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L?évolution du processus d'évaluation du risque crédit dans les banques françaises

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par Antoine COQUIL
INSEEC - Master 1 Finance 2016
  

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Conclusion :

Est-ce que vous avez l'impression d'être plus sélectif ? est ce qu'il y a plus de refus qu'auparavant ?

Comment les réglementations et les crises ont modifié les processus en interne ? est-ce que ces nouveaux processus et ces nouvelles obligations peuvent avoir des conséquences sur l'offre crédit ?

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4. Recueil des informations

a) Définition du risque

Les définitions du risque de crédit obtenues au cours des entretiens se recoupent bien avec celles de la première partie ; le risque de crédit est lié au risque de défaillance du client à qui la banque a prêté des fonds, avant l'extinction des encours, c'est le risque de non-remboursement du crédit accordé. Il s'agit du risque de perte que doit supporter la banque en cas de non remboursement du crédit par l'emprunteur, lié à une situation d'insolvabilité.

Selon C, c'est le risque qui demande le plus d'attention du fait du caractère imprévisible mais également le plus de suivi au quotidien via le fonctionnement des comptes par exemple. C'est un risque très lié à la conjoncture.

Le risque de crédit a été très encadré par la réglementation du fait des crises successives. Les banques ont été contraintes de revoir les critères de sélection du crédit. De plus, les crises ont imposé une plus grande rigueur dans la gestion du risque crédit, afin de gagner en anticipation dans la détection des clients en difficultés.

Selon B, l'appréhension du risque crédit a bien évolué ; dans les années 90, l'approche était plus rationnelle, basée essentiellement sur des critères quantitatifs.

Au contraire, selon A, la crise n'a pas vraiment modifié la perception interne du risque de crédit, elle a eu par contre des répercussions sur la distribution du crédit, notamment sur le financement interbancaire ; mais selon A, l'approche et la façon d'appréhender un dossier n'ont pas fondamentalement changé.

Pour B, la réponse est différente, le métier d'analyste a fortement évolué après les mauvais historiques de la banque. Il faut maintenant davantage tenir compte de l'environnement, du secteur d'activité et des facteurs humains afin d'avoir une visibilité plus importante. L'analyste apporte une réelle valeur ajoutée à travers son approche également qualitative. Cette démarche permet selon B de mieux distribuer le crédit grâce à une meilleure gestion du risque.

C considère également que la crise a modifié la vision du risque crédit, avant crise, les caisses étaient plus « ouvertes ». Les conjonctures post crise, avec les

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nouvelles organisations en interne, ont fortement modifié la vision du risque, mais exclusivement sur la ligne commerciale.

Pour D, la crise a fortement modifié la gestion du risque crédit et particulièrement sur des produits qui avaient été créés et qui avait généré des risques supplémentaires comme les créances toxiques « on ne savait plus sur quoi on prêtait de l'argent ».

À travers ces changements de contexte et d'organisation, selon A, le métier du risque et d'analyste n'a pas changé, la banque n'a pas communiqué sur des instructions particulières.

Cependant, B indique que les décisions de financement étaient auparavant plus tranchées, « il fallait vraiment que l'emprunteur montre patte blanche, et s'il y avait la moindre chose, il était écarté du crédit »

Sur ce point, C peut témoigner d'un réel changement étant donné qu'elle était auparavant sur la fonction risque en agence. La scission des groupes a permis plus d'indépendance dans la gestion du risque crédit, l'avis a vraiment une importance maintenant, alors qu'auparavant, l'analyste n'avait pas trop de poids, l'importance commerciale primait dans la décision finale. Par ailleurs, l'organisation régionale a permis aux groupes de gérer des dossiers plus diversifiés et plus importants (de par la zone de chalandise) et de rendre le métier d'analyste plus enrichissant.

b) Les outils

Les outils ont toujours existé tant sur la clientèle Retail que Corporate, pour A, il n'y a pas eu de modification majeure sur les outils mais cependant ils se sont enrichis et élargis. B confirme ces changements, il y a effectivement eu, à travers le développement de l'informatique, des bases de données plus complètes permettant d'appréhender des aspects beaucoup larges du dossier (secteur d'activités, environnement, gouvernance de l'entreprise, situation personnelle du dirigeant...). B confirme que lorsque le risque de défaut a été mis en place, il ne prenait en compte que 5 paramètres contre une douzaine aujourd'hui.

