Paragraphe 2 : L'absence d'effet suspensif du recours et la
non-spécialisation des juges
Le recours contre l'acte administratif n'est admis
qu'après son application par l'administré. Ce dernier doit
supporter les conséquences de l'acte s'il est illégal
jusqu'à ce que le juge intervienne pour l'annuler ou s'il retiré
par l'administration. De même, la non-spécialisation des juges
entraine un affaiblissement du contrôle.
A : L'absence d'effet suspensif du REP
En droit privé, les litiges portés devant le
juge ont souvent un effet suspensif. En droit public, et
particulièrement en matière de REP, les litiges n'ont pas d'effet
suspensif sauf exception prévue par les textes149. Le
délai de recours et le recours ne sont pas suspensifs en principe. Le
requérant doit, a priori, exécuter l'acte administratif qu'il
conteste la légalité jusqu'à ce qu'il soit annulé
ou retiré respectivement par le juge où l'administration. Cet
acte est exécutoire de plein droit. L'administration peut
recourir en cas de besoin à l'exécution forcée pour
contraindre l'administré à respecter l'autorité de la
chose décidée. Ainsi, elle n'a pas besoin de recourir au juge
pour cela. L'introduction d'un REP ne suspend pas les effets de la
décision administrative qui continue à s'appliquer jusqu'à
ce qu'il fasse l'objet d'annulation ou de retrait respectivement par le juge ou
l'administration.
Le principe d'effet non suspensif est la conséquence de
la règle du privilège du préalable. L'application de cette
règle se justifie par la présomption de légalité
dont bénéficie tout acte administratif. Présomption qui
découle de l'idée selon laquelle l'administration est
présumée être de bonne foi. Si l'application du principe de
l'effet non suspensif est favorable à l'administration et à
l'administré bénéficiaire, le cas échéant,
de l'acte administratif dont la légalité est contesté,
elle est souvent défavorable au requérant.
L'administré est alors condamné à subir
les effets d'un acte administratif même illégal. Qui plus est, cet
acte bien qu'illégal n'est extirpé de l'ordonnancement juridique
qu'après une durée parfois trop longue rendant ainsi sans effets
réels la décision d'annulation. Ameth Ndiaye précise
à cet effet que : « deux problèmes naissent de
ce
149 Aux termes de l'article 74 de la loi organique sur la cour
suprême de 2017, op.cit : le délai de recours et le recours pour
excès de pouvoir ne sont pas suspensifs sauf en cas de
déclaration d'utilité publique, d'expulsion d'un étranger
ou d'extradition.
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constat, le justiciable doit en théorie supporter
les conséquences de cette décision jusqu'à ce qu'elle soit
annulée, ou non, par un juge. Une décision administrative qui
serait manifestement illégale devrait donc être appliquée.
De plus, si la décision du juge entrainant l'annulation de la
décision doit théoriquement permettre un retour à la
situation antérieure, certains actes peuvent créer des dommages
difficilement réversibles »150. Même lorsque
le juge parvient à statuer dans le plus bref délai,
l'administré pourrait subir des dommages. En ce sens, la protection des
droits des administrés demeure ébranlée parce que : «
le caractère non suspensif de la quasi-totalité des recours
rendait la démarche contentieuse peu attractive
»151. La non-spécialisation des juges
compétents en excès de pouvoir peut aussi avoir des
répercussions négatives sur la protection des droits et
libertés des administrés.
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