Section 2 : Les difficultés relatives à
la célérité du recours et à l'exécution de
la décision d'annulation
Le principe du droit à un procès
équitable s'impose à tous sans exception. Sa violation est
contraire aux exigences de l'Etat de droit. Il n'est toutefois pas
assuré du fait de certaines difficultés. Ces dernières
sont relatives à la célérité du recours et à
l'exécution de la décision d'annulation.
Paragraphe 1 : Les difficultés relatives à la
célérité du recours
L'examen du recours connait une problématique majeure :
celle de la promptitude dans le rétablissement de la
légalité violée. Cette difficulté est
présente depuis l'indépendance du pays et se profile encore dans
la plupart des décisions rendues par le juge. Elle résulte du
fait qu'il y a un allongement de la durée d'examen des requêtes et
aussi de la décision implicite de rejet.
154 CS, arrêt N°14 du 28 octobre 2008, Collectif
des cadres de l'ARD de Dakar C/ le président du conseil d'administration
de l'ARD, B.A.C.S, N°1, 2008, p.102
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A : Le traitement prolongé de la requête
en annulation
Lorsque sont en cause les droits et libertés des
administrés, le juge saisi aux fins de rétablissement de leur
situation doit statuer dans le plus bref délai. Il doit en effet rendre
sa décision dans un délai raisonnable conformément aux
articles 9 (alinéa 3) et 7 respectivement du pacte international relatif
aux droits civils et politiques155 et de la charte africaine des
droits de l'homme et des peuples156. Le caractère raisonnable
auquel il est fait référence ne s'oppose pourtant pas à ce
que le juge puisse disposer d'un temps suffisant pour statuer sur une
requête en annulation. Bien sûr, il doit justement veiller au
raccourcissement du délai d'examen des requêtes en annulation afin
d'assurer une bonne administration de la justice. C'est dans ce sens que Jean
Marc SAUVE a pu retenir qu'« une justice efficace doit, en premier
lieux, être une justice rendue en temps utile. Il ne s'agit pas de
promouvoir un traitement expéditif des affaires, qui serait tout
à fait contre-productif, mais il s'agit d'assurer que le temps de la
procédure juridictionnelle correspond à celui des parties et de
la société dans son ensemble »157. La
durée à laquelle le juge rend ses décisions doit avoir un
impact réel sur la situation des administrés. Il n'en est
pourtant rien ainsi en matière de REP car le délai de traitement
des requêtes en annulation est excessivement long. Que ce soit une
décision d'annulation ou une décision de rejet, le constat est
que le juge se prononce souvent après une période très
longue.
La durée de traitement des requêtes varie d'une
affaire à un autre mais aussi d'une juridiction à une autre. Une
analyse globale prenant en compte la durée d'examen des requêtes
de chaque juridiction serait beaucoup plus pertinente en ce sens qu'elle
permette de connaitre approximativement le délai de traitement des
requêtes. Ce délai varie suivant la juridiction existante à
un moment donné dans le pays. En effet, « l'ancienne cour
suprême rendait ses décisions, en moyenne, dans une durée
de deux (2) à trois (3 ans). Pour le conseil d'Etat la durée des
instances était de deux (2 ans) tandis que pour la nouvelle cour
suprême, elle, varie entre (7) et huit (8) mois
»158.
155 Alinéa 3 de l'article 9 du pacte international relatif
aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966
156 Article 7 de Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples entrée en vigueur en 1986
157 SAUVE (Jean-Marc), « la qualité de la justice
administrative », in revue française d'administration
publique, N°159, 2016, p.669,
158 SY (Demba), « Un demi siècle de jurisprudence
en droit administratif sénégalais : De l'émergence
à la maturation », op. cit, p. ; Voir KANTE (Babacar),
Unité de juridiction et droit administratif : l'exemple du
Sénégal, op.cit, p.117
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Cette durée a connu certainement une baisse constante
au cours de ces trois périodes. Force est de constater qu'elle est
excessive si l'on tient compte de l'impérieuse nécessité
de protection des droits des administrés dans un délai moins
long.
L'allongement de la durée d'examen des requêtes
en annulation peut être dû au fait que la cour suprême est
appelée seule à statuer sur plusieurs affaires. Les
difficultés n'y manqueront toujours pas puisque les requêtes en
annulation augmentent de plus en plus. Cet état de fait
révèle à l'évidence une lenteur de la justice
administrative, plus particulièrement en matière de REP. Cette
lenteur affecte incontestablement l'efficacité de la justice et
particulièrement celle du REP. Ainsi, « le fait de rendre la
justice avec une certaine célérité est un gage de
réponse adaptée pour le justiciable ; plus la décision est
rendue tardivement, moins elle a un sens pour les parties
»159. Au-delà de cette difficulté, s'ajoute
une autre contrainte relative à l'allongement de la décision
implicite de rejet.
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