Sur le terrain, C n'a pas vu de grande évolution également, elle admet ne pas connaître comment est déterminé le risque de défaut mais c'est selon elle, volontaire afin de ne pas influencer l'intervenant sur le dossier. Pour C, le risque de défaut est logique notamment avec l'IGR mais pas toujours adapté à des activités

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spécifiques comme les agriculteurs qui ont des fonctionnements de comptes particuliers qui faussent leurs risques de défaut.

Pour D, les outils mis en place par la direction générale sont très performants et suffisant pour la gestion du risque crédit, même si les outils ne pourront jamais annuler le risque : « le risque zéro n'existe pas »,

Ces évolutions permettent de mieux connaître son client, son environnement et donc d'appréhender le profil de l'emprunteur et ainsi le risque qui peut en découler.

Cependant, pour A & B, les outils ne sont pas fiables à 100%, les bases de données ne sont pas toujours bien alimentées ou actualisées, ou les éléments dans l'outil SAFIR « mal renseignés », ce qui peut fausser l'analyse.

« C » tient le même discours sur le renseignement des SAFIRS qui sont enrichis par l'intervention humaine et qui génèrent des erreurs de saisies. Les trois personnes considèrent que ces outils sont donc insuffisants pour cerner au plus près le risque de crédit. Ils doivent être complétés et pondérés par une approche basée sur la connaissance du client au travers de la relation bancaire, ce qui permet, le cas échéant, de relativiser des indicateurs qui pourraient être discriminants.

Pour C, les éléments existants servent de base pour appréhender le risque crédit, risque qui reste de toute façon subjectif.

« A » donne ainsi l'exemple d'entreprises accompagnées malgré une mauvaise notation Banque de France. En effet, grâce à sa connaissance du dossier, il pouvait repérer des erreurs de cotations provenant de dossiers BDF mal complétés et parfois en décalage (dernier bilan pas renseigné par exemple). La relation commerciale permet d'être au coeur de l'évolution de l'entreprise alors que lorsque l'on résonne sur des scorings, l'aspect qualitatif est complétement occulté. De plus, C précise que les outils de scoring sont fournis par déclaratif et peuvent générer également des incohérences (oublie de déclaration de ligne de crédit par exemple).

La question de la place des outils prévisionnels remis par le client dans le processus de décision se pose également.

Au sein de BNP Paribas, les études prévisionnelles comptables sont systématiquement utilisées afin de mettre en exergue la faisabilité économique et financière du projet, à court et moyen termes : les équipes du pôle d'analyse ont à

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leur disposition des fichiers EXCEL par typologie de client (entreprise en création, entreprise existante, SCI aux différents régimes fiscaux...) dans lesquels ils saisissent et adaptent les données communiquées.

Ces études prévisionnelles sont qualifiables à partir de différents éléments :

? Tout d'abord, BNP Paribas dispose de fiches métiers qui permettent de référencer et de donner des repères pour un secteur d'activité donné ; de plus, le budget prévisionnel est analysé en amont afin de comprendre la cohérence des données, puis comparé aux valeurs « normatives » issues des documentations internes via les fiches métiers par exemple. Pour juger de la qualité de l'étude prévisionnelle, même si celle-ci conserve un caractère aléatoire, « A » externalise le niveau du point mort pour apprécier la marge de manoeuvre qu'aura l'entreprise pour assurer le service de la dette.

? Ensuite, A et B mettent en avant l'importance de l'expérience de l'analyste et de l'historique du dossier (comparaisons prévisionnels antérieurs vs chiffres réalisés...) qui contribuent à fiabiliser les prévisions communiquées.

Les études prévisionnelles permettent de valider la cohérence d'un projet par rapport à des moyennes (fiche métiers), pour C, la finalité est de démontrer que les chiffres fournis s'adaptent au secteur d'activité du projet.

« C » qualifie l'outil prévisionnel BNP Paribas indispensable sur des opérations de création-reprise, le fait de poser les chiffres permet une lecture approfondie du document et d'identifier des éventuels éléments manquants.

Pour « D », venant du monde du Corporate où le prévisionnel n'est pas utilisé, son usage dans le monde du Retail n'est pas déterminant dans la prise de décision finale, il permet de « rassurer » le décideur.

