4. L'utilisation du faux document d'identité vers un
résultat spécifique : le travail dissimulé
219. Contexte et textes d'incrimination. En
attendant d'être régularisé sur un territoire, un
trafiquant-acheteur a la possibilité d'utiliser ses documents
d'identité falsifiés pour rechercher un travail dissimulé.
Les sanctions pénales en la matière sont prévues aux
articles L. 8221-1 à L. 8224-6 et R. 8221-1 à R. 8224-1 du code
du travail. Les juges du fond se montrent ambivalents face à ce
phénomène criminel.
220. Sévérité des juges de
cassation à l'égard d'un travailleur illégal. Un
salarié ne peut pas obtenir des dommages et
intérêts pour licenciement abusif au motif que l'employeur savait
depuis un certain temps que le titre de séjour produit par lui
était falsifié, la situation irrégulière
étant suffisante pour justifier la rupture du contrat de
travail294.
221. Bienveillance des juges de la Cour d'appel pour
un salarié étranger. La Cour d'appel de Paris a
condamné un employeur a versé au salarié sans papiers une
indemnité pour licenciement intervenu sans cause réelle et
sérieuse car ce dernier connaissait la réalité de la
situation administrative du salarié. Or, la faute grave concernant la
production de la copie d'une fausse carte de résident par le
salarié, alors qu'il était placé en rétention
administrative, présente dans la lettre de licenciement, a
été écartée295.
294 Cass. Soc., 8 décembre 2009, N° 08- 42100.
295 CA Paris, 28 octobre 2010, Camara, (n° S. 09/01360).
75
Section III. L'élément moral de
l'infraction d'usage de faux document d'identité intégré
à une organisation criminelle internationale de trafiquants
222. Plan. En la matière, il existe
une distinction sur la caractérisation du dol général (I)
et du dol spécial de l'infraction d'usage de faux documents
d'identité en fonction du statut des trafiquants (II).
I. Une distinction opérée sur la
caractérisation du dol général de l'infraction d'usage de
faux documents d'identité en fonction du statut des trafiquants
223. Utilisation d'un principe de droit pénal
général. « À la différence de ce qui
a été vu pour l'élément moral du faux, l'article
441-alinéa 2du CP ne donne aucune indication sur la nature de
l'élément moral requis pour la constitution de l'usage de faux
»296. Or, sur le fondement de l'article 121-3 alinéa
1er du CP, l'infraction d'usage de faux est considérée
comme un délit intentionnel.
224. Plan. Les conditions du dol
général ayant trait à l'infraction d'usage de faux
documents d'identité se différencient en fonction du statut des
trafiquants : il se déduit pour le trafiquant-vendeur (A), alors que
pour le trafiquant-acheteur il doit être prouvé (B).
A) La déduction d'un dol général
à l'encontre du trafiquant-vendeur
225. Rappels doctrinaux. L'intention ou le
dol général se détermine « par la volonté
d'user de la pièce fausse tout en ayant conscience de sa fausseté
»297de la part du trafiquant-vendeur. A contrario,
selon l'article 163 ancien du CP, la personne qui aurait fait usage d'un
écrit faux, contrefait, fabriqué ou falsifié ne pourra
être poursuivi s'il n'a pas eu connaissance de la fausseté de la
chose298.
296 MALABAT (V.), « Faux », préc., n°
61.
297 Ibid.
298 Ibid.
226.
76
Preuve de la volonté d'utilisation du faux
matériel par la connaissance du caractère mensonger. En
pratique, la preuve de la volonté d'user de la fausse pièce
d'identité ne pose pas de difficulté car elle résulte
nécessairement de l'acte d'utilisation299. Il est ainsi plus
aisé de rapporter la preuve pour les enquêteurs que l'utilisateur
- trafiquant-vendeur - de la fausse pièce d'identité « avait
conscience de son caractère mensonger »300 car elle ne
résulte pas de l'acte d'utilisation.
227. Preuve de la volonté d'utilisation d'un
faux intellectuel résultant des autres circonstances de faits.
En matière de preuve de l'intention d'un faux intellectuel, les
juges du fond doivent avoir égard aux « autres circonstances de
fait pour établir cette conscience infractionnelle »301.
Or, cette fausseté intellectuelle du support est « établie
lorsque l'auteur de l'usage de faux est aussi l'auteur de la falsification
»302 en sachant que les juges du fond ne sont pas dans
l'obligation de relever l'élément intentionnel de l'usage de
faux, ce dernier se déduisant des circonstances de fait.
228. Présomption du dol général.
En conséquence, le dol général concernant le
trafiquant-vendeur, qui a falsifié et qui a utilisé la
pièce fausse, sera déduit des circonstances de faits, sans
qu'aucune intention ne soit démontrée par les juges. Le dol
général envers le trafiquant-vendeur sera donc
présumé.
B) La preuve nécessaire d'un dol général
envers le trafiquant-acheteur
229. Rappel doctrinal. Le dol
général se détermine aussi « par la volonté
d'user de la pièce fausse tout en ayant conscience de sa fausseté
»303de la part du trafiquant-acheteur.
230. Recherche nécessaire de la preuve de
l'intention coupable par les juges du fond. La recherche du dol
général concernant le trafiquant-acheteur est différente
de celle du trafiquant-vendeur. En effet, lorsque « l'auteur du faux et
celui de l'usage de faux sont des personnes différentes,
l'élément moral de l'usage de faux doit au contraire être
expressément relevé par les juges »304. Dans
cette hypothèse, la présence de l'intention
299 Ibid., n° 62.
300 Ibid.
301 Ibid.
302 Ibid.
303 Ibid., n° 61.
304 Ibid., n° 62.
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de l'usage d'un faux document d'identité «
relève du pouvoir d'appréciation des juges du fond
»305. Le dol général appliqué au
trafiquant-acheteur doit donc être caractérisé.
231. Transition. En utilisant la
méthode déjà utilisée pour les conditions du dol
général, le même raisonnement s'impose sur
l'applicabilité d'un dol spécial toujours en fonction du statut
des trafiquants.
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