Paragraphe 2 : L'assouplissement du délai du recours
La mise en oeuvre du REP est circonscrite dans un délai
de deux mois. Ce délai commence à courir dès que l'acte a
fait l'objet d'une publicité ou exceptionnellement lorsque le
requérant a pris connaissance de son existence. Toutefois, ce
délai peut être rallongé. La prorogation offre au juge
l'occasion de statuer sur une requête qu'il aurait pu rejeter pour
forclusion.
46 C.E du Sénégal, Ibra Gaôki
DIONE C/ Etat du Sénégal, 25 juin 1997, inédit.
Cité par SY (Papa Mamour), « Quelques remarques sur l'institution
de la cour suprême au Sénégal depuis la création du
conseil d'Etat », op. Cit, p.35.
47 SY (Papa Mamour), « Le conseil d'Etat
sénégalais et le contrôle de l'erreur manifeste
d'appréciation, commentaire de l'arrêt du conseil d'Etat de la
république du Sénégal du 27 octobre 1993, le comité
international de la croix rouge(C.I.C.R) et l'Etat du Sénégal
(arrêt N°14) », op. cit, p.
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A : La conservation du délai du recours pour
défaut de publicité
La publicité est une mesure qui consiste à
porter un acte administratif à la connaissance de son destinataire. Elle
est un corollaire du droit à l'information et constitue le point de
départ du délai du REP. Autrement dit, c'est à partir de
la publicité qu'un acte devient opposable à son destinataire. A
défaut, son destinataire est en droit d'introduire un REP sans risque de
forclusion sauf s'il a pris connaissance de l'existence de l'acte. La
publicité peut intervenir dans deux cas : elle est établie soit
par le truchement de la notification soit par le biais de la publication. Ces
deux formes de publicité se différent essentiellement du point de
vue de la nature de l'acte administratif édicté.
S'agissant des actes individuels, leur opposabilité
n'intervient qu'après leur notification aux destinataires. L'exigence de
notification s'explique par le fait que ces actes individuels concernent des
personnes nommément désignées. Le défaut de
notification permet de conserver le délai du recours. Le juge est
allé dans ce sens dans l'affaire Sérigne Babacar SECK en
admettant la recevabilité du recours introduit par le requérant
après avoir rappelé que : « les décisions
attaquées sont des actes administratifs à caractère
individuel, qui, pour faire courir le délai du recours contentieux,
doivent être notifiés aux intéressés ; que faute de
notification individuelle, le délai du recours contentieux n'a pu courir
»48. Le juge n'a pas jugé utile dans cette affaire
de retenir le moyen tiré de ce que le requérant a eu connaissance
de la délibération attaquée par voie d'affichage le 22
juillet 2007. Il reste plutôt attaché au respect de la
notification de l'acte à son destinataire. De même, appelé
à prononcer l'irrecevabilité du recours dans deux
affaires49 rendues le même jour, le juge a donné une
réponse négative au défendeur qui a soulevé
l'irrecevabilité du recours et retient que l'acte attaqué n'a pas
été notifié au requérant pour faire courir le
délai du REP.
Concernant les actes à caractère
réglementaire, c'est la publication qui est requise pour leur
opposabilité. Ces actes à caractère général
et impersonnel ne peuvent être portés à la connaissance de
tous les intéressés qu'à la seule condition qu'ils fassent
l'objet de publication au journal officiel lequel sera déposé au
secrétariat général du
48 CS, arrêt N°31 du 25 août 2009,
Sérigne Babacar SECK C/ Conseil régional de Kaolack-Gouverneur de
la région de Kaolack, B.A.C.S, NO 1, année 2008-2009,
p.139.
49 CS, arrêt N°10 du 23 février
2012, Ibnou Abath Dia et autres C/ Etat du Sénégal, inédit
; CS arrêt N° 12 du 23 février 2012, Barthélémy
Toye Dias C/ Etat du Sénégal, inédit.
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gouvernement pour être opposable aux administrés.
La publication demeure ainsi le moyen le plus efficace pour faire parvenir
l'information à tous. Le juge veille au respect de cette exigence en
admettant la recevabilité du recours formé contre un acte
règlementaire lorsqu'il n'a pas fait l'objet de publication. Ainsi, dans
l'espèce la SONATEL contre la Commune de Mboumba, le juge a retenu qu'
« il n'est pas établi que la délibération
attaquée qui a un caractère réglementaire a
été publiée pour faire courir le délai de recours ;
qu'en outre, il n'est pas contesté que la SONATEL a reçu
notification de la délibération le 22 juillet 2015 ; que par
conséquent, le recours formé le 22 juillet 2015 soit avant
l'expiration du délai légal de deux mois, est recevable
»50. Une fois qu'il aurait reçu la requête
d'annulation, le juge pourrait éviter de prononcer la
déchéance en prorogeant le délai du recours.
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