Paragraphe 2 : Les illégalités
récemment sanctionnées
Après avoir émis beaucoup de réserves
à propos des actes relevant du pouvoir discrétionnaire, le juge a
fini par renforcer son contrôle. Le renforcement de son contrôle
s'est-il fait par une exigence de motivation de certains actes administratifs
mais aussi par l'admission du contrôle de l'EMA dans l'unique but
d'éviter l'arbitraire administratif.
A : La sanction du défaut de motivation de
certains actes administratifs
En principe, une autorité administrative n'est pas
tenue de motives ses décisions. « La motivation, c'est
l'exposé des raisons de droit et de fait qui ont déterminé
l'autorité administrative à agir »94. Elle
n'était pas obligatoire au départ, sauf lorsqu'elle est
prévue par un texte. Le juge applique le principe « pas de
motivation sans texte ». Mais vu les risques d'arbitraire que peut induire
l'action administrative, des dérogations ont été
apportées à ce principe. Hormis le cas où elle est
exigée par un texte, il existe une autre exception posée par le
juge qui vise à exiger la motivation de certains actes. Cette extension
faite par le juge sénégalais en matière de motivation des
actes administratifs concerne principalement les actes individuels
défavorables. Sont soumis à l'obligation de motivation, la
décision d'expulsion d'un étranger du territoire
national95, la décision de sanction
(disciplinaire)96, la décision d'interdiction d'une
manifestation pacifique97. L'exigence de motivation de certains
actes administratifs à l'avantage d'assurer un minimum de transparence
et une bonne administration dans le cadre de la mise en oeuvre de l'action
administrative mais aussi de limiter l'arbitraire administratif.
Par ailleurs, une simple exigence de motivation des actes
administratifs pourrait être anodine pour le destinataire de l'acte.
C'est pourquoi, le juge ne s'est pas limité à une simple exigence
de motivation. Bien sûr, il fait mieux en ce qu'il va «
jusqu'à
94 DIEYE (Abdoulaye), « le juge et la
motivation des actes administratifs au Sénégal », p.6.
http//:www.Sunulex.sn, consulté le 25 décembre 2019
95 CE, arrêt N°0015 du 27 octobre 1993,
Seydou Mamadou DIARRA C/ Etat du Sénégal, B.A.C.E, N°8,
année judiciaire 1993-1997, juillet 1993
96 CE, 27/4/1994, Ousmane Kane KAMARA et autres,
Bulletin N°1 p.64-65. Cité par Papa Mamour SY, « Quelques
remarques sur l'institution du recours pour excès de pouvoir au
Sénégal », op. cit, p.43
97 CE, arrêt N°0032, LD/MPT C/ Etat du
Sénégal, B.A.C.E, année 1999, p.26
43
imposer à l'administration une forme de
motivation98 » au double niveau. Dans un premier temps, il
exige l'administration de motiver suffisamment son acte. Celle-ci doit exposer
suffisamment toutes les raisons qui sont à la base de l'acte
querellé pour éviter une éventuelle sanction. Dans
l'affaire Barthélémy TOYE DIAS contre l'Etat du
Sénégal, le juge a annulé la décision
administrative pour défaut de motivation suffisante. Pour le juge,
« le fait pour un titulaire d'un permis de port d'arme de tirer des coups
de feu, pour dissuader une attaque dont il fait l'objet, ne saurait constituer
ni un motif suffisante de trouble à l'ordre public, ni une atteinte
à la sûreté de l'Etat99 ». Il est clair que
dans cette affaire la situation à laquelle faisait face le
requérant, l'incitant ainsi d'ouvrir les coups de feu, a pu influencer
sur l'insuffisance des motifs invoqués par l'autorité
administrative.
Dans un second temps, il est exigé une motivation
précise de l'acte administratif. Cette forme de motivation consiste pour
l'administration « de permettre aux destinataires de connaitre et
comprendre le bien fondé des décisions qui les
concerne100 ». Elle vise également à
sanctionner toute forme de motivation abstraite comme la motivation
basée sur la formule de « nécessités d'ordre public
» sans indiquer avec précision ces nécessités. Est
ainsi annulée pour défaut de motivation précise, la
décision par laquelle : « le ministre de l'intérieur se
borne à viser `les nécessités d'ordre public' pour
justifier la mesure édictée à l'encontre du
requérant sans qu'aucun élément contenu dans la
décision elle-même, ou dans un document annexé à
celle-ci ne renseigne sur les dites `nécessités' alors que la
décision querellée en tant que mesure de police doit être
motivée surtout qu'elle est défavorable au requérant
puisqu'elle lui retire des avantages liés à son statut de
refugié101 ». L'annulation de certains actes
administratifs pour violation de l'exigence de motivation à laquelle ils
sont assujettis est accompagnée de la sanction de l'acte entaché
d'erreur manifeste d'appréciation.
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