Nous avons pu aborder le sujet des interruptions de
tâche en tentant de les définir et de les identifier. Nous savons
à présent qu'il est particulièrement difficile de lutter
contre un phénomène qui fait partie intégrante du
quotidien de nombreux soignants et notamment des infirmiers. Il est admis que
ces professionnels sont confrontés et interrompus en moyenne 10 fois par
heure142 (soit 1 fois toute les 6 minutes), ce qui est
considérable143. Toujours d'après cette étude
Béatrice KALISCH
141 TOURMEN Claire - Activité, tâche, poste,
métier, profession: quelques pistes de clarification et de
réflexion - Santé publique, volume 19, supplément
n°1, janvier-février 2007.
142 Kalisch B.J., & Aebersold M. Interruptions and
Multitasking in Nursing Care. The Joint Commission Journal on Quality and
Patient Safety, 36(3), 126-132, 2010.
143 Dinet J., Hignard M., Cartalade C., Malbranche E., Baudin
A., Rivallier L., Proux A. Interruptions de tâches dans un service de
médecine interne: un danger sous-estimé?. La revue de
médecine interne, 39, A145-A146. 2018.
55
& al, sur 1354 interruptions, 200 erreurs ont
été enregistrées. Les IT peuvent être nuisibles dans
certaines activités et donc engendrer des erreurs.
Le rôle de l'IADE est d'assurer la
sécurité anesthésique auprès des patients qui
rentrent au bloc opératoire. Comment cohabiter aujourd'hui avec
l'idée qu'une simple « distraction », même de courte
durée, peut parfois faire basculer le soignant dans un profond doute, ou
il est parfois difficile pour lui-même de se recentrer sur ce qu'il
faisait au préalable? C'est là toute la complexité pour
les établissements de santé et les sociétés
savantes de mettre en place des dispositifs adaptés pour maitriser le
risque de survenue d'interruptions de tâche et donc éviter des
évènements indésirables. « Bien que les
infirmières gèrent bien les interruptions et le multitâche,
le potentiel d'erreurs est présent et des stratégies visant
à réduire les interruptions sont
nécessaires144 » conclue Béatrice
KAPLISCH.
Dans un environnement comme le bloc opératoire ou
l'anesthésie a évoluée avec l'objectif d'apporter toujours
plus de sécurité au patient et même s'il existe des
progrès dans les techniques de prise en charge avec l'utilisation entre
autres de matériels perfectionnés, le danger reste important et
touche tout aussi bien les médecins
anesthésistes-réanimateur. Il y a donc un devoir de collaborer
activement et de mettre en avant une confiance mutuelle.
Comme le résume David NAUDIN & al : «
Un des éléments essentiels de l'activité
d'anesthésie concerne la prise de décisions complexes, souvent
dans un contexte d'incertitude, qui nécessite une collaboration entre le
médecin anesthésiste-réanimateur (MAR) et l'infirmier
anesthésiste diplômé d'état (JADE). L'équipe
d'anesthésie met quotidiennement en jeu des compétences à
la fois techniques directement liées à des habiletés et
des savoir-faire, mais également des compétences non techniques.
Celles-ci sont primordiales pour soutenir une collaboration
efficace145 ».
Faire du travail en équipe, un groupement d'expert au
service de la culture de sécurité, une plus-value pour que chacun
puisse exercer en toute sécurité et prendre conscience du risque
malgré un environnement stressant. « Une équipe
est composée de plusieurs professionnels de santé qui
collaborent, s'entraident et se coordonnent pour atteindre des objectifs
partagées, centrés sur la prise en charge du patient, et dont ils
se sentent collectivement responsables146 ».
144 Kalisch B.J., & Aebersold M. Interruptions and
Multitasking in Nursing Care. The Joint Commission Journal on Quality and
Patient Safety, 36(3), 126-132, 2010.
145 Naudin David, Dupont Anne, Gavet Coralie. La
collaboration MAR-IADE: entre compétences non techniques et confiance
interpersonnelle. OXYMAG vol 31 - N° 163, pp 19-22, novembre 2018.
146 Haute Autorité de Santé - Gestion des risques
en équipe - Développement professionnel continu (DPC), juin
2017.
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Savoir s'organiser est une qualité phare pour tout
professionnel et notamment pour les IADEs. La sécurité des soins
est aussi bien une affaire de personnes (facteur humain) que
d'organisation147.
Il est alors judicieux de comprendre que l'objectif pour les
IADEs est naturellement de se munir de toutes les recommandations de bonnes
pratiques (guidelines) afin de ne pas se laisser dépasser par l'exigence
de notre discipline et la volonté de faire progresser la pratique en
anesthésie.
Pour ce faire, nous devons faire émerger des solutions
qui doivent protéger notre environnement de travail et la pratique de
l'IADE.
147 Clergue F. Sécurité anesthésique:
une affaire de personnes ou d'organisation? - Rev Med Suisse 2004; volume O.
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