De plus, D fait le constat d'un empilement d'outils, il a l'impression que la banque cherche à se réfugier derrière les outils pour se prémunir du risque. Il en fait la conclusion sèche que tous ces outils et processus sont un frein au commerce, à la rapidité et la mise en oeuvre.

« D » complète son témoignage en faisant le constat d'une dichotomie entre le commerce et le risque et surtout la mise en oeuvre qui ne déroge pas à la procédure qu'on lui impose, et dans tout ce contexte le commercial est perdu sur les procédures à suivre et cela freine les développements des fonds de commerce. Il

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rapproche la banque au Taylorisme et pointe également un manque de formation à tous les niveaux.

En résumé, les approches quantitatives et qualitatives sont mixées et se complètent dans la prise de décision.

Pour A et B, les critères retenus reposent d'abord sur le cursus du porteur de projet, son expérience et la qualité de son projet. Le secteur d'activités et la stratégie à moyen termes sont aussi des points importants pris en compte. Les données économiques et financières (rentabilité actuelle et future, solvabilité, activité capitalistique ou non...) de même que le risque de dépendance vis-à-vis des tiers (clients ou fournisseurs) complètent l'analyse.

Pour C, l'expérience professionnelle est indéniable surtout sur une clientèle de TPE-PME ou d'entrepreneurs individuels. Le nature du projet vient en second lieu et ce dernier se qualifie lorsqu'il est accompagné d'une étude de marchés (stratégie à courts termes, nombre de clients potentiels, chiffre d'affaires prévisionnel...). Toujours selon C, même en cas de conditions financières insuffisantes, notamment l'apport, ce dossier peut être examiné favorablement. Par ailleurs, les outils sont mis en oeuvre dans le cadre de procédures qui ont évolué dans le temps.

Selon B, les exigences de conformité et de maîtrise des risques ont entraîné un alourdissement des procédures de traitement des dossiers. Les commerciaux doivent désormais aussi gérer l'approche risque qui rend leur métier plus complexe et leur laisse moins de temps pour le développement du portefeuille et l'offre de crédit.

Pour A, la banque a fait évoluer les procédures de décision en cherchant une plus grande pertinence dans l'analyse pour mieux cerner et cibler les risques.

Pour C, les processus permettent une meilleure indépendance et les outils, entr' autres, Icrédit, qui permet une bonne traçabilité sur la partie risques.

En revanche, et toujours selon C, les délégations de pouvoir génèrent un processus en fonction de critères qualitatifs : C a parfois l'impression de ne pas avoir de réelle valeur ajoutée sur l'analyse de dossiers sans problématique particulière mais qui

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doivent respecter le chemin d'octroi classique : elle me donne l'exemple de dossiers de gestion de fortune.

Les outils et procédures ne varient pas en fonction des typologies de clients. Cependant, selon A, l'expérience, formalisée par des notes sectorielles internes et par les retours des services contentieux, permet de connaître les secteurs où les taux de défaillance sont plus élevés, ce qui appelle à une vigilance plus forte des analystes. Les fiches métiers viennent renforcer cette connaissance par type d'activités.

c) Les relations entre les services

Il y quelques années, les services Risques étaient rattachés aux agences et dépendaient hiérarchiquement du directeur d'agence, lequel avait en priorité des objectifs commerciaux. Cette organisation pouvait entraîner des risques de conflits d'intérêts aboutissant à minimiser les risques au profit du développement commercial.

Sous la pression des autorités de tutelle et pour répondre aux exigences réglementaires de Bâle 2, la ligne Risques a été détachée géographiquement et hiérarchiquement de la ligne Commerce par la création de pôles régionaux d'analyse risques.

Cette évolution se justifie aussi selon A par la nécessité de rationaliser les coûts et d'harmoniser les procédures et les critères d'appréciation des dossiers dans un contexte de fortes réductions des marges liées à la suppression de l'encadrement du crédit et à la concurrence interbancaire qui en a découlé. Toujours selon A, au regard des marges extrêmement faibles d'aujourd'hui, le coût du risque Crédit doit être minimisé pour que les banques restent rentables.

Selon B, cette évolution a soulevé dans un premier temps des difficultés, liées à l'absence de communication entre les équipes Commerce et les équipes Risques, ces dernières étant perçues comme des « censeurs » freinant le développement commercial et imposant des procédures mal comprises par les équipes de front office.

