3. La possible traçabilité des voies de
distribution et de fabrication des faux documents d'identité
après l'ouverture d'une enquête policière européenne
416. Inscription d'un document d'identité au
sein du SIS insuffisante pour démanteler une filière de
distribution et de fabrication. L'inscription d'un document
d'identité invalidé au sein du SIS permet l'ouverture d'une
enquête policière entreprise soit par les Etats Schengen/Etats
membres de l'Union européennes notamment via des ECE, soit par
l'Agence Europol qui laisse une marge de manoeuvre aux autorités
internes sur le déclenchement d'une enquête. Or, l'ouverture de ce
type d'enquête permet de mettre en place un mandat d'arrêt
européen, procédure judiciaire transfrontalière, à
l'encontre du détenteur du faux document d'identité, mais elle ne
permet pas de démanteler la filière de distribution et de
fabrication des faux documents d'identité. C'est le SIS deuxième
génération, qui est une version améliorée du SIS,
qui « assure le suivi du mandat d'arrêt européen
»472 tout en gardant sa fonction première de
récolter les signalements d'objets et de personnes interceptés
aux frontières.
417. Recoupement indispensable des documents
interceptés ayant les mêmes caractéristiques
matérielles de falsification. Pour tracer les voies de
distribution et de falsification des faux documents interceptés aux
frontières extérieures de l'espace Schengen, il est indispensable
d'extraire, à partir du SIS, des documents interceptés ayant les
mêmes caractéristiques matérielles de falsification, afin
de rechercher les voies de distribution et de fabrication du marché
criminel à l'origine de la
472 BARBE (E.), L'espace judiciaire européen,
av.-pr. GISCARD D'ESTAING (V.), Coll. Réflexe Europe, La
documentation française, Paris, 2007, p. 99. Le SIS II, tout comme le
SIS I permet de « sécuriser la délivrance de visa ou le
contrôle d'un étranger ; surveiller discrètement ou
effectuer un contrôle spécifique de certaines personnes par
exemple des suspects dans une affaire pénale, faire des recherches aux
fins de saisies ou de preuves dans une procédure pénale notamment
les documents vierges ou non ». Le SIS est « devenue une base
d'enquête criminelle ». Le SIS II est « issue d'un
règlement et d'une décision du 6 décembre 2001 ». Le
SIS II « permet d'intégrer des données biométriques
des personnes (ED, photographie) ».
146
filière. C'est ce qu'on appelle plus communément
faire des recoupements d'analyses criminelles.
418. Intégration nécessaire de la
common cause explanation dans le SIS. L'utilisation actuelle
du SIS reste timorée, c'est pourquoi il est nécessaire
d'intégrer la méthode de la common cause explanation aux
services policiers de l'Agence Europol et des ECE pour déterminer une
marque de fabrique commune applicable à un lot de documents
invalidés aux frontières, initialement enregistrés dans le
SIS.
419. Effet : possibilité
d'identifier les lieux de distribution et de fabrication du faux document
d'identité et changement du cadre d'enquête. Ainsi, en
intégrant cette méthode de profilage forensique, il ne s'agira
plus d'ouvrir une enquête à l'encontre d'un détenteur de
faux document d'identité, mais de l'élargir jusqu'à la
recherche de l'identification des lieux de distribution et de fabrication du
faux document d'identité. Ainsi, le cadre d'enquête changera,
puisque l'existence de l'infraction d'usage de faux documents d'identité
intégré à une organisation criminelle de faux documents
d'identité fera sortir la procédure pénale des
règles du droit commun. Or, l'ouverture d'une enquête liée
à la délinquance organisée permet la mise en place de
techniques d'investigations spéciales de la part des services de
renseignements des Etats Schengen et des Etats membres- écoutes
téléphoniques, bornages de téléphones, de
véhicules - en toute légalité. L'aide des experts FADO
sera aussi possible pour les Etats Schengen et/ou pour l'Agence Europol
puisqu'ils auront la compétence de récolter des informations
intéressantes sur les méthodes de falsification des
faussaires.
