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L'efficacité du recours pour excès de pouvoir au Sénégal.


par Diacarya Coly
Université Alioune Diop de Bambey - Master II en droit public, option Administration publique 2020
  

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Paragraphe 2 : Les difficultés liées à l'exécution de la décision d'annulation

Une décision d'annulation intervenue à la suite du REP n'a d'effet réel à l'égard du requérant que lorsque l'administration procède à son exécution. Malheureusement, cette décision bute dès fois sur des difficultés d'exécution. Ces difficultés sont relatives, d'une part, à la réticence de l'autorité administrative à l'exécution de la décision d'annulation. Ce refus d'exécution de la décision annulée est contraire au respect du principe de l'autorité de la chose jugée. Principe selon lequel la décision d'annulation s'impose à tout le monde sans exception. Autrement dit, elle a effet erga omnes. D'autre part, les difficultés d'exécution sont indépendantes de la volonté de l'autorité administrative.

161 FALL (Sangoné), discours prononcé lors de l'audience solennelle de rentrée des cours et tribunaux portant sur « Le contrôle juridictionnel de l'administration », RACS, jeudi le 11 janvier 2018, p.95. Consulté le 25 mars 2020.

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A : La réticence de l'autorité administrative à l'exécution de la décision d'annulation

En droit sénégalais, l'exécution de la décision d'annulation dépend du bon vouloir de l'autorité administrative. Il ne devrait y avoir aucune crainte à ce propos puisque l'administration est présumée être de bonne foi. Force est de constater qu'elle refuse parfois d'exécuter la décision annulée par le juge de l'excès de pouvoir qui n'a malheureusement pas de pouvoirs pour la contraindre à l'exécuter. Des limites juridiques lui sont imposées en ce sens. Elles se rapportent, d'une part, à l'interdiction qui lui a été faite de prononcer des injonctions contre l'administration. Aux termes de l'article 74 du code des obligations administratives : « le juge ne peut pas adresser des injonctions à l'administration. Il ne peut pas la condamner directement ou sous astreinte à une obligation de faire ou de ne pas faire »162. D'autre part, il est interdit tout recours à l'exécution forcée contre l'administration en vue de la contraindre à exécuter une décision d'annulation. En effet, le requérant ne peut pas utiliser des voies d'exécution forcée contre l'administration. Cette dernière bénéficie d'une immunité d'exécution qu'elle tienne des dispositions de l'article 194 alinéa 2 du code des obligations civiles et commerciales163. L'interdiction d'exécution forcée contre l'Etat est bien défendue par les pouvoirs publics. C'est le cas de l'actuel Président de la République du Sénégal en l'occurrence son excellence Monsieur MACKY SALL qui a soutenu lors de l'audience solennelle des cours et tribunaux qu' « autoriser l'exécution forcée contre l'Etat, ce serait porter atteinte à la souveraineté de l'Etat ; ce serait perturber le bon fonctionnement du service public »164. Au regard de cette immunité d'exécution, il reste que le juge est impuissant face au refus d'exécution de la décision d'annulation car ne disposant pas de pouvoir d'injonction contre l'administration.

Par ailleurs, pour que l'administration exécute la décision d'annulation, « le juge devrait lui-même apprécier si sa décision est susceptible d'exécution immédiate, si elle doit être assortie de délais »165. A défaut, « le juge devrait être, dans cette fonction

162 Article 74 de la loi N° 2006-16 du 30 juin 2006 modifiant la loi n°65-61 du 19 juillet 1965 portant code des obligations de l'administration, op.cit.

163 Article 194 al. 2 du code des obligations civiles et commerciales

164 SALL (Macky), allocution prononcée lors de l'audience solennelle des cours et tribunaux portant sur le thème : « Le contrôle juridictionnel de l'administration », op. cit, p.139

165 DEBBASCH (Charles) et RICCI (Jean Claude), Précis de contentieux administratif, op. cit, p.463

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d'exécution des jugements, aidé par le législateur »166. Hélas, ils font souvent preuve d'insouciance à cet égard. Toujours est-il que l'inaction du juge semble néanmoins se justifier par le fait que le législateur lui a barré la route si bien qu'il s'estime incompétent pour prononcer des injonctions contre l'autorité administrative récalcitrante. Le juge a exprimée clairement son incompétence dans l'affaire MALCHAIR lorsqu'il précise : « qu'il n'appartient pas à la cour suprême statuant en matière d'excès de pouvoir d'adresser des injonctions à l'administration ; qu'elle peut seulement se prononcer sur la légalité des décisions administratives qui lui sont déférées »167. Le juge de l'excès de pouvoir n'est pas toujours indifférent à la violation de la chose jugée. Ainsi, il a considéré dans l'affaire opposant la Société Ibéro pour la Pêche en Atlantique à l'Etat du Sénégal : « qu'en procédant à cet examen, notamment en confirmant la décision de l'inspecteur du travail qui lui était déférée, le ministre a statué de façon irrégulière, cette irrégularité pouvant cependant être réparée, l'autorité administrative étant en mesure en l'espèce de statuer à nouveau sans violation de la chose jugée »168. Ce cas d'inexécution bien que rare au Sénégal n'en demeure pas moins inexistant. Récemment dans l'affaire Bouré DIOUF et autres, l'autorité administrative sénégalaise en l'occurrence le ministre de l'éducation nationale n'a pas caché son intention d'aller à l'encontre de la décision d'annulation rendue par le juge. Cette attitude du ministre pourrait encourager d'autres autorités administratives à fouler aux pieds le principe de l'autorité de la chose jugée. Pour éviter l'exécution de la décision annulée, l'administration se tourne parfois vers le législateur en lui demandant de valider l'acte administratif. Au lieu d'instituer des mesures dissuasives à l'inexécution d'une décision d'annulation, le législateur vient poser des limites au juge et parfois, il valide l'acte administratif litigieux. Dans la foulée de son refus d'exécution de la décision d'annulation, l'administration n'hésiterait pas de reprendre l'acte litigieux. Cependant, l'inexécution des décisions du juge ne provienne toujours pas de la réticence de l'administrative. En effet, d'autres difficultés d'exécution sont extérieures à l'administration.

166 Ibidem

167 CS, 26 janvier 1972, MALCHAIR, Cité par BOCKEL (Alain), Recueil de jurisprudence administrative sénégalaise : 1960-1974, N°1, p.57

168 CE, arrêt N°32 du 24 novembre 1993, Société Ibéro pour la Pêche en Atlantique C/ Etat du Sénégal, B.A.C.E, N°12.

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