exemple, l'effectif soignant présent au BO serait-il ou non plus dommageable en termes d'IT que la durée des tâches accomplies ? C'est peut-être là, l'ouverture possible vers d'autres enquêtes qui serviraient à compléter mon travail de recherche. L'apport de variables non quantitatives auraient certainement soulevé différents points de vue et dégager des données significatives.

Ma question de départ cherchait à comprendre la récurrence des IT, leurs origines et leurs motivations dans la pratique de l'IADE (motifs, origines, localisation) de l'ouverture de salle jusqu'à l'incision.

Je pense qu'à travers mon enquête, j'ai pu répondre en partie à ce questionnement. Il reste cependant beaucoup d'interrogations mais comme énoncé précédemment, il ne s'agit que d'un état des lieux de l'impact de ces IT sur la pratique des IADEs réunionnais. Cette recherche mérite donc d'être approfondie pour apprécier davantage notre vécu des interruptions.

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"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King