II. Une distinction sur l'applicabilité d'un dol
spécial de l'infraction d'usage de faux documents d'identité en
fonction du statut des trafiquants
232. Silence du législateur comblé par
la jurisprudence. Le dol spécial comporte en plus du dol
général « la recherche d'un résultat
déterminé »306. Or, en matière d'usage de
faux, le législateur reste muet sur la nécessaire condition d'un
dol spécial. En se référant à la jurisprudence du
15 juin 1939, il est admis que le détenteur de la pièce doit
l'utiliser en vue d'un résultat final que le support est censé
produire. En ce sens, le trafiquant détenteur du faux document
d'identité recherche la volonté d'un résultat
déterminé.
233. Lorsque le détenteur du faux document
d'identité est un trafiquant-vendeur, le dol spécial lui sera
entièrement applicable (A). En revanche, le dol spécial ne
s'appliquera que partiellement pour le trafiquant-acheteur (B).
A) Un dol spécial entièrement applicable au
trafiquant-vendeur
234. Rappels des finalités de l'usage.
Le trafiquant-vendeur détenteur d'un faux document
d'identité doit avoir eu la volonté de l'utiliser, soit en vu de
le détenir en vertu de l'article 441-3 du CP, soit en vu de constater un
droit, une identité ou une qualité ou d'accorder une autorisation
en vertu des articles 441-2 alinéa 1er, 441-5 alinéa
1er et 441-6 alinéa 1er du CP.
305 Ibid., V. Cass. Crim., 23 nov. 1995, N°
94-84184, bull. n° 357.
306 BEZIZ-AYACHE (A.), Dictionnaire de droit pénal
général et de procédure pénale,
op.cit., p. 95.
235.
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Rattachement entier à l'infraction d'usage de
faux document d'identité. En ce qui concerne la volonté
du trafiquant-vendeur de détenir un ou plusieurs documents qu'il a
lui-même falsifiés sans en faire un autre usage, elle
n'empiète pas sur l'élément moral du
recel-détention parce que le produit préalable de l'usage de faux
ne provient pas d'une tierce personne. Ainsi, la caractérisation du dol
spécial en la matière est entièrement rattachée
à l'infraction d'usage de faux documents d'identité, puisque,
quel que soit l'acte d'usage, « l'infraction suppose que le
détenteur sache que le document a été falsifié
»307.
B) Un dol spécial partiellement applicable au
trafiquant-acheteur
236. Rappels des finalités de l'usage.
Le trafiquant-acheteur détenteur d'un faux document
d'identité doit avoir eu la volonté de l'utiliser, soit en vue de
le détenir selon l'article 441-3 du CP, soit en vue de constater un
droit, une identité ou une qualité ou d'accorder une autorisation
sur le fondement des articles 441-2 alinéa 1er, 441-5
alinéa 1er et 441-6 alinéa 1er du CP, soit
en vue de rechercher un travail dissimulé réprimé par les
articles L. 8221-1 à L. 8224-6 et R. 8221-1 à R. 8224-1 du code
du travail.
237. Connaissance de l'origine frauduleuse du support
falsifié empiétant sur les conditions de l'élément
moral du recel-détention. En ce qui concerne la volonté
du trafiquant-acheteur de détenir un ou plusieurs documents qu'il n'a
pas lui-même falsifiés sans en faire un autre usage, elle
empiète nécessairement sur l'élément moral du
recel-détention parce qu'il a eu connaissance de l'origine frauduleuse
du support provenant d'une tierce personne. En ce sens, le trafiquant-acheteur
aura la volonté de détenir le faux document de différentes
manières : la volonté de cacher le faux document
d'identité, la volonté de posséder matériellement
le faux document d'identité, la volonté de revendre le faux
document d'identité à titre onéreux, la volonté de
transmettre le faux document d'identité. C'est pourquoi le dol
spécial ne s'applique que partiellement à l'infraction d'usage de
faux document d'identité dans l'hypothèse d'une
détention.
307 SEGONDS (M.), « Faux », préc., n°
77.
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