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L'efficacité du recours pour excès de pouvoir au Sénégal.


par Diacarya Coly
Université Alioune Diop de Bambey - Master II en droit public, option Administration publique 2020
  

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Paragraphe 2 : Les difficultés subjectives d'accès au juge

Les difficultés subjectives d'accès au juge se rapportent à certaines pratiques décourageant les administrés à saisir le juge. Ces pratiques sont essentiellement l'oeuvre de l'administration. Deux principales difficultés peuvent être relevées en ce sens. Il s'agit, d'une part, du phénomène de la politisation de la justice et, d'autres part, des contraintes socioculturelles.

116 SY (Demba), « Un demi-siècle de jurisprudence en droit administratif sénégalais, de l'émergence à la maturation », op. Cit. p. 626

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A : La politisation de la justice

La politisation de la justice est un sujet d'actualité aussi bien au niveau national qu'international. Ainsi, « la question de la politisation de la justice se pose dès lors que le pouvoir exécutif est tenté de contrôler l'activité de la justice »117. Ce phénomène est contraire au principe démocratique de la séparation des pouvoir et de son corollaire l'indépendance de la justice. Cette dernière signifie que : « les juges ne sont soumis qu'à l'autorité de la loi dans l'exercice de leurs fonctions »118. Autrement dit, ils sont soumis à la loi, rien que la loi et toute la loi. Le besoin d'instituer une justice indépendante est une exigence dans tout Etat de droit et surtout à l'heure actuelle où on assiste à un développement fulgurant des droits de l'homme.

Toujours est-il que certaines personnes émettent des réserves à propos de l'institution d'une justice indépendante. C'est ce que retient d'ailleurs Maitre Babacar NGOM lorsqu'il précise que : « l'idée d'une justice autonome et indépendante du pouvoir exécutif suscite une certaine méfiance de la part de beaucoup de personnes. En effet, les magistrats laissés à eux même pourraient être tentés d'abuser de leur pouvoir (...) »119. Il faut convenir avec cet auteur que : « cette situation que l'on qualifie de `' gouvernement des juges» ne devrait pas cependant justifier le refus d'une justice indépendante du pouvoir exécutif »120. L'institution d'une justice indépendante est si nécessaire qu'elle assure une bonne administration de la justice. Sa dépendance vis-à-

117 SY, (Demba), « Ecrire, dire et comprendre le droit administratif en Afrique, une approche juridique et sociologique », in dire le droit en Afrique Francophone, sous la direction de BADJI (Mamadou), DEVAUX (Olivier) et GUEYE (Babacar), Presses de l'Université Toulouse 1 Capitole, in revue Afrilex, Droit sénégalais N°11, 2013, p.301

118 Article 99 de la loi N°2001-23 du 22 janvier 2001portant constitution sénégalaise, J.O numéro spécial 5963 du 22 janvier 2001.

119 NGOM (Babacar), Comment renforcer l'indépendance de la magistrature au Sénégal ?, L'harmattan, 2015, p.109. La méfiance d'une justice indépendante dont parle Maitre NGOM apparait dans les propos de Boubacar ISSA ABDOURAHMANE qui, partant du contexte général africain, précise qu' : « En Afrique, le contrôle de la justice par le pouvoir exécutif est loin d'être une simple illusion de l'esprit. Bien sûr, un peu de contrôle est toujours justifiable par la nature même de la justice, qui après tout reste un service public. Dès lors comment ne pas accepter qu'elle soit subordonnée au pouvoir hiérarchique. Loin de défendre l'idée d'une organisation judiciaire sur laquelle l'Etat n'aura aucune capacité d'orientation et qui pouvait conduire au `'gouvernement des juges» ». Voir ISSA ABDOURAHMANE (Boubacar), « Les juges à l'épreuve de la démocratisation : l'exemple du Niger », in revue Afrilex, N°3, juin 2003, p.4

120 Ibidem

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vis du pouvoir exécutif va légitimement provoquer les soupçons de politisation. Cette dernière apparait généralement dans le cadre des litiges opposants l'administration aux administrés lorsque le juge se réfère aux notions d'ordre public, d'actes de gouvernement etc. pour légitimer des actes administratifs illégaux121. A la vérité, s'agissant de la notion d'ordre public le juge exige parfois une motivation précise et suffisante de l'acte administratif. Néanmoins, certaines décisions ne sont pas à l'abri de tout soupçon. Il en est ainsi de la décision rendue par la cour suprême dans l'arrêt Sidya BAYO rendue en date du 13 janvier 2013 par laquelle elle a validé une motivation fondée sur « les nécessités d'ordre public »122. L'accueil d'une telle forme de motivation par le juge n'est qu'un subterfuge pour éviter l'annulation de l'acte administratif en cause. La motivation fondée sur la seule référence à la notion d'ordre public peut être facilement justifiée par l'autorité administrative même lorsqu'elle n'a pas de motifs valables ou sérieux pour prendre un acte individuel défavorable. Cela se conçoit aisément dans l'arrêt précité en ce que le juge a justifié « la notion d'ordre public » par « la préservation des rapports de bon voisinage ». Le juge peut dans certains cas également refuser d'enrôler les requêtes des requérants dans le but de servir l'administration. Dans cette circonstance, l'administré va attendre longtemps avant que le juge ne répond à sa requête ou, dans le pire des cas, il ne recevra aucune réponse de la part du juge.

Plusieurs facteurs peuvent justifier la politisation de la justice. Ainsi, « elle apparait soit à travers la crainte éprouvée par certains magistrats, de se voir infliger des sanctions de toutes natures, soit à travers l'intime et l'indéfectible conviction d'autres magistrats, selon laquelle les décisions de justice ne devraient pas entraver des décisions administratives ou gouvernementales qui iraient dans un sens prétendument favorable au développement politique et économique »123. Le phénomène de la politisation de la justice

121 FALL (Alioune Badara), « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du juge dans les systèmes politiques en Afriques », in revue Afrilex, Archives-numéro 3, juin 2003, p.14. Voir également GILBERT (Zongo Yabré), « Le juge administratif et la protection des libertés publiques au Burkina Faso et au Sénégal », op. Cit, p. 326

122 CS, arrêt N°05 du 13 janvier 2015, Sidya BAYO c/ Etat du Sénégal, B.A.C.S, N°9-10, année 2015, p.223

123 FALL (Alioune Badara), « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du juge dans les systèmes politiques en Afriques », op. Cit, p.13. Voir également GILBERT (Zongo Yabré), « le juge administratif et la protection des libertés publiques au Burkina Faso et au Sénégal », op. cit, p.325.

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décrédibilise l'institution judiciaire qui est perçue par les administrés comme étant toujours de connivence avec le pouvoir exécutif auquel elle rend des décisions favorables. Par conséquent, les justiciables vont refuser de saisir le juge malgré l'atteinte portée à leurs droits par une décision administrative. Cette abstention des justiciables à recourir au juge se fait sentir aussi dans le cadre des contraintes socioculturelles.

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