Incidence des accords politiques dans la gestion de léétat cas du FCC-CACH.par Papy WETSHONGA LOKOMO Université - Licence en sciences politiques 2020 |
3.3.3. LA DISSOLUTION DU PARLEMENT EST-ELLE UNE SOLUTION POUR DISSOUDRE LA COALITION ?Même s'il est vrai qu'il s'agit d'une expérience inédite en République démocratique du Congo et qu'il faut du temps pour que les habitudes prennent ou que la confiance s'installe, il est aussi vrai qu'avec deux alliés qui se combattent sans se le dire en face, le Président TSHISEKEDI risque de terminer son quinquennat avec un bilan de seules promesses, ce qui ferait de sa vision du « peuple d'abord » un simple slogan sans lendemain. En politique, la bonne foi se prouve et ne se présume pas.74(*) Les propos tenus et comportement affiché par les membres de la coalition FCC-CACH démontrent clairement que cette alliance est dépourvue de toute fondement solide et qu'il est difficile d'en espérer grand-chose. Selon la constitution congolaise, le chef de l'Etat peut dissoudre l'Assemblée nationale à la condition qu'il existe une crise persistante entre le gouvernement et le parlement, une crise que le FCC ne peut se permettre d'offrir à Félix TSHISEKEDI dans le contexte actuel, où des législatives anticipées risqueraient de réveiller la colère populaire qui était palpable en 2018. Mais quand on sait qu'en politique, une crise peut facilement être fabriquée dans un laboratoire, il y a lieu de prendre au sérieux les menaces de Jean-Marc KABUND et de s'attendre à de véritables actions, promis par le Président lors de son discours face aux congolais de la diaspora à Londres bien que le déclanchement de cette arme est possible qu'avec le courage exceptionnel de Félix TSHISEKEDI. 3.3.4. L'ESPOIR D'UN CHANGEMENT DU CLIMAT POLITIQUE ET SOCIALL'avènement du Président TSHISEKEDI a déjà changé le climat du régime. Apres deux années de tension politique (le glissement de 2016 à 2018) qui ont pesé sur la population, le climat politico-sécuritairedétente pendant la première année est à la détente: libération de prisonniers politiques, comportement moins abusif des forces de sécurité, liberté d'expression et de réunion de Martin FAYULU qui, bien qu'il fasse maintenant figure de l'opposition remet en cause les résultats électoraux, peut se déplacer librement en RDC et s'exprimer à la télévision publique, la RTNC. Par contre pendant la deuxième année soit en 2020, dans un rapport publié le 22 Juillet 2020, HumanRights Watch (HRW) révèle une restriction croissante des droits de l'homme en RDC. Cette organisation de défense des droits de l'homme note que les autorités congolaises ont réprimés des détracteurs pacifiques, des journalistes et des membres de partis politiques, tout en utilisant les mesures de l'état d'urgences sanitaire mises en place en raison de la pandémie de Covid-19 comme prétexte pour limiter les manifestations. Des dizaines de personnes ayant critiqué les politiques du gouvernement, y compris sur les réseaux sociaux, ont fait l'objet d'intimidations et de menaces, d'arrestations, et dans certains cas, de poursuites judiciaires75(*). Le président a aussi pris certaines décisions pour affirmer son autorité comme la mise à l'écart du chef de l'ANR (KALEV MUTOND), des nominations dans les renseignements militaires (la DEMIAP) et l'annonce de premières sanctions pour corruption contre des membres du régime précèdent : suspension du Ministre des affaires foncières, suspension de plusieurs directeurs généraux d'entreprises publiques, installations d'une commission dénommée Etienne TSHISEKEDI chargée d'enquêter sur les spoliations76(*). De plus, le Président mène une diplomatie opposée à celle de KABILA. Alors que ce dernier avait isolé la République démocratique du Congo ces dernières années tant à l'égard des gouvernements américain, européens qu'africains, le nouveau Président s'efforce de renouer les liens et effectue de nombreux voyages à l'étranger. Il songe à jouer les médiateurs dans la crise Ougando-rwandaise, entame une politique de détente avec Paul KAGAME qui avait voulu remettre en cause son élection (visite à Kigali et ouverture réciproque de liaisons aériennes) et prend publiquement le contre-pied de joseph KABILA sur plusieurs dossiers notamment la MONUSCO dont il souhaite le maintien. Contrairement à ce qu'il avait annoncé, il n'y a pas eu de nomination d'un informateur pour identifier la majorité parlementaire et former le gouvernement. Prévu par l'article 78 de la constitution, l'informateur peut être nommé par le Président afin d'identifier la majorité parlementaire dont doit être issu le Premier ministre. Or le FCC a fait valoir qu'il constitue la majorité parlementaire avec 330 députés et qu'en conséquence le poste de Premier ministre lui revient de droit. La formation du gouvernement est prise en otage par le FCC qui propose des noms du Premier ministre au Président. Cependant, le FCC n'a pas obtenu gain de cause en ce qui concerne la nomination du Premier ministre, Felix TSHISEKEDI ayant refusé aux moins deux fois les noms qui lui ont été soumis. Le temps que prendront les négociations postélectorales pour la formation du gouvernement était en soi un indicateur du rapport de force. Les deux élections indirectes (les sénatoriales et l'élection de gouverneur) qui font suite aux élections directes marquent la première véritable défaite de TSHISEKEDI. A la suite de la révélation de l'achat des votes pour les sénatoriales et face au mécontentement des militants de l'UDPS, il a bloqué l'installation des sénateurs, reporté l'élection des gouverneurs et lancé une enquête pour corruption. Ce faisant, il a donné l'impression de vouloir éviter un Sénat ultra-dominé par le FCC. Finalement, le président a dû se résoudre à autoriser leur installation, officiellement pour respecter les délais constitutionnels et il n'est donc pas parvenu à bloquer l'élection corrompue des sénateurs. L'élection des gouverneurs est aussi une nouvelle démonstration de force du FCC. Alors que les élections des seconds tours restent à organiser dans plusieurs provinces (Nord-Kivu, Mai-ndombe, Sankuru, Sud-ubangi, etc.) le FCC remportait au début d'avril 2019, 17 gouvernorats sur 26 dès le premier tour, la plate-forme du PrésidentCACH n'obtenant au premier tour qu'un seul gouvernorat, celui de la province du Kasaï-Oriental. Les gouvernorats stratégiques de la capitale, Kinshasa, et du Kongo central reviennent au FCC alors que l'élection directe de leurs assemblées provinciales avait été remportée par l'opposition dans ces deux provinces, les élections indirectes consacrent l'inversion complète des élections directes : ceux que les élections ont mis au pouvoir ont, sans changer de parti, voté en faveur du FCC.77(*) Par ailleurs, le FCC a eu l'intelligence de changer les visages et de ne pas recycler les Ministres du gouvernement précèdent. En effet, mis à part Zoé KABILA qui devient Gouverneur du Tanganyika, il n'y a pas de grandes figures du clan Kabila parmi les gouverneurs. * 74Mulumba, M. « la coalition TSHISEKEDI-KABILA : duo ou duel au sommet de l'Etat en RDC ? » www.afrique.lalibre.be visité le 20 mai 2020 à 14h * 75 Politico, « En RDC, la télévision publique RTNC sous censure présidentielle » www.politico.cd visité le 16 juillet 2020 à 08h * 76 Radio okapi, « Dialogue entre congolais » du 4 avril 2019, www.radiokapi.net visité le 16 avril 2020 à 08h * 77 Radio okapi, « Dialogue entre congolais » du 12 avril 2019 www.radiokapi.netvisité le 16 novembre 2019 à 20h |
|