Conclusion :
Est-ce que vous avez l'impression d'être plus
sélectif ? est ce qu'il y a plus de refus qu'auparavant ?
Comment les réglementations et les crises ont
modifié les processus en interne ? est-ce que ces nouveaux processus et
ces nouvelles obligations peuvent avoir des conséquences sur l'offre
crédit ?
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4. Recueil des informations
a) Définition du risque
Les définitions du risque de crédit obtenues au
cours des entretiens se recoupent bien avec celles de la première partie
; le risque de crédit est lié au risque de défaillance du
client à qui la banque a prêté des fonds, avant
l'extinction des encours, c'est le risque de non-remboursement du crédit
accordé. Il s'agit du risque de perte que doit supporter la banque en
cas de non remboursement du crédit par l'emprunteur, lié à
une situation d'insolvabilité.
Selon C, c'est le risque qui demande le plus d'attention du
fait du caractère imprévisible mais également le plus de
suivi au quotidien via le fonctionnement des comptes par exemple. C'est un
risque très lié à la conjoncture.
Le risque de crédit a été très
encadré par la réglementation du fait des crises successives. Les
banques ont été contraintes de revoir les critères de
sélection du crédit. De plus, les crises ont imposé une
plus grande rigueur dans la gestion du risque crédit, afin de gagner en
anticipation dans la détection des clients en difficultés.
Selon B, l'appréhension du risque crédit a bien
évolué ; dans les années 90, l'approche était plus
rationnelle, basée essentiellement sur des critères
quantitatifs.
Au contraire, selon A, la crise n'a pas vraiment
modifié la perception interne du risque de crédit, elle a eu par
contre des répercussions sur la distribution du crédit, notamment
sur le financement interbancaire ; mais selon A, l'approche et la façon
d'appréhender un dossier n'ont pas fondamentalement changé.
Pour B, la réponse est différente, le
métier d'analyste a fortement évolué après les
mauvais historiques de la banque. Il faut maintenant davantage tenir compte de
l'environnement, du secteur d'activité et des facteurs humains afin
d'avoir une visibilité plus importante. L'analyste apporte une
réelle valeur ajoutée à travers son approche
également qualitative. Cette démarche permet selon B de mieux
distribuer le crédit grâce à une meilleure gestion du
risque.
C considère également que la crise a
modifié la vision du risque crédit, avant crise, les caisses
étaient plus « ouvertes ». Les conjonctures post crise, avec
les
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nouvelles organisations en interne, ont fortement
modifié la vision du risque, mais exclusivement sur la ligne
commerciale.
Pour D, la crise a fortement modifié la gestion du
risque crédit et particulièrement sur des produits qui avaient
été créés et qui avait généré
des risques supplémentaires comme les créances toxiques « on
ne savait plus sur quoi on prêtait de l'argent ».
À travers ces changements de contexte et
d'organisation, selon A, le métier du risque et d'analyste n'a pas
changé, la banque n'a pas communiqué sur des instructions
particulières.
Cependant, B indique que les décisions de financement
étaient auparavant plus tranchées, « il fallait vraiment que
l'emprunteur montre patte blanche, et s'il y avait la moindre chose, il
était écarté du crédit »
Sur ce point, C peut témoigner d'un réel
changement étant donné qu'elle était auparavant sur la
fonction risque en agence. La scission des groupes a permis plus
d'indépendance dans la gestion du risque crédit, l'avis a
vraiment une importance maintenant, alors qu'auparavant, l'analyste n'avait pas
trop de poids, l'importance commerciale primait dans la décision finale.
Par ailleurs, l'organisation régionale a permis aux groupes de
gérer des dossiers plus diversifiés et plus importants (de par la
zone de chalandise) et de rendre le métier d'analyste plus
enrichissant.
b) Les outils
Les outils ont toujours existé tant sur la
clientèle Retail que Corporate, pour A, il n'y a pas eu de modification
majeure sur les outils mais cependant ils se sont enrichis et élargis. B
confirme ces changements, il y a effectivement eu, à travers le
développement de l'informatique, des bases de données plus
complètes permettant d'appréhender des aspects beaucoup larges du
dossier (secteur d'activités, environnement, gouvernance de
l'entreprise, situation personnelle du dirigeant...). B confirme que lorsque le
risque de défaut a été mis en place, il ne prenait en
compte que 5 paramètres contre une douzaine aujourd'hui.