420. Bilan. L'efficacité d'une
surveillance policière sur la matérialité du faux support
d'identité dépend ainsi de la mise en lien de la méthode
du profilage avec les politiques européennes existantes en
matière de lutte contre la fraude documentaire.
421. Transition. Un autre pan de la
surveillance policière doit être étudié à
partir de la traçabilité et de la sécurisation de
l'acheminement intellectuel des faux documents d'identité.
147
Section II. Une surveillance policière
inédite sur l'acheminement intellectuel des faux documents
d'identité
422. Difficultés de détection et de
surveillance du crime de faux. Ce deuxième versant de la
surveillance policière semble plus compliqué à mettre en
place, car les méthodes intellectuelles de falsification de supports
d'identité utilisées par les trafiquants sont extrêmement
difficiles à détecter. Ici il ne s'agit pas de mettre en place
des procédures dérogatoires prévues aux articles 706-73 du
CPP pour retrouver des indices matériels liés à la
falsification intellectuelle du support d'identité, avec l'aide des
services de renseignements mentionnés à l'article L. 811-2 du
CSI. La technique d'investigation utilisée sera différente, et
inédite, à partir d'une définition large du vocable «
surveillance » s'appliquant sur des personnes suspectes pour
prévenir des actions délictueuses ou criminelles et pour garantir
la sécurité publique au niveau européen et interne. Pour
que cette surveillance policière puisse se réaliser, il convient
de repenser la valeur réelle d'un document d'identité. On peut
défendre l'idée que la valeur d'un document d'identité est
la même que celle de la monnaie. C'est pourquoi la valeur d'un document
d'identité doit être autant surveillée que celle de la
fabrication et de la mise en circulation de la fausse monnaie. Le crime de faux
serait donc une atteinte à toutes les nations, au niveau international,
et européen.
423. Lutte contre la corruption des ambassadeurs et
des consuls. En réponse, pour lutter contre la corruption des
ambassadeurs et des consuls qui délivrent de faux documents
d'identité à des voyageurs clandestins, il faut tenter la mise en
place d'une police de sûreté publique autant en France qu'au
niveau européen et international pour sensibiliser les agents
administratifs, et se montrer plus ferme face aux actes de falsification et de
corruption au sein de structures administratives publiques et diplomatiques,
pivots de la circulation des faux documents d'identité permettant une
couverture de façade aux étrangers clandestins mettant un pied en
Europe.
424.
148
Plan. Pour contrôler l'acheminement
intellectuel international des faux documents d'identité, une
surveillance policière de sûreté publique peut s'appliquer
en deux temps : une police de sûreté publique sur la
sécurisation de la délivrance des documents d'identité
délivrés indûment par une administration publique par
l'utilisation de la blockchain privée (I), et le renforcement
d'une « police de visas à distance » sur les agents
diplomatiques situés dans les pays non-membres de l'Union
européenne (II).
I. La sécurisation de l'obtention indue de faux
documents d'identité par l'utilisation de la blockchain
privée
425. Intérêt de la blockchain
privée. Une surveillance policière par
l'utilisation de la blockchain privée doit être
appliquée pour sécuriser les actes d'état civil et les
divers documents avant la délivrance de documents d'identité (A),
pour vérifier la probité des agents diplomatiques
délivrant des documents d'identité et de voyage (B), notamment
des visas apposés sur des passeports.
A) L'utilisation de la blockchain privée
dans la sécurisation des actes d'état civil et des divers
documents avant la délivrance des documents d'identité
426. Sureté publique avant la remise.
A partir de la définition générale de la
blockchain, qui est un registre décentralisé,
certifié et infalsifiable (1), il est possible d'intégrer de
manière inédite ce mécanisme dans le droit de la
sécurité intérieure avant la remise de documents officiels
par une administration publique (2), en sachant que l'essai d'une
blockchain privée sur les actes d'état civil et les
divers documents, documents convoités en priorité par les
faussaires, est la réponse pénale la plus adaptée (3).
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