Incidence des accords politiques dans la gestion de léétat cas du FCC-CACH.par Papy WETSHONGA LOKOMO Université - Licence en sciences politiques 2020 |
CHAP. IV : IMPACT DE LA COALITION FCC-CACH DANS LA GESTION DE L'ETATComme nous l'avons souligné dans le chapitre précèdent, les élections de décembre 2018 n'ont pas été inédites uniquement parce qu'elles ont donné lieu à la première alternance pacifique au sommet de l'Etat, mais aussi parce qu'elles ont créé une situation rare dans l'histoire politique de la République démocratique du Congo : la coalition de gouvernance communeentre deux protagonistes. Ce chapitre, se propose donc dedémontrer l'impact de la coalition au pouvoir sur la gestion de l'Etatnotamment sur les plans sociale, économique, politique, sécuritaireet enfin d'identifier les différentes crises causées par les alliés au pouvoir. 4.1. DES ATTENTES SUR LE NOUVEAU REGIMEAprès dix-huit années de présidence de KABILA, l'avènement d'un nouveau Président issu de l'opposition suscite de fortes attentes de la part de nombreux acteurs ; ce qui ouvre à la fois des opportunités tout en impliquant des contraintes pour le Président Félix TSHISEKEDI. 4.1.1. ATTENTES DE LA POPULATION CONGOLAISEComme nous l'avons évoqué dans l'une de nos hypothèses, les attentes de la population qui a voté pour la rupture avec le régime Kabila sont à la hauteur des frustrations populaires dans l'un des pays les plus pauvres du monde où le gouvernement s'est désengagé des services sociaux de base depuis plusieurs décennies. Loin de s'améliorer ces dernières années, les indicateurs humanitaires révèlent l'ampleur des maux qui frappent la population congolaise : insécurité ( le nombre de déplacés avoisine les 5 millions de personnes) , pauvreté massive (87,7% de la population vit sous le seuil de pauvreté), malnutrition (le nombre de congolais en situation d'insécurité alimentaire est passé de 7 à 13 millions de 2016 à 2018 et la malnutrition aiguë concerne 4,9 millions d'enfants de moins de 5 ans78(*) déficit d'accès aux soins (plusieurs foyers épidermiques : choléra, rougeole, Ebola dans une zone à forte densité de population.79(*)) Par rapport aux autres épidémies d'Ebola qui ont éclaté en RDC, celle qui frappe depuis août 2018 et la malnutrition dans le Nord-Kivu (territoire de Beni/Butembo) a deux particularités : elle se déroule dans une zone de forte densité humaine, elle menace 35% des mines d'or de la RDC et peut facilement devenir une épidémie régionale.80(*) Ces attentes concernent la situation socio-économique et la justice. Les organisations de femmes demandent la parité au sein du gouvernement ; les organisations de défense des droits de l'homme attendent un grand renouvellement dans la magistrature et les services de sécurité et insistent pour que soient exhumés les crimes du régime Kabila (massacre de Bundudia Kongo en 2007, meurtre de Floribert CHEBEYA le leader de l'ONG voix de sans voix, répression dans le Kasaï contre KAMWINA NSAPU en 2016, etc.) Lors du rassemblement au stade de martyrs de Kinshasa le 24 mars 2019, la foule a même réclamé l'arrestation de Joseph KABILA. Les mouvements citoyens attendent un gouvernement qui soit enfin redevable à la population et se concentre sur le développement du pays tandis que les organisations de lutte contre la corruption envoient des dossiers à la présidence afin que des poursuites soient lancées. La ligue congolaise de lutte contre la corruption (LICOCO) a par exemple, demandé au Président d'enquêter sur le détournement de la redevance logistique terrestre censée financer la réhabilitation du réseau ferroviaire entre Matadi et Kinshasa. Cette taxe a généré 53 millions de dollars américain de 2013 à 2016 au profit de la société congolaise des transports et ports mais aucune véritable amélioration du réseau ferroviaire n'a eu lieu.81(*) Les revendications socio-économiques s'exprimaient déjà à Kinshasa : grève de l'entreprise de transport de bus Transco, manifestations des employés du commerce dominé par les compagnies libanaises et indo-pakistanais, discussions sur les arriérés de paiement des fonctionnaires, etc. alors que la capitale reste sensible aux éventuelles turbulences sociales, en province la demande de développement est particulièrement forte. Conscient du haut degré de frustration sociale, le Président a présenté le 02 mars 2019 un programme de travaux d'urgences à exécuter pendant les 100 premiers jours de son mandat (essentiellement des travaux de construction, réhabilitation de routes et d'électrification). Les bailleurs ont été sollicités pour lancer des travaux à forte visibilité et à impact rapide à Kinshasa. Le Président s'efforce de tuer dans l'oeuf tout mouvement de contestation sociale (déblocage des fonds pour les chauffeurs de Transco, pour les policiers non payés etc.) et multiplie les promesses (par exemple l'amélioration de la condition de vie des policiers et militaires et de leurs familles lors de sa visite du grand camp militaire de Kinshasa, le camp TSHATSHI.82(*) * 78 Global report on food crisis, food security information network 2019. www.Fsinplatforme.orgvisité le 05 juin 2020 à 13h * 79 www.infosgrandslacs.info visité le 15 mars 2020 à 20h * 80 Thierry VIRCOULON, République démocratique du Congo : cohabitation insolite, note de IFRI, juin 2019 P.25 * 81 LAGRANGE, M. Du désordre comme art de gouverner. La rébellion Kamwinansapu, un symbole du mal congolais, Notes de l'IFRI, IFRI, septembre 2017, P.10 * 82 www.scooprdc.cd « discours devant les militaires du camp tshathsi : Fatshi sur les traces de MOBUTU » visité le 20 avril 2020 |
|