1. Les prémices d'une surveillance policière
sur les filières de sortie hébergeant de la fraude documentaire
dans le Traité du Touquet
644. Coopération policière
transfrontalière sur la gestion migratoire. L'idée de la
mise en place d'une coopération policière sur la gestion
migratoire s'est révélée dans le Traité du Touquet
entre le gouvernement de la République française et le
gouvernement du Royaume Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relatif
à la mise en oeuvre de contrôles frontaliers dans les ports
maritimes de la Manche et de la mer du Nord entre les deux pays.
645. Lutte renforcée contre l'immigration
clandestine et les trafiquants de faux documents d'identité. Ce
Traité a été signé le 4 février 2003 par les
ministres de l'Intérieur de la France et du Royaume-Uni625.
Il « constitue une étape supplémentaire dans le renforcement
de la coopération franco-britannique dans le domaine de la lutte contre
l'immigration clandestine »626.
646. Le but de l'Accord du Touquet est de sécuriser la
zone frontalière transmanche à destination du Royaume-Uni. Donc
cela concerne effectivement tous les flux de migrants clandestins aidés
par des trafiquants de faux documents d'identité voulant rejoindre le
territoire britannique. Cet accord permet de créer une
coopération renforcée entre un Etat Schengen et un Etat non
Schengen puisque la frontière franco-britannique « transmanche
» est une frontière extérieure à l'espace
Schengen.
647. Territoire britannique :
territoire attractif pour les trafiquants. C'est une voie
transfrontalière très intéressante pour les migrants
illégaux spécialisés ou non dans la fabrication de faux
documents d'identité car le territoire britannique « reste
très attractif pour les demandeurs d'asile »627.
625 Décret n° 2004-137 du 6 février 2004
portant publication du traité entre le gouvernement de la
République française et le gouvernement du Royaume-Uni de
Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relatif à la mise en oeuvre de
contrôles frontaliers dans les ports maritimes de la Manche et de la mer
du Nord des deux pays, signé au Touquet le 4 février 2003.
626 Projet de loi présenté au Sénat en
session ordinaire, Annexe au procès-verbal de la séance du 8
octobre 2003, 433 rectifié (2002-2003), texte n° 8, Accords du
Touquet. Accord publié dans JORF n° 0037 du 13 février 2004
page 2949, institué par un décret du 6 février 2004.
627 Ibid : « En proportion, le Royaume-Uni reste
attractif dans la mesure où il est en première position des pays
auprès desquels sont formulées les demandes d'asile devant
l'Allemagne (71 100 demandes en 2002) et la France (58 100 demandes) : la
pratique généralisée de la langue anglaise alliée
à la présence sur le territoire de communautés
structurées sont autant de facteurs qui font de ce pays une destination
privilégiée dans un contexte de législations
européennes plus restrictives ».
648.
217
C'est un territoire propice pour les filières
d'immigration illégale parce qu'il y a, par exemple, un accès de
droit commun aux prestations sociales et au marché du travail
très avantageux.
649. Durcissement de la législation
britannique sur la responsabilité du transporteur routier.
Avant la signature des accords du Touquet, la législation
britannique a mis en place une surveillance policière plus drastique
à ses frontières : mettre en oeuvre la responsabilité du
transporteur en cas de découverte de clandestins arrivant par voie
aérienne ou maritime, en 1997, responsabilité élargie sur
les transports routiers en 1999.
650. Surveillance renforcée de la liaison
ferroviaire transmanche. La coopération avec la France s'est
opérée naturellement avec la Grande-Bretagne car les migrants
transitent par le département du Pas-de-Calais en France, aujourd'hui
communément appelée la zone du « Calaisis ». Cette
coopération renforcée s'est attachée plus
particulièrement à surveiller la liaison
ferroviaire628.
651. « Ce dispositif a été progressivement
renforcé, notamment par la création de bureaux de contrôle
des voyageurs empruntant l'Eurostar et la systématisation des
contrôles en gare à la sortie du territoire français. En
pratique, ces contrôles en gare sont effectués par la police aux
frontières »629.
652. Surveillance policière des bureaux
à contrôles nationaux juxtaposés. Les dispositions
de l'Accord du Touquet révèlent une surveillance policière
remarquable pour contrôler les filières de sortie. Ce
traité a mis en place des « bureaux à contrôles
nationaux juxtaposés »630 sur l'ensemble des ports de la
Manche et de la mer du Nord notamment sur les ports de Douvres631 et
de Calais632. Les contrôles frontaliers exercés par les
services d'immigrations s'exercent sur les personnes, les frets et les
marchandises.
628 Ibid : « Le protocole de Sangatte,
signé le 25 novembre 2001 et entré en vigueur
le 2 août 1993 définit, conformément aux
stipulations du traité de Canterbury du 12 février
1986, les modalités de la coopération judiciaire en
matière pénale, des contrôles frontaliers et de la
sécurité civile pour la liaison fixe transmanche. Ce texte
prévoit la création de bureaux à contrôles nationaux
juxtaposés (BCNJ) dans les terminaux de la liaison transmanche ainsi que
la possibilité d'effectuer des contrôles à bord des trains
».
629 Ibid.
630 Selon l'article 1.2 du Traité du Touquet.
631 Port maritime situé au Sud-Est de l'Angleterre. Il
est situé à 35 km des frontières
françaises, c'est le port anglais le plus proche de la France.
632 Selon l'article 1.1 du Traité du Touquet.
653.
218
Contrôles de sorties effectués en France
par les agents de police français. Par exemple, les agents de
police français peuvent contrôler un individu au port de Calais en
partance du territoire français vers le territoire britannique. Les
agents de police français exercent une surveillance des flux de sorties
du territoire en exécutant des « contrôles de sorties »
de l'espace Schengen.
654. Contrôles d'entrées
effectués en Grande-Bretagne par les agents de police français.
Toutefois, sur le territoire britannique, la France devra donc assurer
les contrôles d'entrée dans l'espace Schengen avec la
vérification des documents de voyage et des autres conditions
d'entrée, de séjour, de travail et de sortie, la recherche et la
prévention de menaces pour la sécurité nationale et
l'ordre public des Parties contractantes. Or, « [l'] organisation des
contrôles prévoit l'aménagement d'un nouveau rond-point
d'accès en amont de l'aubette de contrôle des passeports avec un
contrôle systématique des camions »633.
655. Transition. Toutes ces pratiques de
terrain prouvent que les deux Etats sont réellement concernés par
une coopération de surveillance policière afin de lutter contre
les filières de transit en provenance de l'Espace Schengen. Face
à la crise des migrants que l'Europe subit depuis 2015, les deux pays
ont décidé de renforcer leur coopération policière
depuis peu.
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