B - L' HYPOTHÈQUE FORCÉE JUDICIAIRE
A l'inverse de la saisie conservatoire qui est une voie
d'exécution, l'hypothèque forcée judiciaire est une
sureté. Elle est consacrée à l'article 213 de l'Acte
uniforme des suretés Il s'agit d'une sureté qui vise à
prémunir le créancier chirographaire contre une
insolvabilité du débiteur104.
Dans ses conditions de mise en oeuvre, l'hypothèque
judiciaire s'apparente vraiment à la saisie conservatoire. Pour
être autorisé à prendre une inscription provisoire
d'hypothèque sur l'immeuble de son débiteur, le banquier doit
justifier d'une créance, même apparemment fondée en son
principe mais, dont le recouvrement serait menacé. Aussi, «
l'absence de tout règlement spontané de la créance
depuis 3 années et l'absence de garantie subsistant à l'encontre
du débiteur principal suffisent à démontrer que le
recouvrement de la créance à l'encontre du débiteur
principal est en péril et qu'il y'a urgence »105
.
A l'instar de la saisie conservatoire, l'hypothèque
forcée judiciaire pour être mise en oeuvre à besoin de
l'autorisation du juge compétent. Matériellement, dans le
contexte Camerounais, c'est le président du tribunal de première
instance106. Territorialement, l'article 213 AUS donne au
créancier le choix entre le juge du domicile du débiteur et celui
de situation de l'immeuble à saisir. C'est cette autorisation qui
distingue l'hypothèque judiciaire de la saisie conservatoire. Car,
même un titre exécutoire ne permet pas au créancier de
constituer une hypothèque judiciaire sans autorisation du juge.
La décision autorisant l'inscription à un
caractère provisoire. Elle ne met pas fin à la procédure,
sa pleine efficacité dépend essentiellement des suites dont elle
indique les modalités à travers certaines mentions qu'elle doit
obligatoirement contenir. Ces suites ont essentiellement trait à
l'inscription dans le livre foncier, aux notifications obligatoires et
à
104 TCHABO SONTANG (H.M.), « l'hypothèque
forcée judiciaire en droit OHADA », juridis périodique
n° 108, Octobre-Novembre-Décembre 2016, p. 120.
105 TCHABO SONTANG (H.M.), op.cit., p.12 ; CA
Versailles, 4e ch., 04-12-1992, D., 1993, p.286.
106 Art. 15 (2), loi n° 2006/015 du 29 Décembre
2006 portant organisation judiciaire modifiée et complétée
par la loi du 14 décembre 2011.
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l'assignation en validité et au fond. Dans le cadre de
l'hypothèque forcée judiciaire, deux délais sont impartis
au créancier : un délai pendant lequel le créancier
bénéficiaire de la décision est tenu de s'abstenir de
saisir la juridiction compétente de sa demande au fond107,
c'est un délai d'ajournement. Un autre délai pendant lequel il
doit saisir la juridiction sous peine de caducité108, c'est
un délai de rigueur.
Dans le mois de la notification de l'assignation en
validité ou de l'instance au fond, le débiteur peut formuler une
demande de mainlevée, ou de réduction en l'absence de toute
contestation sur le bien-fondé de la démarche du
créancier. Il peut également en cas de contestation mener une
action en réduction109, ou une demande de main
levée110.
Lorsque ces actions du débiteur n'aboutissent pas, le
créancier peut procéder à l'inscription définitive
qui est indispensable pour faire jouer le droit de suite et de
préférence. Il peut mettre en oeuvre à cet effet deux
procédures : L'action au fond, et ou l'action en validité de
l'hypothèque. La première ne s'impose pas au créancier
titulaire d'un titre exécutoire, tandis que la deuxième est
obligatoire même si le créancier à un titre
exécutoire. Une fois la décision autorisant l'inscription
définitive rendue, le créancier dispose d'un délai de 06
mois pour procéder à l'inscription définitive. Elle prend
rang à la date de l'inscription provisoire111 à
concurrence du montant qui figurait dans la décision d'inscription
provisoire, et dans la limite des immeubles qui y étaient visés.
En cas de revalorisation de la créance ou d'intégration de
nouveaux immeubles, l'inscription définitive ne produira d'effet pour le
surplus qu'à partir du jour de son accomplissement.
L'hypothèque forcée judiciaire est conçue
pour aider le banquier qui du fait d'une omission a perdu sa sureté et
s'est retrouvé créancier chirographaire de son emprunteur. Il
peut encore échapper à la loi du concours. Pour cela, il doit
faire preuve de diligence. Il pourra à nouveau être titulaire
d'une sureté qui pourra réduire l'impact de la procédure
collective sur le recouvrement de sa créance.
107 Article 213, Alinéa 3 AUS.
108 Article 213, Alinéa 1 AUS.
109 Article 220 AUS.
110 Article 219, alinéa 1 AUS.
111 Article 221 Alinéa 2 AUS.
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