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L'efficacité du recours pour excès de pouvoir au Sénégal.par Diacarya Coly Université Alioune Diop de Bambey - Master II en droit public, option Administration publique 2020 |
B : Les difficultés d'exécution extérieures à la volonté l'administrationD'énormes difficultés d'exécution de la décision d'annulation demeurent indépendantes de la volonté de l'administration. D'emblée, il faut noter la difficulté objective d'exécution de la décision d'annulation. Cette difficulté d'exécution demeure l'hypothèse la plus récurrente car le juge rend souvent ses décisions après une très longue durée. L'inconvénient est que même si l'administration a bien l'intention d'exécuter la décision annulée, elle serait dans l'impossibilité puisque sa décision a été totalement exécuter. Cette décision ne sera pas susceptible de produire les effets escomptés. Elle regorge tout au plus « une vertu purement symbolique car intervenant le plus souvent bien après du fait de la lenteur des procédures »169. Les décisions d'annulation rendues tardivement par le juge de l'excès de pouvoir demeurent insusceptibles de produire des effets réels. Cela est beaucoup plus fréquent dans le cadre des libertés publiques. La plupart des décisions juridictionnelles annulant un acte administratif qui aurait porté atteinte à une liberté publique ne permettent pas d'améliorer la situation des requérants en ce qu'elles interviennent tardivement. Dans l'affaire opposant Aliou TINE à l'Etat du Sénégal170, le juge a annulé la décision de l'autorité administrative au bout de onze (11) mois et demi. Cette décision ne peut faire l'objet d'exécution par l'administration du fait qu'elle est intervenue tardivement. Cet état de fait a été décrit également par Idrissa SOW à propos de la décision rendue par le juge dans l'arrêt Amnesty international Sénégal rendu en date du 9 juin 2016. Selon cet auteur, « Cette décision remarquable n'aura eu malheureusement qu'une valeur symbolique ou tout au plus pédagogique, vu que la cour suprême s'est prononcée plus d'un an après la date à laquelle la marche était programmée »171. Ces décisions ne peuvent assurer la protection des droits des administrés. Il en est de même en matière de concours dont certaines décisions d'annulation peuvent demeurer également anodines. Ces décisions peuvent avoir une valeur pédagogique comme c'est le cas pour certaines décisions rendues dans le cadre des libertés publiques. 169 SOW (Idrissa), discours sur « Le suivi de l'exécution des décisions de la cour suprême », Actes d'atelier d'échanges, 3 et 4 mai 2019. http://www.coursuprême.sn. Consulté le 25 décembre 2019. 170 CS, arrêt N°35 du 13 octobre 2011, Alioune TINE, Président de la rencontre africaine des droits de l'homme(RADDHO) C/ Etat du Sénégal, inédit 171 SOW (Idrissa), discours sur « Le suivi de l'exécution des décisions de la cour suprême », op.cit, 72 Au titre des difficultés d'exécution extérieures à l'administration, s'ajoutent celles provenant du justiciable. La décision d'annulation n'a d'importance autant que le requérant en profite de son exécution. Or celui-ci semble se désintéresser parfois de son exécution. Ainsi, « dans le contentieux sénégalais de l'excès de pouvoir et dans la majorité des pays africains, il est significatif que le requérant soit couramment satisfait de la victoire morale que lui procure l'annulation. En effet, celui-ci ne se soucie guère de l'exécution proprement dit du jugement. Car le plus souvent, le justiciable ne sait pas que l'arrêt d'annulation rendu par la cour suprême doit être exécuté par l'administration »172. Il est dans l'intérêt de celui-ci de poursuivre l'exécution de la décision annulée rendue à son profit. Ce cas d'inexécution des décisions d'annulation est rarissime à l'heure actuelle. Bien qu'il présente certains traits qui caractérisent son efficacité, le REP connait néanmoins d'importantes limites. Il demeure théorique à cet égard pour certains justiciables qui ne peuvent pas l'utiliser. Ces limites viennent affecter son efficacité ou à tout le moins certaines de ces caractéristiques. Ce qui diminue substantiellement son intérêt en tant que recours d'utilité publique. 172DIAGNE (Mayacine), L'efficacité du contrôle contentieux exercé sur l'administration sénégalaise, Thèse de Doctorat d'Etat, Aix-en Provence, 1990, p.281. Cité par COULIBALY (Babakane), « Le juge administratif, rempart de protection des citoyens contre l'administration en Afrique noire francophone, in revue Afrilex, p.31 73 |
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