Sur le terrain, C n'a pas vu de grande évolution
également, elle admet ne pas connaître comment est
déterminé le risque de défaut mais c'est selon elle,
volontaire afin de ne pas influencer l'intervenant sur le dossier. Pour C, le
risque de défaut est logique notamment avec l'IGR mais pas toujours
adapté à des activités
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spécifiques comme les agriculteurs qui ont des
fonctionnements de comptes particuliers qui faussent leurs risques de
défaut.
Pour D, les outils mis en place par la direction
générale sont très performants et suffisant pour la
gestion du risque crédit, même si les outils ne pourront jamais
annuler le risque : « le risque zéro n'existe pas »,
Ces évolutions permettent de mieux connaître son
client, son environnement et donc d'appréhender le profil de
l'emprunteur et ainsi le risque qui peut en découler.
Cependant, pour A & B, les outils ne sont pas fiables
à 100%, les bases de données ne sont pas toujours bien
alimentées ou actualisées, ou les éléments dans
l'outil SAFIR « mal renseignés », ce qui peut fausser
l'analyse.
« C » tient le même discours sur le
renseignement des SAFIRS qui sont enrichis par l'intervention humaine et qui
génèrent des erreurs de saisies. Les trois personnes
considèrent que ces outils sont donc insuffisants pour cerner au plus
près le risque de crédit. Ils doivent être
complétés et pondérés par une approche basée
sur la connaissance du client au travers de la relation bancaire, ce qui
permet, le cas échéant, de relativiser des indicateurs qui
pourraient être discriminants.
Pour C, les éléments existants servent de base
pour appréhender le risque crédit, risque qui reste de toute
façon subjectif.
« A » donne ainsi l'exemple d'entreprises
accompagnées malgré une mauvaise notation Banque de France. En
effet, grâce à sa connaissance du dossier, il pouvait
repérer des erreurs de cotations provenant de dossiers BDF mal
complétés et parfois en décalage (dernier bilan pas
renseigné par exemple). La relation commerciale permet d'être au
coeur de l'évolution de l'entreprise alors que lorsque l'on
résonne sur des scorings, l'aspect qualitatif est complétement
occulté. De plus, C précise que les outils de scoring sont
fournis par déclaratif et peuvent générer également
des incohérences (oublie de déclaration de ligne de crédit
par exemple).
La question de la place des outils prévisionnels remis
par le client dans le processus de décision se pose également.
Au sein de BNP Paribas, les études
prévisionnelles comptables sont systématiquement utilisées
afin de mettre en exergue la faisabilité économique et
financière du projet, à court et moyen termes : les
équipes du pôle d'analyse ont à
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leur disposition des fichiers EXCEL par typologie de client
(entreprise en création, entreprise existante, SCI aux différents
régimes fiscaux...) dans lesquels ils saisissent et adaptent les
données communiquées.
Ces études prévisionnelles sont qualifiables
à partir de différents éléments :
? Tout d'abord, BNP Paribas dispose de fiches métiers
qui permettent de référencer et de donner des repères pour
un secteur d'activité donné ; de plus, le budget
prévisionnel est analysé en amont afin de comprendre la
cohérence des données, puis comparé aux valeurs «
normatives » issues des documentations internes via les fiches
métiers par exemple. Pour juger de la qualité de l'étude
prévisionnelle, même si celle-ci conserve un caractère
aléatoire, « A » externalise le niveau du point mort pour
apprécier la marge de manoeuvre qu'aura l'entreprise pour assurer le
service de la dette.
? Ensuite, A et B mettent en avant l'importance de
l'expérience de l'analyste et de l'historique du dossier (comparaisons
prévisionnels antérieurs vs chiffres réalisés...)
qui contribuent à fiabiliser les prévisions
communiquées.
Les études prévisionnelles permettent de valider
la cohérence d'un projet par rapport à des moyennes (fiche
métiers), pour C, la finalité est de démontrer que les
chiffres fournis s'adaptent au secteur d'activité du projet.
« C » qualifie l'outil prévisionnel BNP
Paribas indispensable sur des opérations de création-reprise, le
fait de poser les chiffres permet une lecture approfondie du document et
d'identifier des éventuels éléments manquants.
Pour « D », venant du monde du Corporate
où le prévisionnel n'est pas utilisé, son usage dans le
monde du Retail n'est pas déterminant dans la prise de
décision finale, il permet de « rassurer » le
décideur.
