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Le trafic international de faux documents d'identité


par Jean-Michel HAZIZA
Université de Pau et des Pays de l'Adour - M2 Police et sécurité intérieure  2019
  

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2. Un lien de complicité entre le faussaire et le tiers administratif déclarant

282. Complicité du tiers administratif déclarant. La complicité sera applicable à partir du moment où l'agent administratif jouera le rôle du déclarant pour le faussaire. Le vocable « déclarant » doit être compris dans le sens d'un ordre de falsification donné par le tiers administratif au trafiquant faussaire, qui va réaliser matériellement la fausse pièce d'identité. En ce sens, le rôle du déclarant - agent administratif - « est alors celui du complice qui agit par instruction ou provocation »353 selon l'article 121-7 alinéa 2 du CP. Plus précisément, il y a complicité lorsque le complice a « connaissance du fait délictueux principal et de la volonté d'y prendre part »354, et « cela vaut pour la complicité par aide et assistance, il en va de même pour ce qui est de la complicité par instigation »355. En l'occurrence, le tiers administratif complice a eu connaissance de la réalisation de l'infraction de faux document d'identité, en sachant qu'il a eu la volonté d'y prendre part en donnant l'ordre au faussaire, auteur principal, d'inscrire les mentions fausses sur le support d'identité.

283. Acte d'instigation du tiers administratif avant ou au moment de la falsification matérielle du faux document d'identité. De plus, la complicité se caractérise par des actes antérieurs ou concomitants à l'infraction, ce n'est qu'à cette condition que ces actes pourront être en lien de causalité avec l'infraction356. En l'espèce, le tiers administratif accomplit l'acte de complicité par instigation avant ou concomitamment à la réalisation de la falsification matérielle du faux document d'identité, ce qui permet d'affirmer qu'il existe un lien causal entre l'infraction principale de falsification du document d'identité réalisée dans tous ses éléments constitutifs par le faussaire, et la complicité apportée par le tiers administratif précédemment à cet acte de falsification.

353 MALABAT (V.), « Faux », préc., n° 61.

354 VERNY (E.), Le membre d'un groupe en droit pénal, Thèse, LGDJ, Bibliothèque des sciences criminelles, 2002, n° 206.

355 BARON (E.), La coaction en droit pénal, préc., n° 56, p. 53.

356 GARE (T.), GINESTET (C.), Droit pénal - Procédure pénale, Dalloz, Hypercours, 5ème éd., 2008, n° 234, p. 135.

284.

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Transition. Au moment de la réalisation de la vente secrète du faux document d'identité, il se crée indéniablement une unité temporelle entre les trafiquants, car il se produit un lien de coaction rendant interdépendant ces deux acteurs, excluant ainsi la possibilité d'une simple complicité.

B) Un lien de coaction entre les trafiquant-vendeur et trafiquant-acheteur au moment de la réalisation de la vente du faux document d'identité

285. Plusieurs conditions liées à la coaction lors de la vente secrète du faux document d'identité doivent être vérifiées concernant les trafiquants : un élément psychologique lié à l'adhésion à un projet commun (1), un élément matériel caractérisé par une assistance réciproque et des actes concomitants (2), et un élément causal intense créant une indivisibilité entre les trafiquants coauteurs (3).

1. L'adhésion à un projet commun entre le trafiquant-vendeur et le trafiquant-acheteur

286. Entente : condition nécessaire à l'adhésion au projet commun. « Alors que l'adhésion supposerait la poursuite d'un projet commun, véritable idéal collectif comme en matière terroriste, il n'en irait pas de même pour l'entente qui imposerait un simple accord ponctuel entre les différents participants »357. Lors de la réalisation de la vente du faux document d'identité, non seulement il existe une entente entre les trafiquants formée par un simple accord verbal, mais surtout une volonté commune de réaliser un projet commun de vente dans le secret pour échapper aux poursuites pénales. L'entente est donc une sous condition nécessaire à l'adhésion au projet commun entre les trafiquants.

287. Entente : réciprocité dans la conscience et la volonté de coopération. En effet, « envisagée comme un accord entre deux ou plusieurs individus, l'entente suppose alors une réciprocité dans la conscience et la volonté de coopération. Et c'est cette réciprocité dans la volonté de s'associer qui apparaît comme le propre de la coaction : chaque coauteur est conscient de la participation de l'autre et souhaite coopérer à son action. De là vont se nouer des liens étroits entre coauteurs, plus qu'entre

357BARON (E.), La coaction en droit pénal, préc., n° 50, p. 59.

