Première partie : L'emphase de
l'efficacité du REP
Le REP n'est pas une simple illusion ou encore un luxe pour
les administrés. Il les permet bien entendu de combattre l'arbitraire
administratif. Ainsi, l'analyse de l'efficacité du recours pour
excès au Sénégal doit être orientée
essentiellement sur les garanties offertes aux requérants dans le cadre
de ce recours. Ces garanties lui sont généralement
octroyées par le juge et le législateur. Elles sont relatives
à une large recevabilité du REP et un examen satisfaisant de la
requête d'annulation. C'est aussi dire par là qu'elles constituent
les traits caractéristiques de l'efficacité du REP.
Chapitre 1 : La largesse de la recevabilité du
REP
Le travail du juge saisit aux fins d'annulation commence par
l'examen de la recevabilité du recours. Celui-ci ne doit pas se
permettre de statuer au fond sur n'importe quelle requête sous peine
d'appauvrir ce recours. Toujours est-il qu'il doit admettre largement le
recours dans un souci d'efficacité. A ce propos, on note une extension
des actes administratifs susceptibles de REP et un assouplissement des
règles relatives à la forme du recours.
Section 1 : L'extension des actes administratifs
susceptibles de REP
Les actes administratifs contestables en excès de
pouvoir sont essentiellement consacrés par le juge et le
législateur. Ils augmentent de plus en plus dans un souci
d'efficacité du recours. L'application de la technique de l'acte
détachable vient à cet effet étendre le champ
d'application de ce recours. De même, ce dernier trouve son
élargissement du fait qu'il est recevable à l'égard de
certains contrats et aussi grâce à la consécration des
circulaires impératives.
Paragraphe 1 : La recevabilité du REP à
l'égard des actes détachables
Les actes détachables permettent d'atténuer la
règle d'absence de recours parallèle en admettant la
recevabilité du REP contre des actes dont l'opération principale
à laquelle ils sont rattachés relève de la
compétence d'une autre juridiction que celle compétente en
excès de pouvoir. Ainsi, «la notion d'acte détachable se
fonde sur le fait que la plupart des opérations administratives exigent
la succession de divers actes dont certains, bien que participant à la
réalisation de l'opération, peuvent néanmoins être
isolés sans porter atteinte à l'unité de cette
dernière. De tels actes qui ne forment pas avec l'ensemble de
l'opération un bloc-individuel et qui par conséquent peuvent
être séparés sont susceptibles de faire l'objet de recours
contentieux distinct de
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l'opération globale 28». Les
hypothèses d'actes détachables essentiellement rencontrées
concernent trois catégories d'actes : les actes détachables du
contrat, les actes détachables des actes de gouvernement et les actes
détachables des opérations électorales.
A : Les actes détachables des opérations
contractuelles
Les actes détachables du contrat sont une
catégorie d'acte administratif distincte du contrat administratif. A cet
égard, le juge de l'excès de pouvoir ne doit pas prononcer une
fin de non recevoir lorsqu'il est saisi aux fins d'annulation de ces actes en
soulevant éventuellement l'exception de recours parallèle.
Certains actes détachables du contrat ont fait l'objet d'une
énumération précise par le législateur. Ce sont
principalement les actes prévus à l'article 140 de la loi
N°2006-16 du 30 juin 2006 modifiant la loi n°65-61 du 19 juillet 1965
portant code des obligations de l'administration. Aux termes de cet article :
« les actes détachables du contrat peuvent faire l'objet d'un
recours pour excès de pouvoir devant le conseil d'Etat. Sont notamment
détachables du contrat : 1. l'autorisation de contracter ; 2. la
décision de contracter ou de ne pas contracter ; 3. L'opération
d'attribution ; 4. l'approbation du contrat »29(sic). Dans
cet article, il est retenu que les actes détachables ne peuvent
être portés que devant le conseil d'Etat, or, à l'heure
actuelle c'est la cour suprême qui est compétente en
matière d'excès de pouvoir.
Ces actes détachables concernent principalement ceux
édictés antérieurement au contrat. Ils son
édictés par l'autorité administrative
précédemment au contrat administratif en vue de sa
réalisation. De ce fait, ils peuvent être distingués de ce
dernier et, en conséquence, ils peuvent être contestés en
excès de pouvoir. En dehors de ces cas expressément cités,
d'autres actes détachables du contrat susceptibles de REP ont
été consacrés par le juge. Il en est ainsi des actes
individuels concernant un agent non fonctionnaire soumis en principe au code du
travail lorsqu'ils sont détachables des relations
contractuelles30. Pour une large ouverture du recours, d'autres
actes détachables ont été consacrés par le juge. Ce
sont principalement les actes détachables des opérations
électorales et des actes de gouvernement.
28 JOSEPH (ISSA-SAYEGH) et LAPEYRE (Charles), «
Techniques juridiques », 1981, p.346.
29 Article 140 de la loi N°2006-16 du 30 juin
2006 modifiant la loi n°65-61 du 19 juillet 1965 portant code des
obligations de l'administration, J.O. N°6291 du Samedi 5 Août
2006.
30 CS, arrêt N°7 Babacar Lo et Abdou
Salam Diallo C/ Etat du Sénégal. Cité par BOCKEL (Alain),
Recueil de jurisprudence administrative sénégalaise
196-1974, p.36
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