L'efficacité du recours pour excès de pouvoir au Sénégal.par Diacarya Coly Université Alioune Diop de Bambey - Master II en droit public, option Administration publique 2020 |
Chapitre 2 : Le contrôle satisfaisant de l'acte administratif litigieuxAu moment de l'examen de la légalité d'un acte administratif, le juge peut recourir à des procédures et techniques visant toutes à protéger les droits des administrés. Les procédures visées en ce sens concernent substantiellement celles relatives à l'urgence telles que le référé suspension et le référé liberté visant à faire cesser l'atteinte aux droits des administrés en attendant la décision au fond du juge de l'excès de pouvoir. Il doit en outre se fonder sur les éléments de preuve des faits litigieux pour déterminer l'existence ou non de l'illégalité. En excès de pouvoir, il fait preuve de pragmatisme dès fois en allégeant la charge de la preuve. Une fois la preuve établie, le juge va rejeter ou annuler l'acte administratif du requérant selon qu'il y ait illégalité ou pas. L'annulation n'intervient que lorsqu'il y a illégalité de l'acte administratif attaqué. La sanction des actes administratifs illégaux prononcée par le juge couvre l'essentiel des illégalités susceptibles d'affecter un acte administratif. Section 1 : La mise en oeuvre des procédures d'urgence dans le traitement du recours et l'allègement de la charge de la preuvePlusieurs procédures ou techniques ont été mises en oeuvre avant et au moment du contrôle de la légalité en vue d'éviter que l'administré ne subisse des effets indésirables pouvant résulter de certains actes administratifs illégaux. Effets qui peuvent résulter de l'application du principe d'effet non suspensif54 et du principe « actori incumbit probatio ». 54 Voir infra, p.59 et 60. 31 Il s'est agit successivement de la mise en oeuvre des procédures d'urgence et de l'allègement du fardeau de la preuve. Paragraphe 1 : La mise en oeuvre des procédures d'urgence dans letraitement du REPDeux principales procédures sont visées à ce niveau. Il s'agit du référé suspension et du référé liberté qui ont été instituées par le législateur dans la loi organique de 2017 sur la cour suprême. Ces procédures offrent beaucoup de garanties au recourant de l'excès de pouvoir avant même l'intervention de la décision du juge de l'excès de pouvoir. A : L'application de la procédure de référé suspensionEn droit sénégalais, la procédure initialement aménagée pour la suspension d'un acte administratif illégal est celle du sursis à exécution. Celle-ci bien qu'indispensable pour la protection des droits des administrés souffrait de limites. Pour pallier à ses insuffisances, le législateur a adopté une nouvelle procédure d'urgence en lieu et place de la première afin d'améliorer la protection des droits des administrés. Cette nouvelle procédure relative au référé suspension est prévue à l'article 84 de la loi organique sur la cour suprême. Suivant cet article, « quand une décision administrative fait l'objet d'une requête en annulation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ces effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation de la décision dans les meilleurs délais»55. La suspension d'un acte administratif obéit à des conditions spécifiques. D'une part, il est exigé au requérant le respect de la condition formelle. Cette dernière est relative à l'introduction d'un recours en annulation préalablement à toute demande de suspension de l'acte. De là, apparait un lien étroit entre le référé suspension et le recours pour excès de pouvoir. Comme l'indique Moustapha AIDARA, « (...) le référé suspension est un recours accessoire à une requête en annulation d'une décision 55 Article 84 de la loi N° 2017-09 du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi organique N°2008-35 du 08 Août 2008 sur la cour suprême, op. cit. 32 administrative devant la cour suprême »56. Il n'est pas une procédure autonome mais plutôt dépendante du REP. Le non respect de cette condition entraine le rejet de la requête de suspension. Dans une affaire qui lui a été soumise sur la base d'autres fondements, le juge à rejeter la demande du requérant alors qu'il aurait dû peut être ordonné la suspension de l'acte si le requérant avait introduit au préalable un recours en annulation, et ce malgré que la demande du requérant ne portait pas sur le référé suspension57. D'autre part, la demande de suspension est soumise à des conditions de fond. D'emblée, il doit y avoir urgence à suspendre l'acte administratif. On dit qu'il y a urgence en matière de référé suspension « lorsque la décision contestée porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou à ses intérêts »58. En sus, la demande de suspension doit viser un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Que peut-on entendre par « moyen propre » ? Pour le professeur Moustapha AÏDARA, « le moyen propre qui vient remplacer le moyen sérieux signifie que le juge n'a pas besoin de certitude sur le caractère fondé des moyens d'annulation. Il suffit que sa requête comporte un moyen de nature à créer le doute »59. En posant cette condition, le législateur a entendu assouplir les conditions de mise en oeuvre du référé suspension. Si après examen de la requête de suspension le juge estime que les conditions sont réunies, il doit ordonner la suspension de l'acte administratif. C'est ainsi qu'il a, par exemple, ordonné la suspension de la décision du préfet de Dakar telle que demandée par L'Eglise du christianisme Céleste « Paroisse Jehovah Elyon »60. La suspension de l'acte administratif litigieux constitue un moyen sûr de protection des droits des administrés contre tout effet irrémédiable pouvant résulter de l'application du 56 AIDARA (Mouhamadou Moustapha), « Référé administratif et unité de juridiction au Sénégal », in revue Afrilex, 2019, p.10. Voir également, NDIAYE (Ameth), « Le référé administratif en Afrique, in revue Afrilex, janvier 2020, p.40. 57 CS, Ordonnance N°1 du 02 mars 2017, Héritiers feu Arouna SENE, feu Moustapha SENE et feu Momar SENE C/ Sous-préfet des Almadies- Héritiers feu Ndiouga KEBE et feu Bécaye SENE, cité par NDIAYE (Abdoulaye), « Panorama de la jurisprudence de la chambre administrative de la cour suprême », BICS, p.68 et 69, Http// : www.coursuprême.sn, consulté le mercredi 25 décembre 2019. 58 CS, ordonnance de référé, N°5 du 10/10/2019, la Société sénégalaise des Eaux dite SDE C/ L'Autorité de Régulation des Marchés Publics dite A.R.M.P-Etat du Sénégal, p.6. Http// : www.coursuprême.sn, consulté le mercredi 25 décembre 2019. 59 AIDARA (Moustapha), « Référé administratif et unité de juridiction au Sénégal », op. Cit, p. 60 Ordonnance N°7 du 18 mai 2017 l'Eglise du christianisme Céleste « Paroisse Jehovah Elyon », cité par NDIAYE (Adama), « La jurisprudence Sénégalaise en matière de protection des droits et libertés », BICS, N° 013-014, juin 2019, p.57. Http//: www.coursuprême.sn, consulté le 12 février 2020 33 privilège du préalable. Cette procédure permet au requérant d'obtenir une décision du juge dans les meilleurs délais. La prise en compte de l'urgence dans le traitement d'une requête en annulation s'effectue également par le biais de la procédure du référé liberté. |
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