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complice et auteur principal »358. En l'occurrence, l'entente entre les trafiquants vendeur et acheteur est réciproque quant à la volonté de coopérer à la réalisation de la vente secrète du faux document d'identité. Chaque trafiquant est donc conscient de la participation de l'auteur et souhaite ainsi participer à la vente secrète du faux document d'identité, point culminant de l'entente. Par conséquent, cette première condition psychologique est réalisée dans tous ses éléments au moment de la réalisation de la vente secrète du faux document d'identité.

288. Transition. En plus de cet élément psychologique, il convient de vérifier l'élément matériel de la coaction liée à cette vente secrète.

2. La matérialité de la coaction lors de la vente secrète du support d'identité falsifié par une assistance matérielle et des actes concomitants entre les trafiquants

289. Composante de la matérialité de la coaction. La matérialité de la coaction liée à la vente secrète du faux document d'identité se décompose en une assistance matérielle (a) et en actes concomitants entre les trafiquants (b).

a) Une assistance réciproque entre les trafiquants lors de la réalisation de la vente secrète du faux document d'identité

290. Rôles précis et interchangeables. Il y a une assistance réciproque lorsque « chaque coauteur a un rôle précis, déterminé »359, sachant que les rôles sont « interchangeables au gré des circonstances »360 entre les trafiquants. En l'occurrence, la dépendance matérielle entre les trafiquants ne fait aucun doute puisque l'aide de l'un va apporter nécessairement une aide à l'autre.

291. Réciprocité d'action. L'aide apportée par le trafiquant-vendeur se matérialise par la réalisation de la falsification du faux document antérieure à la vente, alors que le trafiquant acheteur va aider le trafiquant-vendeur à réaliser un profit secret au moment du paiement de la vente du support falsifié. Il existe donc nécessairement une assistance réciproque entre les trafiquants, qui représente le caractère de l'un « des

358 Ibid., n° 91, p. 93.

359 Ibid., n° 282, p. 232.

360 Ibid.

actes de la coaction »361. L'autre acte spécifique à la coaction concerne les actes

concomitants.

b) Les actes concomitants des trafiquants lors de la réalisation de la vente du faux document d'identité

292. Concomitance et absence d'unité de lieu de la vente secrète. D'abord, « la concomitance n'implique pas une unité de lieu, même s'il est vrai que la plupart du temps, les coauteurs se trouveront au même moment sur le lieu de commission de l'infraction »362. Or, cette absence nécessaire d'une unité de lieu lors de la réalisation de la vente fait entrer dans les actes concomitant la vente à distance, par Internet, du document d'identité falsifié. Ainsi, la concomitance de l'acte de vente entre les trafiquants peut se dérouler soit au même moment sur lieu de la vente secrète in manu, soit dans un lieu géographique différent notamment par l'envoi de courriers postaux des supports falsifiés.

293. Concomitance et unité temporelle de la vente secrète. Plus encore, « les actes concomitants à l'infraction sont ceux qui en accompagnent la réalisation, et s'entendent alors d'une unité temporelle »363. En ce sens, l'acte de la vente secrète du faux document d'identité permet de lier directement l'infraction de faux et celle de l'usage de faux document d'identité, créant ainsi une unité temporelle dans la coaction des trafiquants.

294. Lien causal. Les éléments psychologique et matériel de la coaction lors de la vente secrète du faux document d'identité se lient indéniablement entre eux par une causalité étroite.

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361Ibid., n° 282, p. 232. 362Ibid., n° 284 p. 233-234. 363Ibid., n° 285, p. 234.

