B : Les contraintes socioculturelles
Les litiges opposants les particuliers entre eux se
particularisent par l'égalité des parties au procès. A
l'évidence, la partie demanderesse n'éprouvera aucune
appréhension pour saisir le juge. En cas de violation de ses droits,
elle pourra saisir le juge sans risque de se voir infliger des sanctions de
toutes natures. Il n'en va pas ainsi des les litiges opposants l'administration
à l'administré lesquels révèle une
inégalité juridique au détriment de celui-ci. Cette
inégalité découle des PPP que bénéficient
l'administration en vue d'assurer sa mission d'IG.
Toutefois, l'usage de ces prérogatives laisse à
désirer dans certains cas. Il s'est agit particulièrement du cas
où l'administration les utilise pour faire échec à toute
éventuelle contestation de ses actes illégaux ou à
l'exécution de la décision d'annulation du juge de l'excès
de pouvoir. L'inégalité dont il est question ici a probablement
pour conséquence « la crainte ressentie le plus souvent par les
administrés ou encore par les agents publics lorsqu'il s'agit d'intenter
un recours devant les juridictions administratives contre les actes pris par
les autorités administratives »124.
Cette crainte s'explique principalement par le fait que :
« les populations sénégalaises à l'image de la
plupart des populations africaines ont du mal à appréhender le
contentieux objectif. En effet, du fait d'une personnalisation exacerbée
des fonctions d'autorité, les actes administratifs sont assimilés
à leurs auteurs de telle
124 NGAMPIO-OBELE-BELE (Urbain), « Le juge administratif
et le principe d'égalité en droit administratif africain
francophone », sous la direction de DEVAUX (Olivier) et BADJI (Mamadou),
Presses de l'Université Toulouse 1 Capitole, in revue Afrilex,
Droit sénégalais N°11, 2013, op. cit, p.223. Le
Président de la République du Sénégal a
précisé en ce sens lors de l'audience solennelle des cours et
tribunaux que : la faiblesse du contentieux objectif (...) peut
s'interpréter de plusieurs manières, parmi lesquelles on peut
citer : (...) la peur des représailles de l'autorité dont la
décision est contestée ». Voir SALL (MACKY), allocution
prononcée lors de l'audience solennelle des cours et tribunaux portant
sur le thème : « Le contrôle juridictionnel de
l'administration », op. cit, p.141.
53
sorte que le recours fait contre un acte est vu par
l'autorité signataire comme une attaque à sa personne
»125. Papa Oumar SAKHO de renchérir à ce
propos que : « dans les rapports entre l'administration et les
administrés, la rareté des cas de recours au juge s'explique
à la fois par la propension des Etats à utiliser à
l'excès les prérogatives de puissance publique et à la
faible institutionnalisation du pouvoir qui fait qu'il est difficile, pour un
particulier, de contester, même par la voie juridictionnelle, les actes
des autorités administratives, le recours contentieux étant
perçu, comme tenu de l'extrême centralisation du pouvoir, comme
une action dirigée contre le chef de l'Etat »126.
En vérité, les autorités administratives ont souvent du
mal à accepter qu'un REP introduit par un administré contre leurs
actes, leur réputation soit remise en cause alors qu'elles ne cessent
d'émettre en toute connaissance de cause des actes attentatoires aux
droits et libertés des administrés. Elles utilisent à cet
égard des manoeuvres dilatoires pour déconcerter les justiciables
désirant contester la légalité de leurs actes.
Cet état des choses demeure antinomique au respect de
l'Etat de droit et pourrait inciter les administrés à s'adonner
au désespoir. A cet effet, l'introduction d'un REP devant le juge en vue
d'annuler un acte administratif illégal est à leurs yeux
dépourvue de toute importance car rien n'est plus juste qu'une
abstention à saisir le juge pour éviter d'éventuelles
représailles. La tendance est donc d'aller voir les autorités
religieuses en place ou certaines personnes de haut rang pour essayer de
régler le litige qui leurs opposent à l'administration. Et c'est
lorsque cela n'aboutit pas à de meilleurs résultats qu'ils vont
introduire le REP. Cela va de soi qu'ils soient forclos et qu'en
conséquence le juge rejette leur requête d'annulation. Par
conséquent, le nombre de recours sera substantiellement réduit.
Tous ces facteurs susceptibles de limiter l'accès au juge vont affecter
l'efficacité du REP. Ce dernier sera également affecté
à cause de la propension du juge à rejeter les requêtes
d'annulation des requérants.
|