Importance de la de centralisation pour le développement des collectivités territoriales en Haïti. Cas de la commune de l'Acul-du-nord de 2010 à 2018.par Ilrick Gabriel Fils-Aime Universite d'Etat d'Haiti (Faculté d'Ethnologie) - Maitrise 2020 |
5.1.2-Politique et institutionnelleEn faisant une analyse sur l'article 217 de la Constitution amendée du 29 mars 1987 de la République d'Haïti et celui de 118 du décret de 2006 relatif au cadre de décentralisation des collectivités, nous constatons que le principe d'autonomie fiscale des collectivités territoriales est clairement établi. Cependant, au niveau de l'opérationnalisation des recettes, des dépenses, du budget et de planification financière, cette commune est traitée en parents pauvres, et écartée dans les grandes décisions politiques et économiques de l'État central. Cette remarque a été faite aussi par deux économistes haïtiens, le premier c'est le professeur Camille CHALMERS et le deuxième c'est le professeur André Lafontant JOSEPH. Le professeur André Lafontant JOSEPH, dans un article publié en février 2011, monte au créneau pour critiquer et dire que le budget 2010-2011 d'Haïti est un exemple flagrant. Parce que, ce budget avait indiqué que seulement (5%) pour le fonctionnement des collectivités territoriales, ce qui constitue un manque à gagner pour le développement des sections communales, des communes et certains départements du pays103(*). Plus loin, le professeur Camille CHALMERS fait une analyse économique profonde de la situation en estimant que le budget pour l'année fiscale 2015-2016 d'Haïti a été mal élaboré. Pour cela, il se réfère aux normes établies par la Constitution pour l'élaboration du budget tout en expliquant ceci : « Il n'est pas normal pour que le budget soit élaboré en dehors de la Constitution de 1987. Aujourd'hui le processus budgétaire est centralisé comme il l'était avant la Constitution de 1987. Ceci va à l'encontre de l'esprit fondamental de la Constitution de 1987 qui est la décentralisation104(*). » Mis à part de ces auteurs qui ont compris le problème, l'économiste Etzer S. EMILE, à travers une étude a clairement montré comment le problème de budget constitue un véritable handicape pour le progrès des collectivités territoriales. Les résultats de sa recherche ont précisé comme hypothèse que le département de l'Ouest génère à lui seul (94%) des recettes fiscales contre (6%) pour les neufs (9) autres départements confondus, alors qu'il représente moins de (30%) de la population du pays et seulement (20) communes sur 142105(*).De manière plus étendue, nous étudions ce problème à la lumière de l'économiste Fred DOURA qui les analyse ainsi : « Les transferts de l'État central aux collectivités territoriales sont mal gérés, seul l'État central qui constitue l'autorité compétente pour lever les impôts dans l'ensemble du pays ; La formule du partage de l'impôt avec l'État qui constitue le système d'imposition est déterminé par les autorités au niveau national. Cependant un revenu fiscal collecté au niveau local doit être partagé avec l'État national ; Le principe d'établir l'impôt sur les mêmes bases de l'État, mais avec des taux établis sur une base locale ; L'emprunt peut constituer un moyen approprié pour financer les dépenses d'équipements locales à condition que l'équilibre budgétaire sur le plan macro-économique soit préservé106(*). » En plus de la dimension politique qui est l'une des causes du problème de décentralisation de la commune de l'Acul-du-Nord, le dysfonctionnement des institutions est aussi un facteur qui pèse très fort dans cette problématique. Déjà, quand nous parlons véritablement de décentralisation, trois conditions essentielles sont prises en considération, à savoir : l'élection des responsable des collectivités locales au suffrage universel, le pouvoir souverain des décisions de la collectivité locale, et enfin la capacité de financer les activités locales autonomes. À remarquer que toutes ces conditions doivent être opérationnalisées via les instituions et les administrations de l'État central. Etant donné que dans la commune de l'Acul-du-Nord les institutions sont dysfonctionnelles, alors la décentralisation entant que technique de planification pouvant aboutir véritablement à son développement ne peut pas être réalisée, d'où la centralisation des institutions est le véritable carcan de ce problème. Pour approfondir cette hypothèse, l'économiste Fritz Alphonse JEAN abonde presque dans le même sens en précisant que : « Les problèmes de concentrations des services de l'État et de centralisation des compétences administratives sont au coeur des débats dans des régions en dehors de la zones métropolitaine de Port-au-Prince, et sont considérés comme des obstacles majeurs au développement des affaires et au développement économique en général107(*). » Les deux plus grands facteurs qui font les institutions haïtiennes sont dysfonctionnelles et qui constituent l'une des causes du problème de décentralisation de la commune de l'Acul-du-Nord sont : leur manque d'inclusion et leur manque d'autonomie administrative et financière. Parfois, certains élus locaux tentent de réaliser des projets en vue d'améliorer les services de base dans leur commune, mais puisque les instituions ne travaillent pas de concert, et que les suivis et évaluations ne sont pas faits, donc cela laisse une place pour la corruption et d'autres formes de dysfonctionnements sans atteindre. Parce que, toute institution inclusive fournit un cadre contraignant pour le pouvoir politique, et permet aux citoyens d'accéder aux services de base pour arriver au développement économique et social. En plus du manque d'inclusion des institutions, le problème d'autonomie administrative et financière est l'une des causes prépondérantes du problème de décentralisation de la commune de l'Acul-du-Nord. Parce que, chaque commune a sa propre réalité socio-économique, par conséquent toute politique publique de développement de l'État central doit tenir compte des situations socio-économiques et culturelles de chaque commune. Donc, puisque cela n'a pas été envisagé pour la commune de l'Acul-du-Nord, cela crée un vide et laisse peu de possibilités pour aboutir véritablement au processus de décentralisation. * 103 André Lafontant JOSEPH, « Haïti: quelle part du budget national sera consacré aux collectivités territoriales », 24 février 2011. * 104 Camille CHALMERS in Etzer S. EMILE, Haïti a choisi de devenir un pays pauvre : les raisons qui le prouvent, Edition Les Presses de l'Université Quisqueya, Port-au-Prince, 2017, p.92. * 105Etzer S. EMILE, « 94% des recettes de la DGI sont collectées uniquement dans le département de l'Ouest. On parle de quel développement ? », in Le Nouvelliste, Port-au-Prince, 14 décembre 2016. * 106Op. Cit, pp.158-160. * 107 Fritz Alphonse JEAN, Haïti, La fin d'une histoire économique, Bibliothèque Nationale d'Haïti, Port-au-Prince, 2007, p. 183. |
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