De plus, D fait le constat d'un empilement d'outils, il a
l'impression que la banque cherche à se réfugier derrière
les outils pour se prémunir du risque. Il en fait la conclusion
sèche que tous ces outils et processus sont un frein au commerce,
à la rapidité et la mise en oeuvre.
« D » complète son témoignage en
faisant le constat d'une dichotomie entre le commerce et le risque et surtout
la mise en oeuvre qui ne déroge pas à la procédure qu'on
lui impose, et dans tout ce contexte le commercial est perdu sur les
procédures à suivre et cela freine les développements des
fonds de commerce. Il
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rapproche la banque au Taylorisme et pointe également
un manque de formation à tous les niveaux.
En résumé, les approches quantitatives et
qualitatives sont mixées et se complètent dans la prise de
décision.
Pour A et B, les critères retenus reposent d'abord sur
le cursus du porteur de projet, son expérience et la qualité de
son projet. Le secteur d'activités et la stratégie à moyen
termes sont aussi des points importants pris en compte. Les données
économiques et financières (rentabilité actuelle et
future, solvabilité, activité capitalistique ou non...) de
même que le risque de dépendance vis-à-vis des tiers
(clients ou fournisseurs) complètent l'analyse.
Pour C, l'expérience professionnelle est
indéniable surtout sur une clientèle de TPE-PME ou
d'entrepreneurs individuels. Le nature du projet vient en second lieu et ce
dernier se qualifie lorsqu'il est accompagné d'une étude de
marchés (stratégie à courts termes, nombre de clients
potentiels, chiffre d'affaires prévisionnel...). Toujours selon C,
même en cas de conditions financières insuffisantes, notamment
l'apport, ce dossier peut être examiné favorablement. Par
ailleurs, les outils sont mis en oeuvre dans le cadre de procédures qui
ont évolué dans le temps.
Selon B, les exigences de conformité et de
maîtrise des risques ont entraîné un alourdissement des
procédures de traitement des dossiers. Les commerciaux doivent
désormais aussi gérer l'approche risque qui rend leur
métier plus complexe et leur laisse moins de temps pour le
développement du portefeuille et l'offre de crédit.
Pour A, la banque a fait évoluer les procédures
de décision en cherchant une plus grande pertinence dans l'analyse pour
mieux cerner et cibler les risques.
Pour C, les processus permettent une meilleure
indépendance et les outils, entr' autres, Icrédit, qui permet une
bonne traçabilité sur la partie risques.
En revanche, et toujours selon C, les
délégations de pouvoir génèrent un processus en
fonction de critères qualitatifs : C a parfois l'impression de ne pas
avoir de réelle valeur ajoutée sur l'analyse de dossiers sans
problématique particulière mais qui
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doivent respecter le chemin d'octroi classique : elle me donne
l'exemple de dossiers de gestion de fortune.
Les outils et procédures ne varient pas en fonction des
typologies de clients. Cependant, selon A, l'expérience,
formalisée par des notes sectorielles internes et par les retours des
services contentieux, permet de connaître les secteurs où les taux
de défaillance sont plus élevés, ce qui appelle à
une vigilance plus forte des analystes. Les fiches métiers viennent
renforcer cette connaissance par type d'activités.
c) Les relations entre les services
Il y quelques années, les services Risques
étaient rattachés aux agences et dépendaient
hiérarchiquement du directeur d'agence, lequel avait en priorité
des objectifs commerciaux. Cette organisation pouvait entraîner des
risques de conflits d'intérêts aboutissant à minimiser les
risques au profit du développement commercial.
Sous la pression des autorités de tutelle et pour
répondre aux exigences réglementaires de Bâle 2, la ligne
Risques a été détachée géographiquement et
hiérarchiquement de la ligne Commerce par la création de
pôles régionaux d'analyse risques.
Cette évolution se justifie aussi selon A par la
nécessité de rationaliser les coûts et d'harmoniser les
procédures et les critères d'appréciation des dossiers
dans un contexte de fortes réductions des marges liées à
la suppression de l'encadrement du crédit et à la concurrence
interbancaire qui en a découlé. Toujours selon A, au regard des
marges extrêmement faibles d'aujourd'hui, le coût du risque
Crédit doit être minimisé pour que les banques restent
rentables.
Selon B, cette évolution a soulevé dans un
premier temps des difficultés, liées à l'absence de
communication entre les équipes Commerce et les équipes Risques,
ces dernières étant perçues comme des « censeurs
» freinant le développement commercial et imposant des
procédures mal comprises par les équipes de front office.