« C » a connu la transformation en interne et met en exergue la forte scission qui s'est créée au départ, en les équipes du Commerce et les équipes du Risque, ils étaient vus comme « les méchants » qui empêchaient de faire du commerce.

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Après une période de rodage et avec le développement des moyens de communication informatiques (Plate-forme I-crédit et outil Maestro), les relations Commerce/Risques ont pu s'améliorer. « C » me raconte qu'au début, les analystes n'étaient pas obligés d'échanger par téléphone pour un avis défavorable, dorénavant c'est une obligation inscrite dans les circulaires interne.

Pour D, le point important c'est la différenciation des directions afin d'éviter les conflits d'intérêts et pas nécessairement la délocalisation géographique, celle-ci entraînant un allongement des délais de traitement, le pôle risque « décortique » le dossier et pose des questions, le commercial est obligé de revenir vers son client, parfois à J+3 ou J4... cette situation peut générer un agacement vis-à-vis du client », toujours selon D. Cette nouvelle organisation a également pour finalité la réduction des coûts par la réduction de la masse salariale, c'est un des paramètres qui rentre en ligne de compte.

Aujourd'hui, les deux équipes partagent des approches communes d'analyse des risques, notamment par la participation des chargés d'affaires à des stages périodiques au sein des pôles Risques. Ce souci de culture commune facilite les échanges dans l'étude des dossiers.

Les nouvelles organisations ont permis de distribuer le crédit dans des conditions de gestion du risque meilleures, avec plus d'objectivité et de recul sur la relation client.

d) Analyse risque et relations client

Selon B, la relation client ne devrait pas être altérée par les analyses du pôle Risques. Elle conçoit le rôle des équipes Risques comme une fonction de prévention pouvant aussi alerter les équipes Commerce et le Client sur sa situation financière et sur les solutions à envisager et les préconisations à formuler. Pour C, les équipes Risque sont là pour faire du « bon commerce », c'est une subtilité importante pour la maîtrise du coût du risque de la banque, dans un contexte où les marges se dégradent avec une marge d'erreur qui doit s'affiner. Cependant, les temps de réflexion à recueillir toutes les pièces (« BNP Paribas est très rigide sur la complétude selon C », à respecter les processus, les délégations de pouvoir peut nuire à la relation client dans une situation ou le client est multi bancarisé et la réactivité est de rigueur dans un environnement de conquête commerciale.

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Cette situation se confirme selon réunion du 17/05/2016 faisant état de la situation d'urgence sur la banque de réseau de BNP Paribas réalisant des pertes structurelles de produit net bancaire (PNB) avec des fermetures de compte enregistrées.

Des mesures ont été prises au niveau des seuils d'analyse contradictoire qui ont été élevé à 50 000 € (vs 20 000 €) pour donner plus de souplesse en agence et accéléré le déblocage des fonds pour les clientèles de professionnels. Pour C, l'analyste n'est pas là pour limiter le développement mais pour limiter la casse et maîtriser le coût du risque.

L'information sélectionné pour l'étude des dossiers :

Selon A, surtout sur un segment PME, les critères à retenir dans l'étude d'un dossier doivent prioritairement s'appuyer sur l'information interne issue de la relation bancaire. La connaissance du dirigeant, sa transparence en toutes circonstances (notamment en cas de difficultés) et ses capacités de gestion... sont les premiers éléments déterminants dans le processus de décision.

Malgré tout, selon B, cette information interne ne suffit pas à bien cerner la réalité du risque. Le caractère incomplet, voire partial, de ces informations ne dispense pas d'utiliser en complément les sources externes qui, selon elles, restent déterminantes.

Quant à C, les informations externes peuvent combler un manque d'information interne, c'est effectivement deux sources complémentaires. L'information interne sera à pondéré de la durée de la relation et des informations recueillis par le chargé d'affaire. Dans le cas d'un prospect, l'information externe est primordiale.

Les critères, sur une segmentation de TPE-PME sont aujourd'hui plus sélectifs, mais cela n'entraîne pas de diminution des volumes de crédit accordés.

Les nouveaux seuils mis en vigueur par BNP Paribas, donnant plus de pouvoir aux agences, est un levier pour ne pas impacter le débit de crédit.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery