Paragraphe 2 : L'exclusion des actes de gouvernement et de
certains actes pour absence de recours parallèle
L'exclusion des actes de gouvernement et de certains actes
pour absence de recours parallèle est une pratique faite par le juge
administratif depuis l'indépendance. A l'heure actuelle, cette pratique
révèle plus qu'une inadaptation de ce recours. Une telle
exclusion entraine considérablement la réduction des actes
administratifs susceptibles de REP.
A : L'absence de contrôle à l'égard
des actes de gouvernement
La définition de la notion d'acte de gouvernement ne va
pas sans difficulté. A l'heure actuelle, la jurisprudence et la doctrine
n'ont pu donner une définition exacte car il n'y a aucun critère
dégagé pour la définition de cette théorie. Par
ailleurs, des tentatives de définition ont été
proposées par la doctrine. Les définitions données par la
plupart des auteurs ont en général un trait commun en ce sens
qu'elles précisent la portée de la notion d'acte de gouvernement
mais également la qualité des auteurs qui peuvent
l'édicter. Ainsi, les actes de gouvernement peuvent être
définis comme « des actes pris par les autorités
administratives centrales les plus élevées et
bénéficiant d'une
132 Voir les articles 15 et 16 de la loi organique n°96-30
du 21 octobre 1996 sur le conseil d'Etat abrogée
133 DIAGNE (Ndèye Madjiguène), les
méthodes et techniques du juge en droit administratif
sénégalais, op. Cit, p138.
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immunité juridictionnelle
»134. Tels que définis, ces actes ne peuvent
être soumis au contrôle d'un juge. S'agissant de la jurisprudence,
elle se contente généralement à leur
énumération. Sont considérés, d'une part, comme
relevant des actes de gouvernement les actes relatifs aux rapports entre le
gouvernement et les autres pouvoirs constitutionnels. Ainsi, «
constitue des actes de gouvernement insusceptibles de recours pour
excès de pouvoir, le décret portant fixation de la date du
référendum et convocation du corps électoral qui a
été pris dans le cadre des pouvoirs constitutionnels du
Président de la République, le décret portant organisation
du référendum et celui portant publication du projet de loi
portant révision de la constitutionnelle ».135De
même, relève des actes de gouvernement, « l'acte par
lequel le Président de la République convoque l'assemblée
nationale en vue de la déclaration de politique générale
du Premier ministre136ou d'approbation d'un projet de loi
constitutionnel »137 etc.
D'autre part, constituent des actes de gouvernement, ceux pris
par le gouvernement dans le cadre des relations internationales. Entre dans ce
cadre, la décision prise par le chef de l'Etat du Sénégal,
sujet de droit international, de réquisitionner une partie du personnel
de l'A.S.E.C.N.A, également sujet de droit international138.
La propension du juge à refuser le contrôle d'un acte sous
prétexte qu'il est un acte de gouvernement est contraire au respect du
principe de légalité et à la protection des droits des
administrés lesquels constituent les soubassements de tout Etat de
droit.
La théorie des actes de gouvernement présente
beaucoup d'inconvénients pour les administrés qui n'ont aucune
possibilité de contester par la voie contentieuse la
légalité d'une décision administrative à
l'évidence illégale. Ainsi, « la théorie des
actes de gouvernement est dangereuse pour les libertés individuelles,
puisqu'elle prive les administrés
134 SY (Demba), Droit administratif : revue,
corrigé et augmenté, op, cit, p.77 ; voir également
DIAGNE (Ndèye Madjiguène), Les méthodes et techniques
du juge en droit administratif sénégalais, op. cit, p.97
135 Arrêt N°19 du 17 mars 2016, Ousmane SONKO c/
Etat du Sénégal (agent judiciaire de l'Etat), B.A.C.S,
Nos 11-12, année judiciaire 2016, p.213
136 CS, arrêt N°04 du 10 janvier 2013, Modou DIAGNE
C/Etat du Sénégal (agent judiciaire de l'Etat), B.A.C.S,
Nos 6-7, année judiciaire 2013, p.131
137 CS, arrêt N°16 du 23 octobre 2008, Ndèye
Fatou TOURE C/ Etat du Sénégal (agent judiciaire de l'Etat),
inédit
138 Arrêt N°8 du 27 novembre 2008, A.S.E.C.N.A c/ Etat
du Sénégal (agent judiciaire de l'Etat), inédit
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d'un recours normal »139. En
écartant toute possibilité de contestation de ces actes, cette
théorie apparait inadaptée aux exigences de l'Etat de droit et de
son corollaire la démocratie. En sus, sachant que les actes relevant de
la catégorie d'acte de gouvernement sont insusceptibles de recours,
l'administration pourrait prendre fréquemment des actes en ce sens alors
même qu'ils portent atteintes aux droits et libertés des citoyens.
C'est à juste titre que Jean WALINE a pu déclarer qu' :
« on peut seulement craindre que, dans la pratique, cette absence de
toute sanction juridictionnelle rende l'administration moins attentive aux
exigences de la légalité lorsqu'elle prend une décision de
ce type »140.
Pour déterminer l'existence où non d'un acte de
gouvernement, le juge doit procéder à un examen au cas par cas
parce qu'il n'y a aucun critère auquel il peut se référer
pour déterminer l'existence de l'acte de gouvernement. Quoiqu'il en
soit, ce dernier ne peut être décelé que dans les deux
domaines précités. La restriction du champ d'application du REP
apparait également lorsque le juge fait recours à la condition
d'absence de recours parallèle pour rejeter les requêtes des
requérants.
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