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Importance de la de centralisation pour le développement des collectivités territoriales en Haïti. Cas de la commune de l'Acul-du-nord de 2010 à 2018.par Ilrick Gabriel Fils-Aime Universite d'Etat d'Haiti (Faculté d'Ethnologie) - Maitrise 2020 |
2.1.3-Après le séisme du 12 janvier 2010Après le séisme du 12 janvier 2010, l'administration haïtienne était presque dysfonctionnelle pour ne pas dire inexistante. Le séisme a causé pas mal de dégâts au niveau des infrastructures et de pertes en vie humaine. À mentionner qu'aussi qu'il a ravagé presque trois (3) départements géographiques de la République d'Haïti et causé beaucoup de dégâts. Selon un rapport présenté par International Crisis Group, nous retrouvons ceci : « Haïti se remettait à peine des ouragans de 2008, qui avaient laissé dans leur sillage 800 morts et plus de 1 milliard USD de dégâts, lorsque, le 12 janvier 2010, un tremblement de terre de 7.0 sur l'échelle mobile de Richter est survenu. La catastrophe a fait, d'après les estimations, 250 000 morts, parmi lesquels des membres du gouvernement, des hauts fonctionnaires et des représentants et agents des Nations Unies. À cela, il faut ajouter 300 000 blessés et 1,5 million de personnes déplacées, dont la moitié a fui vers d'autres provinces et villes qui n'étaient pas prêtes à les recevoir. Le tremblement de terre a engendré des coûts de reconstruction d'urgence estimés à 11,5 milliards USD, et a détruit plus de 80 % de Port-au-Prince, plusieurs villes et villages environnants, les sièges des trois pouvoirs de l'État, 15 des 17 ministères, 45 % des commissariats de police et un certain nombre de tribunaux44(*). » Après cette catastrophe, certaines pratiques dysfonctionnelles furent émergées, et les citoyens vivant en milieu urbain vont se déplacer pour aller en milieu rural chez leur famille. Dans ce contexte de déperdition, de fragilité politique et économique du pays, le sociologue Ilionor LOUIS parle de pertes capitales. Selon la définition qu'il a donnée de ce concept, les pertes capitales sont : « la dépendance des puissances étrangères ; les ingérences incessantes de la communauté internationale dans les affaires ; la fuite des cerveaux vers les pays du nord, la disparition des organisations populaires au profit des organisations de base à vocation de développements ; l'absence de discours notamment de la pensée critique au profit des idées reçues transformées en quasi-doctrine de la pensée néolibérale dominante ; l'absence d'alternative au capitalisme de plus en plus triomphant et perverti ; la violence ; la discrimination dans les quartiers populaires ; la fin de l'égalité républicaine45(*). » Conscient de la situation difficile que traversait Haïti durant cette période, plusieurs pays apportaient leur soutien à l'État haïtien, et rapidement, une commission dénommée Commission Intérimaire pour la Reconstruction d'Haïti (CIRH) a été mise en branle. Cette commission a été contrôlée par l'ex-président américain en l'occurrence Bill CLINTON de concert avec certaines autorités haïtiennes, qui contrôlaient et orientaient l'aide humanitaire. Malgré cette forme de coordination, les Organisations Non Gouvernementales (ONG) prennent le dessus sur l'État haïtien, elles dirigeaient tous et contrôlaient tous sans tenir compte des stratégies et des procédés mis en place par l'État haïtien dans son mode de gestion des choses publiques, surtout au niveau des collectivités territoriales. En analysant l'aspect de la dépendance de l'État central aux Organisations Internationales, nous constatons que ces organisations remplaçaient l'État en termes de mission pour la bonne marche des institutions, et parfois nous pensons qu'elles sont des véritables concurrentes de l'État. Pour soutenir notre thèse, dans la deuxième partie de l'ouvrage de Fréderic THOMAS, intitulé« Logique (s) humanitaire (s) », l'auteur montre comment les interventions militaro-humanitaires lors du séisme est une instrumentalisation de