B - L'ATTRIBUTION JUDICIAIRE
Jusqu'ici, l'attribution judiciaire se limitait à la
réalisation du gage155.En plus de reconduire cette
possibilité dans son article 104 alinéa 2, L'acte uniforme innove
dans l'extension de cette attribution judiciaire à l'hypothèque.
L'acte uniforme rénové, a simplifié la réalisation
de l'hypothèque, en offrant au créancier une autre voie au terme
de l'article 198 alinéa 1, qui ne passe pas par la saisie de
l'immeuble.
L'attribution judiciaire est ouverte à tous les
créanciers quel que soit leur rang, Cette affirmation est lourde de
conséquence. D'une part si les créanciers de rang
inférieur demandent l'attribution judiciaire à un moment ou le
créancier de premier rang ne le peut pas ou ne veut pas, les
préférences vont jouer. Si l'attribution a déjà eu
lieu, le créancier de premier rang dispose d'un droit de suite,
notamment lorsque l'attribution s'est opérée en faveur d'un
créancier inférieur. Dès lors, la perspective de
l'exercice de ce droit de suite diminue nécessairement la valeur
économique du bien qui est ainsi attribué au créancier de
second rang.
153 L'article 178 AUS dispose que les créanciers inscrits
ne peuvent réaliser la sureté que par la voie prévue
à l'article 104 alinéa 1 qui est l'adjudication.
154 Article 199 Al 2 et 3 AUS.
155 Article 56 Alinéa 2 AUS ancien
45
Pratiquement, cette solution aboutira à réserver
l'attribution judiciaire au créancier de premier
rang.
Le problème se pose en réalité davantage
en matière de gage Qu'en ce qui concerne l'hypothèque, en
matière d'hypothèque on la publicité foncière est
impérative, rendant l'ignorance du fait insoutenable156. Dans
l'hypothèse du gage, le créancier de second rang peut être
victime d'une mauvaise surprise lorsqu`il ignore l'existence d'un
créancier de premier rang et notamment lorsque la valeur du bien est
supérieure au montant de sa créance. Ayant versé le
supplément au débiteur, si par la suite, ce dernier demeure
insolvable, le créancier de premier rang exercera alors son droit de
suite à l'encontre du créancier de second rang. On se doute bien
que dans une telle situation, ce dernier ne pourra pas obtenir du
débiteur la somme qui lui a été indument versée.
Les modes alternatifs de réalisation des suretés
comportent de nombreux avantages pour le créancier qui évite
ainsi de voir la rémunération des professionnels des voies
d'exécution grignoter substantiellement la valeur destinée
à apurer la dette du débiteur157. Mais d'un autre
côté, il s'agit d'un exercice en nature dont la rançon peut
être lourde pour le créancier puisque, sous réserve de
l'éventualité rare ou il peut tirer directement parti du bien, il
assume la charge et les aléas d'une revente dont le prix peut être
inférieur à l'estimation de l'expert. C'est pour prévenir
de telles situations que certains banquiers ont directement recours aux
procédures simplifiées et aux voies d'exécutions.
PARAGRAPHE 2 : LE RECOUVREMENT DES CRÉANCES EN
SOUFFRANCE PAR LES PROCÉDURES SIMPLIFIÉES DE RECOUVREMENT ET LES
VOIES D'EXÉCUTIONS
Au Cameroun, les procédures civiles d'exécution
sont réglées par l'acte uniforme du 10 Avril 1998 portant
organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des
voies d'exécutions. Les procédures simplifiées de
recouvrement (A), et les voies d'exécution (B), respectivement contenues
dans les deux livres de l'acte uniforme sont très usitées par le
banquier.
156 NJEUFACK TEMGWA (R.), op.cit., p.113. ; c'est le cas
en matière de gage lorsque le gage n'est pas inscrit au RCCM ou le bien
gagé remis entre les mains créancier gagiste ou d'un tiers
convenu (Article 97 AUS). L'exigence de l'écrit à peine de
nullité du gage ne suffit donc pas pour le rendre opposable.
157 NJEUFACK TEMGWA (R.), op.cit., p.113. 157 Article
134 Alinéa 2 AUS.
46
A - LE RECOUVREMENT DES CRÉANCES EN SOUFFRANCE PAR
LES PROCÉDURES SIMPLIFIÉES DE RECOUVREMENT
Les procédures simplifiées de recouvrement sont
au nombre de deux : l'injonction de paiement et la procédure
simplifiée tendant à la délivrance ou à la
restitution d'un bien meuble déterminé. L'injonction de restituer
est une procédure qui par son essence, ne s'accommode que très
rarement avec la pratique bancaire. Notamment dans les hypothèses
où le banquier est acquéreur d'un meuble corporel, ou en cas de
réalisation d'un gage158. Plusieurs années
d'application ont laissé apparaître la certitude que, La
procédure d'injonction de paiement est le principal instrument de
recouvrement utilisé par les banques dans les Etats de
l'OHADA159, raison pour laquelle nous lui accordons toute notre
attention.
L'injonction de paiement est une procédure facultative,
permettant d'obtenir du juge, saisi sur simple requête et en l'absence de
débat contradictoire, une ordonnance portant condamnation du
débiteur au paiement d'une certaine somme d'argent160.
L'injonction de paiement est exclusivement
réservée à des créances certaines, liquides, et
exigibles161. D'origine contractuelle ou résultante de
l'émission ou de l'acceptation de tout effet de commerce, ou d'un
chèque dont la provision s'est révélée inexistante
ou insuffisante162.
