B : La prorogation du délai du recours
La prorogation du délai peut être
prononcée dans deux cas : c'est le cas où le requérant a
introduit un recours administratif préalable dans le délai du REP
et aussi lorsqu'il saisisse une juridiction incompétente. Le recours
administratif préalable est une procédure qui permet au
requérant estimant qu'un acte administratif est illégal de
demander dans le délai de deux mois l'auteur de l'acte ou son
supérieur hiérarchique de le rapporter. La prorogation est
souvent acquise lorsque le RAP est enclenché conformément aux
conditions prévues pour sa mise en oeuvre. Essentiellement
initiée dans l'intérêt des requérants, la
prorogation a été prononcée plusieurs fois par le juge
dans le cadre des recours gracieux et hiérarchique. Lorsqu'une
autorité administrative est saisie à cet effet, elle ne peut
donner que trois sortes de décisions susceptibles de proroger le
délai du REP. Il s'agit de la décision explicite de rejet, la
décision implicite de rejet et la décision explicite de rejet
intervenue postérieurement après l'expiration du délai de
quatre mois prévus.
Cette procédure présente beaucoup
d'intérêts pour « l'usager, qui bénéficie
ainsi que l'opportunité de voir l'administration revenir
d'elle-même sur la décision défavorable qu'elle à
prise à son en contre dans le cadre d'une procédure plus souple
et bien plus brève que celle de l'action contentieuse
»51. Ce qui porte à croire qu'il présente
relativement plus de garanties qu'un recours juridictionnel. Ainsi, a-t-on
raison de dire « vaut mieux un
50 CS, arrêt N°09 du 09 février
2017, la SONATEL C/ Commune de Mboumba-Etat du Sénégal.
51 KEUTCHA TCHAPNGA, Les grandes
décisions annotées de la juridiction administrative du
Cameroun, Cameroun, L'Harmattan, 1ère édition,
2017, p.108.
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mauvais arrangement qu'un bon procès » si l'on
sait que le procès est très couteux et que l'exécution de
la décision annulée par le juge de l'excès de pouvoir
demeure toujours incertaine. Tandis que la décision prise à
l'issu d'un arrangement est souvent respectée par les deux parties mais
aussi parce que l'arrangement est moins coûteux qu'un procès. En
outre, la procédure de RAP permet « d'éviter un certain
nombre de recours contentieux et donc de lutter contre l'encombrement de la
juridiction administrative52 ». Elle vient faciliter
à cet égard le travail du juge de l'excès de pouvoir qui
sera saisi que pour des affaires très sérieuses qui n'ont pu
aboutir à un accord entre l'administration et le requérant.
Le REP peut aussi faire l'objet de prorogation en cas de
saisine d'une juridiction incompétente par le requérant
préalablement à la juridiction administrative compétente.
Ce recours relève de la compétence exclusive de la cour
suprême. Par conséquent lorsqu'il est porté devant une
autre juridiction, cette dernière doit se déclarer
incompétente afin de ne pas s'interférer dans les attributions de
la cour suprême. La déclaration d'incompétence peut
intervenir après une longue période et, le cas
échéant, le délai d'introduction du REP sera
dépassé. Un rattrapage du délai dépassé est
donc nécessaire en ce sens qu'il gagnerait à empêcher un
éventuel rejet du recours pour forclusion. Il appartient à la
juridiction compétente en excès de pouvoir de procéder au
rattrapage du délai en le prorogeant. La prorogation est possible
à condition que le recours introduit par le requérant,
aboutissant à la déclaration d'incompétence, soit fait
dans le délai de deux mois. Rien n'interdit normalement une prorogation
lorsqu'intervient une déclaration d'incompétence à la
suite d'un RAP. Le délai du recours pour excès de pouvoir
commence à courir à partir de la notification de la
déclaration d'incompétence de la juridiction qui a
été saisie à tort53.
L'intérêt consiste, dans un premier temps,
à ouvrir largement la recevabilité du REP aux requérants.
La prorogation du délai du REP permet ainsi au juge d'assurer sa
fonction de gardien des droits et libertés.
52 WALINE(Jean), Précis de droit
administratif, op.cit, p.640 ; voir aussi LOMBARD (Martine), DUMONT
(Gilles) et SIRINELLI (Jean), Hyper cours droit administratif : cours et
travaux dirigés, sous la direction de CHAGNOLLAUD (Dominique) et
GUINCHARG (Serge), Dalloz, 12ème édition, 2017,
p.668.
53 CS, arrêt du 9 février 1966, Dame
Fatou Diop, RLJ, 91 ; Ann. afr.1973, p.268. Cité par SY (Demba),
Droit administratif, revue, corrigée et augmentée, op.
cit, p.127.
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Dans un second temps, il s'agit d'éviter à ce
que des recours en annulation fassent l'objet d'un examen au fond par n'importe
quelle juridiction. Ce qui permet de préserver l'exclusivité de
la compétence de la cour suprême en la matière en
évitant des recours désorganisés qui vont induire des
immixtions irrégulières des autres juridictions dans sa
sphère de compétence.
Une fois qu'il examine la recevabilité du REP, le juge
doit procéder à l'examen de la légalité de l'acte.
Le travail fait par le juge au moment du contrôle de la
légalité rassure que l'examen du recours est satisfaisant en ce
qu'il permet d'assurer le respect de la légalité et la protection
des droits des administrés.
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