Chapitre 2 : Les limites relatives à la
portée de la décision du juge
L'analyse de la portée de la décision du juge
laisse apparaitre beaucoup d'imperfections. Ces imperfections sont à
l'origine de plusieurs facteurs. Par ailleurs, quelque soit la raison, elles
viennent amenuiser la portée de la décision du juge. Il s'est agi
à cet égard de la restriction de la protection des droits des
administrés et des contraintes liées à la
célérité du recours et à l'exécution de la
décision d'annulation du juge.
Section 1 : La restriction de la protection des droits
des administrés
La protection des droits des administrés reste
faiblement assurée par le juge dans certaines circonstances du fait
qu'il ne peut sanctionner efficacement la violation de ces droits. Le juge est
généralement confronté à des difficultés de
contrôle surtout pour les actes pris dans le cadre des circonstances
exceptionnelles. L'application du principe d'effet non suspensif et la
non-spécialisation des juges viennent également restreindre cette
protection.
Paragraphe 1 : Le contrôle réduit des actes
pris durant les circonstances exceptionnelles
Durant les périodes de circonstances exceptionnelles,
les autorités administratives peuvent prendre des actes susceptibles de
porter atteinte aux droits et libertés des administrés. Et
lorsqu'il intervient pour annuler un acte pris dans le cadre des circonstances
exceptionnelles, le juge ne peut faire qu'un contrôle réduit. Les
circonstances exceptionnelles sont celles qui lorsqu'elles surviennent mettent
en péril la vie sociale d'un Etat. Pour les dépasser, des
régimes d'exception sont prévus par les textes. Le contrôle
des actes pris durant les circonstances exceptionnelles doivent être
réduit afin d'éviter une paralysie de l'action administrative.
A : L'amenuisement du contrôle des actes pris
durant les périodes d'état d'urgence et d'état de
siège
L'état d'urgence et l'état de siège sont
deux régimes exceptionnels prévus par l'article 69 de la
constitution sénégalaise. Leurs modalités d'application
sont déterminées par la loi N°69-29 du 29 avril 1969 sur
l'état d'urgence et l'état de siège. S'agissant de
l'état d'urgence, il « peut être déclaré
sur tout ou partie du territoire de la République du
Sénégal, soit en cas de péril imminent résultant
d'atteintes graves à l'ordre
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public, soit en cas de menées subversives
compromettant la sécurité intérieure, soit en cas
d'événements présentant, par leur nature et leur
gravité, un caractère de calamité publique
»145. Dans le cadre de ce régime, il appartient
à l'autorité civile d'instituer des mesures pouvant contribuer
efficacement à faire disparaitre la situation anormale. Ces mesures
restreignent pour la plupart du temps l'exercice des droits et libertés
des administrés.
Pour ce qui est de l'état de siège, c'est
l'autorité militaire qui est habilitée en principe à
prendre des mesures adaptées à la situation. Il peut être
déclaré dans deux cas. Ainsi, aux termes de l'article 15 de la
loi de 1969, « l'état de siège peut être
déclaré sur tout ou partie du territoire de la République
du Sénégal en cas de péril imminent pour la
sécurité intérieure ou extérieure
»146. Il ne peut être prorogé tout comme
l'état d'urgence au-delà de douze (12) jours que sur habilitation
législative.
Ces deux régimes d'exception ne peuvent être
déclarés que par décret. Lorsqu'un de ces régimes
est déclaré, il revient à l'autorité
compétente de mettre en oeuvre le pouvoir de police conformément
aux lois et règlements en vigueur. Celle-ci dispose d'importants
pouvoirs pour faire face à la situation exceptionnelle. Ainsi, elle peut
prendre des mesures restrictives des droits et libertés concernant par
exemple la liberté d'aller et de venir, le droit à la vie
privée, le droit à la propriété privée, la
liberté de manifestation, de réunion etc. Toujours est-il que la
mise en oeuvre de ses pouvoirs ne peut se faire de façon arbitraire.
Tout acte édicté par une autorité administrative
au-delà des compétences qui lui ont conférées
conformément aux règles relatives à l'état
d'urgence ou l'état de siège sera sanctionné par le juge
de l'excès de pouvoir saisit à la suite d'un REP. La
particularité de ces régimes est que certaines décisions
administratives illégales en temps normal deviennent légales
pendant ces périodes du fait de leur caractère exceptionnel. Il
en est ainsi des mesures prises par le Président de la République
dans le cadre de ses pouvoirs exceptionnels.
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