3. L'utilisation du faux document d'identité en vue
de la constatation d'une qualité ou d'une autorisation
202. Utilisation d'un ou de plusieurs faux titres de
séjour préalablement falsifié(s). C'est
l'hypothèse où le trafiquant-vendeur va utiliser
différents faux titres de séjour, soit temporaires ou soit
permanents, en vu de constater une qualité d'étranger ou une
autorisation de rester sur un territoire. L'utilisation d'un faux titre de
séjour permet au trafiquant-vendeur de s'établir pendant un temps
limité sur le territoire d'un Etat.
203. Exemple répressif en la matière :
l'interdiction du territoire français. Toutefois, selon
l'article 441-11 du CP, l'interdiction du territoire peut être
prononcée soit à titre définitif, soit pour une
durée de dix ans au plus à l'encontre de tout étranger, en
l'occurrence à l'encontre du trafiquant-vendeur, coupable d'une
infraction de faux et/ou d'usage de faux documents d'identité.
204. Moment déterminant de la vente.
Cela permet d'incriminer le trafiquant-acheteur qui a fait usage d'un
faux document d'identité - objet de la vente - après la
réalisation de la vente secrète.
II. L'acte d'usage de faux par le trafiquant-acheteur
après la réalisation de la vente secrète du faux document
d'identité
205. Transmission. L'infraction de l'usage
de faux document d'identité peut non seulement être commise par le
vendeur mais aussi par l'acheteur du faux document. Il y a donc la transmission
du document falsifié dans les mains d'un autre individu qui ne pourra
être poursuivi que pour l'infraction d'usage de faux document
d'identité. Il existe une différence notable concernant
l'infraction de détention d'un faux document d'identité
appliquée au trafiquant-acheteur car ce dernier ne sera poursuivable que
sur le fondement du recel-détention régi par l'article 321-1
alinéa 2 du CP (A). Ce dernier pourra être amené aussi
à obtenir un résultat déterminé (B).
71
A) La détention du support d'identité
falsifié après la vente assimilable au recel-détention
206. Conditions du recel-détention.
L'article 441-3 du CP n'a pas vocation à s'appliquer à
l'encontre de celui qui n'a pas falsifié le document d'identité
et qui n'en a pas encore fait l'usage291. Or, le trafiquant-acheteur
n'a pas falsifié le document d'identité à l'origine, il ne
détient ce support d'identité falsifié qu'à la
suite d'une vente secrète. Dans cette hypothèse, l'incrimination
de détention de faux document d'identité ne fait pas double
emploi avec le recel-détention régi à l'article 321-1
alinéa 1er du CP. Le recel est alors applicable parce que
l'auteur de l'infraction préalable est le trafiquant-vendeur,
considéré comme une tierce personne réalisant une
infraction préalable de falsification du faux document
d'identité. Le recel-détention contient quatre comportements
différents alternatifs.
207. Dissimulation du faux document
d'identité. Le trafiquant-acheteur receleur sera poursuivi en
cas de dissimulation du faux document d'identité, c'est-à-dire en
soustrayant à la vue la chose recelée, en sachant que cette
simple dissimulation du faux support d'identité suffit à
caractériser le recel.
208. Détention matérielle du faux
document d'identité. Le trafiquant-acheteur receleur sera
blâmable en cas de détention matérielle du faux document
d'identité, car il a un pouvoir de fait sur la chose, en sachant que
cette possession matérielle peut être le fait du receleur ou le
fait d'un tiers si cette personne agit pour le compte du receleur en tant que
mandataire.
209. Transmission du faux document d'identité.
Le trafiquant-acheteur receleur pourrait être poursuivi en cas
de transmission du faux document d'identité en le transférant
vers un autre individu, la transmission peut avoir lieu à titre
onéreux par le mécanisme de la vente, ou à titre gratuit,
par le mécanisme de la donation. Dans cette hypothèse, le
trafiquant-acheteur changera de statut et deviendra un trafiquant-vendeur en
cas de vente à titre onéreux du faux document
d'identité.
291 MALABAT (V.), « Faux », préc., n°
93.
210.
72
Rôle d'intermédiaire. Le
comportement du trafiquant-acheteur receleur sera incriminé en cas
d'intermédiation dans la transmission de la chose, en cas de vente
commerciale secrète par étape du faux document
d'identité.
211. Deux chefs de poursuites : délit d'usage
de faux document d'identité et délit de recel-détention.
Selon les juges de cassation, « les éléments
constitutifs du délit d'usage de documents obtenus à l'aide d'un
délit et de celui du recel de tels documents étant
différents, les deux infractions peuvent être retenues à la
charge de la même personne »292. En l'occurrence,
l'infraction d'usage de faux document d'identité et de
recel-détention sont deux infractions distinctes incompatibles dont le
principe non bis in idem n'est pas applicable, c'est pourquoi le
trafiquant-vendeur pourra être poursuivi sur le fondement des deux
infractions. En plus de la détention du faux document d'identité,
le trafiquant-acheteur pourra réaliser aussi un acte d'usage en vu
d'obtenir un résultat déterminé.
B) L'utilisation du support d'identité
falsifié par le trafiquant-acheteur en vue d'obtenir un résultat
déterminé
212. Rappels jurisprudentiels. Il convient
de reprendre la définition de l'acte d'usage de faux
dégagé par la jurisprudence le 15 juin 1939. Les actes d'usage du
faux document d'identité sont définis aux articles 441-2
alinéa 1er, 441-5 alinéa 1er et 441-6 alinéa 1
du CP.
213. L'acte d'usage d'un faux document d'identité doit
être utilisé par le trafiquant-acheteur après la vente
secrète illicite « aux fins de constater un droit (1), une
identité (2) ou une qualité ou d'accorder une autorisation (3)
», selon la formule inscrite dans les articles précités. Il
convient ainsi de vérifier chaque acte d'usage relevant d'un document
d'identité, en sachant que chacun d'eux a un caractère
alternatif. Ce sont les mêmes conditions que pour le trafiquant-vendeur.
En revanche, en plus des résultats régis par le CP, il existe un
résultat spécifique recherché par le trafiquant-acheteur
sanctionné par le code du travail : le travail dissimulé (4).
292 Cass. Crim., 26 avril 1983, bull. n° 117;
RSC 1984. 67, Obs. Vitu.
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