La requête d'injonction de payer est adressée au
président du tribunal de première instance du lieu domicile
où demeure effectivement le débiteur ou l'un d'entre eux en cas
de pluralité des débiteurs, quand la créance
n'excède pas 10 millions de FCFA. Et au président du tribunal de
grande instance du même lieu lorsque la créance est
supérieure à 10 millions de FCFA163, ou lorsque
l'engagement résulte de l'émission ou de l'acceptation de tout
effet de commerce ou d'un chèque dont la provision s'est
révélée inexistante ou insuffisante164.
La procédure est déclenchée par le
créancier à travers une requête écrite
déposée aux greffes du tribunal compétent165.
La requête doit contenir les informations requises à l'article
4
158 GATSI (J.), op.cit., p. 129.
159 AMEVI (D.S.), la protection du créancier dans le
droit uniforme de recouvrement des créances de l'OHADA,
thèse pour l'obtention du diplôme de docteur en droit
privé, université de Paris 1-PANTHEON SORBONNE,2016, p10.
160 ASSOGBAVI (K.), « La nouvelle procédure
d'injonction de payer dans l'Acte uniforme portant organisation des
procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d'exécution », Penant n° 829, janv.- avril 1999, pp. 2025.
161 Article 1 AUPSRVE.
162 Article 2 AUPSRVE.
163 Article 3 AUPSRVE ; articles 15 et 18 de la loi n°
2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire,
modifiée et complétée par la loi n° 2011/027 du 14
décembre 2011.
164 TWENGEMBO, « Injonctions de payer, de délivrer
ou de restituer » in P-G. POUGOUE (Dir.), Encyclopédie du
droit OHADA, éd. Lamy, Paris 2011, p. 1022.
165 Article 4 AUPSRVE.
47
de l'AUPSRVE166. Elle est soumise au
président qui peut signer l'ordonnance généralement
placée en bas de la requête ou la rejeter totalement ou
partiellement. En cas d'acceptation de la requête, le juge rend
l'ordonnance d'injonction de payer par laquelle il ordonne au débiteur
de payer la somme réclamée par le créancier. L'ordonnance
doit être signifiée aux débiteurs dans les 3 mois de sa
signature, sous peine d'être considérée non
avenue167.
Le débiteur, une fois informé, peut avoir trois
attitudes: le paiement de la dette, l'inaction ou l'opposition 168 .
Chacun de ces comportements détermine les suites de la procédure,
qui pourrait s'égrener de la façon suivante:
La première hypothèse où le
débiteur paie volontairement ne mérite pas d'observations
particulières puisqu'elle met fin à l'action en recouvrement et
éteint la dette. En revanche, si, dans une deuxième posture, il
ne se libère pas de son obligation et ne réagit pas non plus
à l'injonction de paiement, le créancier est autorisé
à requérir l'apposition de la formule exécutoire sur
l'ordonnance présidentielle169.
Enfin, la troisième hypothèse, la plus
redoutée, est celle dans laquelle le débiteur décide
d'intervenir dans la procédure en formant opposition170. La
procédure, à l'origine unilatérale 171 , se
transforme en un contentieux ordinaire 172 . La décision
rendue suite à l'opposition se substitue à l'ordonnance
d'injonction. Le recours contre elle est l'appel dans un délai de 30
jours à compter de la date de décision.
Dans le cas où la requête s'était
heurtée à un rejet partiel, le créancier a deux options.
Soit il signifie l'ordonnance et se contente d'un payement partiel et renonce
à toute autre procédure, soit il refuse le paiement partiel. Dans
ce dernier cas, il lui faudra alors assigner son débiteur par les voies
de droit commun.
La procédure d'injonction de payer, conçue pour
le recouvrement rapide de créance est façonnée pour
rencontrer les besoins du banquier prêteur. À défaut
d'exécution
166 Il s'agit des noms, prénoms, domicile et professions
des parties s'agissant des personnes physiques. S'agissant des personnes
morales, le nom, la dénomination et le siège social. En outre,
elle doit également indiquer le montant de la somme
réclamée avec le décompte des différents
éléments de la créance ainsi que le fondement de celle-ci.
La requête doit être accompagnée de toutes les pièces
justificatives de la créance en originaux ou en copie certifiées
conformes.
167 Article 7alinéa 2 AUPSRVE.
168TWENGEMBO, op.cit. p. 1023 ; AMEVI (D.S.),
op.cit, P 168.
169 Article 16 de l'AUPSRVE.
170 Articles 9 et suivants AUPSRVE.
171 La procédure d'injonction de paiement est en principe
organisée avec une extrême prudence de telle manière que le
débiteur intervienne le moins possible dans la procédure ou
n'intervienne pratiquement pas. Le législateur a voulu cette
procédure rapide et moins agressive puisque les parties ne se
rencontrent pas, du moins jusqu'à la signification de l'ordonnance
d'injonction de paiement.
172 Le tribunal par l'opposition est saisi de l'ensemble du
litige, l'auteur de la requête initiale occupe la place de demandeur et
supporte la charge de la preuve (Article 13 AUPSRVE.).
48
volontaire du débiteur, muni du titre exécutoire
obtenu à l'issu de cette procédure, toutes les voies
d'exécution lui sont ouvertes.
|