Conclusion
L'analyse de l'efficacité du REP au
Sénégal est d'une grande complexité du fait que beaucoup
de décisions ont été rendues en matière
d'excès de pouvoir. De même, des réformes ayant des liens
étroits avec ce recours ont également été
entreprises. Ces réformes et décisions rendues constituent les
éléments auxquels on s'en est référé pour
analyser le sujet objet d'étude.
Le REP n'est que la traduction de la sacralité du
principe de légalité et des droits des administrés que
tout Etat de droit entend assurer pour éviter, limiter voire sanctionner
l'arbitraire administratif. Il se profile ainsi comme une voie de droit
essentielle à laquelle les administrés peuvent utiliser pour
combattre l'arbitraire administratif. C'est dire par là que
l'administration agissant par des actes administratifs unilatéraux n'est
pas libre de faire ce qu'elle veut. Bien sûr qu'elle doive se conformer
aux normes juridiques, faute de quoi son acte sera frappé d'une sanction
d'annulation. Les administrés peuvent grâce au REP combattre
efficacement tous comportements malveillants de l'administration lorsqu'elle
émet des actes juridiques.
Toutefois, ce recours connait beaucoup de limites. Ces limites
dont l'essentiel a été développé plus haut
amènent parfois les administrés à se détourner de
cette voie de droit. Le plus souvent, ils font recours aux modes alternatifs de
règlement des litiges ou dans le pire des cas, ils s'abstiennent. Les
modes alternatifs de règlement des conflits auxquels ils ont tendance
à recourir concernent les recours administratifs préalables,
notamment le recours gracieux ou hiérarchique. Ces recours demeurent des
préalables au contentieux de l'excès de pouvoir.
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Cependant, les administrés peuvent se limiter à
ces recours même s'il y a liaison du contentieux. Cela parait
évident à cause de la pluralité des difficultés
qu'ils peuvent rencontrer dans le cadre du contentieux de l'excès de
pouvoir. Et c'est là le souci car l'usage du RAP n'est pas mauvais en
soi mais c'est plutôt le fait qu'un justiciable refuse de saisir le juge
alors même qu'il a la possibilité de le saisir à la suite
d'un RAP. Il reste à préciser en ce sens que ces recours
quoiqu'importants connaissent néanmoins des limites. Comme l'indique
Jean WALINE, « les recours administratifs, gracieux ou
hiérarchiques, peuvent se fonder sur des considérations
d'opportunité et d'équité ; ils ne tendent pas
nécessairement à assurer le respect de la légalité
par l'administration »173. Ces recours aboutiront
difficilement à leur finalité puisque de telles
considérations demeurent très délicates à assurer.
Et lorsqu'ils aboutissent à des résultats, ces recours peuvent
connaitre des limites notamment en ce qui concernent leurs effets. Il en est
ainsi de l'acte abrogé qui ne peut produire d'effets que pour
l'avenir.
Les administrés préfèrent, dans certains
cas, recourir à la médiation. Cette dernière est une
nouvelle forme de contrôle de l'action administrative qui a
été formalisée au Sénégal suite au renouveau
démocratique comme il a été ainsi dans la plupart des pays
africains. Ainsi, « transposée dans le cadre étatique,
la médiation apparait comme un moyen moderne de contrôle de
l'administration, et un mécanisme protecteur des citoyens, moins
formaliste et moins onéreux que les moyens classiques, qui affichent un
net recul d'efficacité »174. Elle est une exigence
des populations qui, a un moment donné, ont voulu une modernisation du
contrôle de l'action administrative dont le but est d'apporter plus
d'efficacité. La médiation se présente à cet effet
comme une solution aux déboires des recours juridictionnels, et
particulièrement du REP. En lieu et place du juge administratif,
certains requérants préfèrent saisir le médiateur
en premier ou s'en limiter à lui. Pourtant, les pouvoirs du
médiateur sont beaucoup plus limités que ceux du juge de
l'excès de pouvoir. A l'évidence, le REP devrait apporter
beaucoup plus de satisfaction aux requérants que la médiation si
l'on s'en tient aux pouvoirs des deux organes.
Par ailleurs, certains administrés manifestent de plus
en plus leur préférence pour le REP au détriment des
autres voies de droit. On le conçoit fort bien lorsque leurs
173 WALINE (Jean), Précis de droit administratif,
op, cit, p.645
174 ACKA (Félix Sohuily), « Un médiateur
dans les institutions publiques Ivoiriennes : l'organe présidentiel de
médiation », in revue Afrilex, 2001/01, p.4
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requêtes sont rejetées sur le fondement de
l'absence de recours parallèle175 ou lorsqu'ils saisissent
directement le juge de l'excès de pouvoir sans passer par les modes
alternatifs de règlement des conflits. Cet état de fait atteste
que le REP demeure un recours privilégié des administrés.
Ce faisant, ses failles devrait être éliminées afin qu'il
puisse jouer son rôle d'utilité publique. Il urge, tout d'abord,
de procéder à la socialisation juridique des requérants en
organisant des campagnes de sensibilisation sur l'existence et l'utilité
du REP. Travail de long haleine auquel les pouvoirs publics, les juristes etc.
devront s'atteler en vue d'assurer une large diffusion de ce recours. La
publication régulière des arrêts devient ainsi un
impératif pour la connaissance effective des normes jurisprudentielles
applicables en matière de REP. L'idée est de mobiliser davantage
les administrés, que ce soit ceux qui manifestent leur
préférence pour le REP ou d'autres qui s'intéressent peu
ou prou à ce recours, à participer au combat contre l'arbitraire
administratif afin que ce recours soit beaucoup plus utile.
De même, les procédures auxquelles
l'administré est assujetti dans le cadre de l'introduction de ce recours
méritent d'être simplifiées pour éviter ou, du
reste, diminuer les rejets des requêtes pour irrecevabilité ou
déchéance. Le juge doit également mener une politique
jurisprudentielle plus souple dans le cadre de la recevabilité du
recours.
En sus, le contrôle juridictionnel devrait être
amélioré. Pour ce faire, le délai de traitement des
requêtes en annulation devrait être moins long afin que ce recours
puisse produire des effets utiles à l'égard des
administrés. Le juge doit disposer des pouvoirs d'injonction pouvant lui
permettre de contraindre l'administration d'exécuter la décision
d'annulation si elle tente de se soustraire au respect de l'autorité de
la chose jugée. A cet effet, une réforme visant à
renforcer les pouvoirs du juge dans le cadre de l'exécution de la
décision d'annulation doit être faite.
La réalisation de ces perspectives requiert beaucoup
d'effort de la part de tous les acteurs intervenant dans le cadre du REP. Ces
derniers devront jouer pleinement leurs rôles et assumer leur
responsabilité.
175 Voir supra, pp.55 et 56
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