Paragraphe 2 : L'allègement de la charge de la
preuve
En droit, la charge de la preuve incombe
généralement au demandeur. Dit autrement, il appartient à
celui qui conteste la violation d'un droit devant une instance juridictionnelle
d'en apporter la preuve de ses allégations. Dans le cadre des litiges
opposants l'administration à l'administré, c'est ce dernier qui
est souvent en position de demandeur. Dès lors, la charge de la preuve
lui incombe puisque les actes administratifs sont présumés
légaux. Ce principe tiré de l'adage « actori incumbit
probatio » ne s'applique toujours pas. En effet, des exceptions peuvent
lui être apportées par le juge. Il s'est agit principalement des
cas où l'établissement de la preuve est soit imposé
à l'administration par le juge, soit il est fait par le juge
lui-même de son plein gré.
A : La production obligatoire de la preuve par
l'administration
Le procès administratif oppose
généralement deux parties inégales, à savoir d'un
côté l'administration et de l'autre côté
l'administré. Cette inégalité qui se penche en faveur de
celle-là met souvent celui-ci dans une position délicate voire
impossible pour prouver l'illégalité de l'acte litigieux. C'est
pourquoi, « le juge sénégalais essaie parfois
d'être pragmatique en matière de preuve pour tenir compte de la
situation souvent désavantageuse des administrés dans le
procès administratif. En effet, l'administré est
généralement placé en position de demandeur. Il est de ce
fait en situation d'infériorité par rapport à
l'administration qui détient les éléments
nécessaire à la preuve des faits
64 CS, ord. Référé, 4
septembre 2018, Abdoul Mbaye et autres c/ Ministre de l'intérieur et
agent judiciaire de l'Etat, affaire n° j/357/RG/18 du 28/08/2018,
inédit. Cité par Moustapha Aidara, op.cit, p.14
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litigieux »65. En
vérité, le juge exige parfois l'administration d'apporter une
preuve suffisante notamment lorsque les allégations du requérant
sont sérieuses. Cette exigence faite à l'administration
s'explique par le fait que l'administré peut rencontrer des
difficultés pour établir les éléments de preuve
qui, faut-il le dire, sont généralement détenus par
l'administration. Pour éviter les effets désastreux de cette
situation, le juge retient le défaut de production des
éléments susceptibles de forger sa conviction par
l'administration comme une légitimation des allégations du
requérant. Il ne lui reste alors qu'à annuler cet acte dont
l'illégalité est incontestable du fait de l'inexistence ou
l'insuffisance de la preuve du contraire. Dans l'espèce Amadou Alpha
Kane, le juge de l'excès de pouvoir après avoir demandé au
ministre des transports et des télécommunications la production
complète des dossiers constitués à l'occasion des
poursuites disciplinaires dirigées contre Kane Amadou Alpha a fait
savoir, « qu'il n'a pas été satisfait à cette
demande par les productions faites le premier décembre mil neuf cent
soixante deux »66. Dans une autre affaire opposant Aminata
Cissé à la commune de Sendou, le juge a annulé l'acte
administratif après avoir « réclamé sans suite au
Président de la délégation spéciale de Sendou, le
procès verbal de la commission d'attribution en sa séance du 25
mai 2007, visé dans l'acte attaqué ainsi que les motifs ayant
conduit à la désaffectation du premier attributaire
»67.
En exigeant l'administration d'apporter la preuve du
contraire, le juge s'érige en véritable gardien des droits et
libertés des administrés. Il assure ainsi un minimum
d'équilibre entre les parties opposées dans le procès
administratif. Dans sa dynamique d'allègement du fardeau de la preuve,
le juge procède lui-même à la recherche de la preuve des
faits qui sont à la base de l'acte litigieux.
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