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3. L'intensité du lien causal lors de la vente secrète du faux document d'identité : condition sine qua non d'un lien d'indivisibilité entre le trafiquant-vendeur et le trafiquant-acheteur

295. Intensité. L'intensité du lien causal entre les trafiquants construit une indivisibilité (a) puis engendre un ensemble de qualifications pénales rétréci au seul objet de la vente secrète du faux document d'identité (b).

a) Une relation d'indivisibilité entre les trafiquants lors de la vente secrète du faux document d'identité

296. Acte de vente concomitant provoquant l'indivisibilité des liens entre les trafiquants. L'intensité du lien causal unissant les faits permet de distinguer l'indivisibilité et la connexité364. Effectivement, « lorsqu'un des faits a été la condition sine qua non de la réalisation de l'autre, tous deux devraient être considérés comme indivisibles »365. Concernant les trafiquants acheteur et vendeur, il est indéniable qu'il existe un lien causal porté sur l'acte de vente concomitant du faux document d'identité, rendant indivisible les liens entre les deux trafiquants, puisque l'acte infractionnel de l'un entraîne nécessairement l'acte infractionnel de l'autre. La juxtaposition de l'acte de vente et de l'acte d'achat converge vers un même but, celui d'échapper aux instances pénales, rendant indissociable la relation personnelle entre les trafiquants.

b) un avantage procédural indéniable

297. Jugement des coauteurs de la vente secrète en France. Les conséquences procédurales d'une indivisibilité sont ainsi avantageuses pour le juge français qui aura l'obligation de juger les coauteurs de la vente secrète du faux document d'identité, dans l'hypothèse où les deux agents auraient réalisés un des éléments constitutifs de la vente secrète du faux document d'identité sur le territoire français. Donc, dans le souci de bonne administration de la justice et dans le souci d'une politique criminelle cohérente vis-à-vis du trafic de faux document d'identité, il convient nécessairement de qualifier

364 DECIMA (O.), L'identité des faits en matière pénale, Dalloz, Nouvelle bibliothèque des thèses, 2008, n° 771.

365 BARON (E.), La coaction en droit pénal, préc., n° 382, p. 316.

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les trafiquants acheteur et vendeur de coauteurs lors de la réalisation de la vente du support d'identité falsifié.

298. Unicité de qualification des infractions de faux dans la seule opération de vente secrète. Par l'intermédiaire de l'existence d'une indivisibilité entre les trafiquants acheteur et vendeur présente lors de la vente du faux document d'identité, un « ensemble de qualifications pénales par contraction »366 serait le bienvenu pour réprimer plus aisément le projet criminel commun de l'ensemble des trafiquants. Le point culminant de l'ensemble des infractions de faux se situe au moment de la vente secrète. Or, les infractions dites « continuées »367 ou « collectives par unité de but »368, qualifiées comme telles en droit pénal général, impliquent la répétition de plusieurs faits infractionnels, tous punissables en eux-mêmes, « dont l'inscription dans une seule opération autorise une unicité de qualification »369. Il n'y aura donc, en cas de vente secrète de faux document, qu'une seule infraction car cet acte infractionnel s'inscrit dans une seule opération globale faisant intervenir plusieurs auteurs. Effectivement, « de l'analyse à laquelle les juges procèdent, il peut résulter une concentration d'actes qui va faire apparaitre l'infraction »370. En effet, cette concentration d'actes se focalise sur le même objet - la vente secrète du support d'identité falsifié - étant à l'origine d'une adhésion intense à un projet commun concerté préalablement par les trafiquants. La convergence de la volonté des trafiquants vers l'objectif d'une opération de vente verbale portée sur le même support falsifié permet de rendre possible la perspective d'une qualification pénale en un ensemble indivisible entre l'infraction de faux et d'usage de faux, formé uniquement sur l'opération du contrat verbal de vente. L'unicité de qualification pénale, ayant trait à la seule opération de la vente secrète, dont un des éléments constitutifs aurait été commis en France, permettrait de poursuivre l'ensemble des acteurs de la vente clandestine au sein d'une procédure unique.

299. Transition. A la suite de la vente du faux document d'identité, le support d'identité falsifié se trouve dans les mains du trafiquant-acheteur qui sera susceptible d'utiliser cet objet.

366 LARGUIER (L), « Théorie des ensembles et qualification pénale », Mélanges offerts à Albert Chavanne droit pénal propriété intellectuelle, Litec, 1990, p. 106.

367 BEAUSSONIE (G.), « Infraction », préc., n° 178.

368 Ibid.

369 Ibid.

370 LARGUIER (L), « Théorie des ensembles et qualification pénale », préc., p. 106.

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C) Un lien d'usage du support falsifié par le trafiquant-acheteur à la suite de la réalisation de la vente secrète

300. A priori, aucun lien relationnel entre les trafiquants ne survit après la vente secrète du faux document d'identité (1), même si l'adhésion morale permet de faire persister un lien d'usage connexe entre les trafiquants (2).

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore