SECTION I : LE RECLASSEMENT DES CRÉANCES
Lorsque l'impossibilité de recouvrement de la
créance est avérée, Elle n'est plus une créance en
souffrance. Elle doit changer de catégorie, c'est ce qu'on appelle le
reclassement. La créance en souffrance doit devenir créance
irrécouvrable (paragraphe I), et son traitement subit également
des modifications (paragraphe 2).
PARAGRAPHE I : LE PASSAGE DES CRÉANCES EN
SOUFFRANCE EN
CRÉANCES IRRÉCOUVRABLES
Les créances en souffrance sont
caractérisées par leur difficulté de recouvrement, et les
créances irrécouvrables sont caractérisées par
l'impossibilité de recouvrement. Etablir la frontière entre ces
deux catégories de créances est délicat. C'est pour cela
que le reclassement des créances en souffrance en créances
irrécouvrable est encadré et obéi à des conditions
spécifiques (A), ce processus n'est pas pris à la
légère mais une décision est obligatoire (B).
A - LES CONDITIONS DE RECLASSEMENT D'UNE
CRÉANCE EN SOUFFRANCE EN CRÉANCE IRRÉCOUVRABLE
Le règlement COBAC de 2018/01 pose deux conditions de
reclassement d'une créance en souffrance en créance
irrécouvrable.
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La première condition est que le l'impossibilité
de recouvrement soit jugée certaine après épuisement de
tous les voies et moyens amiables ou judiciaires, ou tout autre
considération pertinente216 . C'est-à-dire que la
créance devient irrécouvrable lorsqu'elle est
définitivement perdue. Cela peut être en cas de disparition du
débiteur, de paiement avec un chèque volé pour lequel la
victime a formulé opposition au paiement, ou encore de liquidation
judiciaire du débiteur.
L'instruction N° 266 - 11 -2016 relative à la
comptabilisation et à l'évaluation des engagements en souffrance
de la BCEAO217 est plus explicite et permets de mieux comprendre
cette condition posée à l'article 11. Dans son article 13 elle
considère comme créance irrécouvrable d'une part celles
pour lesquelles les droits de l'établissement assujetti en tant que
créancier sont juridiquement éteints, à cause de la
prescription ou de la forclusion qui bloquent définitivement le
recouvrement judiciaire. L'instruction de la BCEAO n'exclut pas pour autant la
passation en créance irrécouvrable les créances pour
lesquelles les droits de l'établissement assujetti ne sont pas
éteints. Elle précise juste que ces créances font l'objet
d'un suivi extracomptable et ne donnent pas lieu à comptabilisation
d'intérêts.
D'autre part comme deuxième condition au même
titre que le règlement COBAC suscité, elle classe dans les
créances irrécouvrables les créances douteuses
entièrement provisionnées depuis plus de 5ans. A la
différence du règlement COBAC son article 13 ne précise
pas que ces créances doivent être entièrement
provisionnées. Elle n'émet pas également la même
précision que le règlement COBAC en ce qui concerne la
décision de déclassement pour les contreparties liées.
B - LA DÉCISION DE RECLASSEMENT
Le reclassement de la créance s'opère suite
à une décision de l'organe de la banque compétent. Dans
certaines banques, c'est une décision qui revient à la direction
générale après un rapport détaillé sur
l'état de la créance et les actions qui ont été
menées218 .
L'article 28 du règlement précise que pour le
passage en pertes ou l'abandon des créances détenues sur les
groupes ou parties liées, L'approbation préalable du
Secrétaire Général de la Commission Bancaire est requise.
L'alinéa 2 du même article énumère les parties
liées. Elles comprennent notamment les filiales de
l'établissement, les sociétés affiliées et toute
partie (y compris ses filiales, sociétés affiliées et
structures ad hoc) sur laquelle la banque exerce
216 Article 11 du règlement COBAC de 2018/01,
op.cit.
217 Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest.
218 Entretien du 02 Juillet 2020, op.cit.
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un contrôle ou qui exerce un contrôle sur elle.
Cela peut aussi inclure les actionnaires principaux, les administrateurs, la
direction générale, le personnel, leurs intérêts
directs ou indirects, leurs proches, ainsi que les personnes correspondantes
dans les établissements affiliés. En outre, la commission
bancaire peut lorsqu'elle l'estime justifié, exiger que les
créances sur une contrepartie soient classées dans une
catégorie donnée et couvertes par les provisions
appropriées219.
L'instruction de la BCEAO suscitée n'a pas mis une
telle obligation à la charge de l'établissement de crédit
assujetti. Par contre, contrairement au règlement CEMAC, elle
précise le sort des autres engagements douteux détenus sur la
partie en cause Ces derniers ne sont pas reclassées en créances
irrécouvrables220. Le législateur CEMAC aurait
gagné à être tout aussi clair dans l'alinéa
1er de son article 28 dont l'interprétation peut être
ambiguë.
Tout porte à croire que, lorsque le règlement
requiert L'approbation préalable du Secrétaire
Général de la Commission Bancaire pour tout passage en perte ou
abandon de créance détenue sur des groupes ou des parties
liées221, il faut comprendre que pour les parties
liées, le passage en pertes ou abandon de créances peut avoir un
effet de contagion. Mais le brouillard reste épais en ce qui concerne
les autres encours douteux détenus sur une partie simple.
Les dispositions du règlement CEMAC 2018/01 sur les
créances irrécouvrable ne sont pas nombreuses et parfois peu
précises. Une consultation de l'instruction de la BCEAO jette plus de
lumière sur la question. On constate que, L'épuisement des moyens
de recouvrement d'une créance ou son classement dans les créances
douteuses pendant 5 ans entraine son reclassement en créances
irrécouvrable, et emporte les effets qui y sont attachés.
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