Deuxième partie : Les entraves à
l'efficacité du REP
Le REP en tant qu'une voie de droit visant à assurer le
respect de la légalité et la protection des droits des
administrés connait beaucoup de limites. Sa mise en oeuvre est toujours
délicate voire impossible pour certains administrés. Et
même lorsqu'un administré introduit une requête
d'annulation, sa requête est souvent rejetée pour
irrecevabilité. Il en va ainsi de la portée de la décision
du juge qui est aussi limitée. Au regard de ces différentes
difficultés, le REP demeure une illusion pour certains
administrés.
Chapitre 1 : Les difficultés d'accès au
juge et la propension du juge à rejeter les requêtes d'annulation
des requérants
L'accès au juge de l'excès de pouvoir et le
traitement au fond de la requête en annulation ne sont pas bien garanties
au requérant. En effet, ce dernier accède difficilement au juge
et, s'il réussi à lui saisir, sa requête est souvent
rejetée pour diverses raisons. Ces difficultés auxquelles font
face les requérants sont nombreuses et viennent affecter
l''efficacité du recours. De même, lorsque sa demande est soumise
au juge, l'administré souhaite lui voir statuer sur le fond de la
requête. Malheureusement, on note une propension du juge au rejet des
requêtes.
Section 1 : Les difficultés d'accès au
juge de l'excès de pouvoir
L'accès des justiciables au juge de l'excès de
pouvoir sénégalais demeure une véritable casse tête
pour les justiciables qui font face à certaines difficultés. Ces
difficultés sont nombreuses et variées. Néanmoins, on peut
les classer en deux rubriques. Dans la première rubrique, seront
mentionnées les difficultés objectives. A l'opposé, seront
retenues les difficultés subjectives.
Paragraphe 1 : Les difficultés objectives
d'accès au juge
Les difficultés objectives entravant l'accès du
justiciable au juge lui font souvent perdre la possibilité de saisir le
juge alors qu'il ne s'est pas fait pas de jugement à travers lequel il
pourrait s'appuyer pour s'empêcher de recourir au juge. Ces
difficultés relèvent principalement d'ordre géographique
et technique.
A : Les difficultés géographiques
d'accès au juge de l'excès de pouvoir
La distance entre l'instance juridictionnelle et les
administrés demeure un indicateur essentiel auquel on peut s'appuyer
pour déterminer s'il y a ou non un accès
47
facile des justiciables au juge. Cette distance ne devrait pas
être longue en vue d'assurer une bonne administration de la justice.
Cependant, l'organisation judiciaire sénégalaise,
particulièrement celle relative au contentieux de l'excès de
pouvoir ne s'est pas inscrite dans une dynamique de raccourcissement de la
distance séparant les requérants au juge du fait que la
compétence en excès de pouvoir est exclusivement
réservée à la cour suprême110 dont le
siège se trouve à Dakar111. Les requérants,
notamment ceux vivant dans les autres régions du Sénégal
autres que Dakar sont confrontés à la difficulté
d'accès géographique. La distance qu'ils devront parcourir pour
saisir le juge est trop longue. Ils sont également confrontés
à des dépenses excessives essentiellement occasionnées par
le coût élevé des frais du transport.
Toutes ces situations vont provoquer une
inégalité manifeste d'accès au juge entre les
administrés qui habitent dans la capitale sénégalaise et
d'autres qui vivent dans les autres régions du pays. Les premiers
étant moins confrontés à la difficulté
d'accès géographique que les seconds saisissent plus le juge que
ces derniers. C'est ce que confirment d'ailleurs les données suivantes :
« il a été constaté que pour l'ancienne cour
suprême, 75% des requêtes venaient de la région de Dakar qui
abrite la capitale. Ensuite, entre 1992 et 2008, la tendance s'est
confirmée. Enfin, pour la nouvelle cour suprême, entre 2008 et
2012, sur 200 arrêts, la tendance se confirme : 72.5 % viennent de la
région de Dakar soit 145 requêtes ; seuls 55 recours proviennent
des autres régions dont Thiès (10.5%), Saint-Louis (6%) et
Kaolack (3%) soit 19.5% du total. Le reste étant marginal. La tendance
n'a pas changé depuis »112. Ces statistiques
reflètent une excessive centralisation de la juridiction administrative
au profit des justiciables qui habitent dans la capitale.
Pour parer cette contrainte, il importe de désengorger
la juridiction administrative suprême en procédant «
à la décentralisation du recours pour excès de pouvoir, du
moins pour une catégorie d'actes, notamment ceux édictés
par les autorités
110 Article premier de la loi organique N° 2017-09 du 17
janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi organique N°2008-35 du
08 Août 2008 sur la cour suprême, op.cit
111 Article 28 de la loi organique N° 2017-09 du 17
janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi organique N°2008-35 du
08 Août 2008 sur la cour suprême, op.cit
112 SY (Demba), « Un demi-siècle de jurisprudence
en droit administratif sénégalais, de l'émergence à
la maturation », op. Cit, p.624
48
déconcentrées ou les élus locaux
»113. Cette décentralisation du REP est une
nécessité compte tenu au nombre de requêtes qui sont
soumises au juge. Au delà des difficultés géographiques
d'accès au juge, viennent s'ajouter des difficultés
techniques.
|