« C » a connu la transformation en interne et met en
exergue la forte scission qui s'est créée au départ, en
les équipes du Commerce et les équipes du Risque, ils
étaient vus comme « les méchants » qui
empêchaient de faire du commerce.
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Après une période de rodage et avec le
développement des moyens de communication informatiques (Plate-forme
I-crédit et outil Maestro), les relations Commerce/Risques ont pu
s'améliorer. « C » me raconte qu'au début, les
analystes n'étaient pas obligés d'échanger par
téléphone pour un avis défavorable, dorénavant
c'est une obligation inscrite dans les circulaires interne.
Pour D, le point important c'est la différenciation des
directions afin d'éviter les conflits d'intérêts et pas
nécessairement la délocalisation géographique, celle-ci
entraînant un allongement des délais de traitement, le pôle
risque « décortique » le dossier et pose des questions, le
commercial est obligé de revenir vers son client, parfois à J+3
ou J4... cette situation peut générer un agacement
vis-à-vis du client », toujours selon D. Cette nouvelle
organisation a également pour finalité la réduction des
coûts par la réduction de la masse salariale, c'est un des
paramètres qui rentre en ligne de compte.
Aujourd'hui, les deux équipes partagent des approches
communes d'analyse des risques, notamment par la participation des
chargés d'affaires à des stages périodiques au sein des
pôles Risques. Ce souci de culture commune facilite les échanges
dans l'étude des dossiers.
Les nouvelles organisations ont permis de distribuer le
crédit dans des conditions de gestion du risque meilleures, avec plus
d'objectivité et de recul sur la relation client.
d) Analyse risque et relations client
Selon B, la relation client ne devrait pas être
altérée par les analyses du pôle Risques. Elle
conçoit le rôle des équipes Risques comme une fonction de
prévention pouvant aussi alerter les équipes Commerce et le
Client sur sa situation financière et sur les solutions à
envisager et les préconisations à formuler. Pour C, les
équipes Risque sont là pour faire du « bon commerce »,
c'est une subtilité importante pour la maîtrise du coût du
risque de la banque, dans un contexte où les marges se dégradent
avec une marge d'erreur qui doit s'affiner. Cependant, les temps de
réflexion à recueillir toutes les pièces (« BNP
Paribas est très rigide sur la complétude selon C »,
à respecter les processus, les délégations de pouvoir peut
nuire à la relation client dans une situation ou le client est multi
bancarisé et la réactivité est de rigueur dans un
environnement de conquête commerciale.
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Cette situation se confirme selon réunion du 17/05/2016
faisant état de la situation d'urgence sur la banque de réseau de
BNP Paribas réalisant des pertes structurelles de produit net bancaire
(PNB) avec des fermetures de compte enregistrées.
Des mesures ont été prises au niveau des seuils
d'analyse contradictoire qui ont été élevé à
50 000 € (vs 20 000 €) pour donner plus de souplesse en agence et
accéléré le déblocage des fonds pour les
clientèles de professionnels. Pour C, l'analyste n'est pas là
pour limiter le développement mais pour limiter la casse et
maîtriser le coût du risque.
L'information sélectionné pour l'étude des
dossiers :
Selon A, surtout sur un segment PME, les critères
à retenir dans l'étude d'un dossier doivent prioritairement
s'appuyer sur l'information interne issue de la relation bancaire. La
connaissance du dirigeant, sa transparence en toutes circonstances (notamment
en cas de difficultés) et ses capacités de gestion... sont les
premiers éléments déterminants dans le processus de
décision.
Malgré tout, selon B, cette information interne ne
suffit pas à bien cerner la réalité du risque. Le
caractère incomplet, voire partial, de ces informations ne dispense pas
d'utiliser en complément les sources externes qui, selon elles, restent
déterminantes.
Quant à C, les informations externes peuvent combler un
manque d'information interne, c'est effectivement deux sources
complémentaires. L'information interne sera à
pondéré de la durée de la relation et des informations
recueillis par le chargé d'affaire. Dans le cas d'un prospect,
l'information externe est primordiale.
Les critères, sur une segmentation de TPE-PME sont
aujourd'hui plus sélectifs, mais cela n'entraîne pas de diminution
des volumes de crédit accordés.
Les nouveaux seuils mis en vigueur par BNP Paribas, donnant
plus de pouvoir aux agences, est un levier pour ne pas impacter le débit
de crédit.
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