l'État haïtien à des fins stratégiques et géopolitiques. Parce que, le terme urgence était devenu une tricherie, la communauté internationale vient avec des solutions toutes faites, elle construit le monde à son image avec des problèmes à la mesure des solutions toutes faites. Comme conséquences, l'aide humanitaire a favorisé l'échec des politiques publiques de prévention et de gestion au niveau des collectivités territoriales, elle a engendré des inégalités dans la prise des décisions, elle ne tient pas compte de la dignité humaine et a dépolitisé l'État haïtien dans le cadre de ces misions46(*). Donc pour l'auteur, c'est une concurrence entre la République des ONGs contre un État faible, dans ce cas, il faut redéfinir le rôle et le champ d'intervention de l'État central. En analysant ce paramètre, Fréderic THOMAS fait référence avec le budget d'Haïti, qui dépend à (66%) de l'apport international, et voilà pourquoi les organisations peu transparentes remplacent l'État corrompu, pour cela l'auteur demande la réinvention de l'État47(*). Fort de cette considération, après le séisme du 12 janvier 2010, les collectivités territoriales n'étaient pas prises en considération par l'État central. Même si de manière imprévisible, les citoyens se déplaçaient pour aller s'établir dans les collectivités territoriales, l'État central n'a entamé aucune démarche pour profiter de cette situation, à savoir, opérationnaliser la technique de décentralisation via cette circonstance. Bien au contraire, il se contentait de rester dans la ville de Port-au-Prince pour distribuer des kits alimentaires, nettoyer certaines maisons résidentielles et celles dont logeaient des administrations publiques. En conséquence, il ne jette pas son regard sur les collectivités territoriales pour accompagner et faire des suivis aux citoyens qui ont été déplacés. Ainsi, dans cette situation critique, l'écrivaine Andréanne MARTEL a pu constater que la coordination humanitaire en Haïti après le séisme est une facette, vu que l'approche utilisée met beaucoup plus l'accent sur l'efficacité et l'opérationnalisation tout oubliant complètement les acteurs locaux. Selon MARTEL, cette situation crée une dynamique d'exclusivité des collectivités territoriales, pour cela elle pose cette question : L'approche des clusters a-t-il renforcé une externalisation des prises de décision en créant des espaces politiques difficiles à se réapproprier par les autorités haïtiennes48(*) ? Peu de temps après le séisme, soit trois(3) mois après, la majorité des déplacés se retournent à Port-au-Prince en raison de leur mauvaise condition de vie et de leur manque d'accompagnement. Comme conséquences, cela a épuisé sérieusement les ressources des collectivités territoriales qui étaient au préalable tellement faibles, parce que les citoyens des sections communales n'étaient pas préparés pour une telle situation. Et d'autres en plus, l'État central n'allouait pas des ressources nécessaires aux collectivités territoriales pour assurer son mode d'organisation et de fonctionnement. Alors, ce qui laisse croire que le séisme du 12 janvier 2010 avait engendré beaucoup de difficultés pour le bon fonctionnement des sections communales, des communes et départements du pays, et aussi il rend de plus en plus précaire la vie des paysans. * 44Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes, « Haïti : stabilisation et reconstruction après le tremblement de terre » No 32, 31 mars 2010, p.3. * 45 Ilionor LOUIS,Pertes capitales : propos sur les processus sociaux et le champ politique haitien, Éditions de l'Université d'Etat d'Haiti, Port-au-Prince, 2015, p.13. * 46Fréderic THOMAS, L'échec humanitaire : le cas haïtien, Éditions Couleurs livres asbl, Bruxelles, 2013, pp.25-42. * 47 Ibib, pp.43-54. * 48 Andréanne MARTEL, « Coordination humanitaire en Haïti: le rôle des clusters dans l'externalisation de l'aide », No 165, Vol 14, in Mondes en développement, Paris, 2014, pp 65-78. |
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