I. L'acte d'usage de faux par le trafiquant-vendeur avant
la réalisation de la vente secrète du faux document
d'identité
187. Répression d'une simple détention.
L'acte d'usage de faux sous-entend un acte positif de la part de
l'infracteur. A contrario, l'abstention ne peut pas
caractériser l'usage de faux. En effet, les juges de cassation, le 4
novembre 2010, ont affirmé que l'acte d'usage de faux est
conditionné par un acte positif278. Concernant le trafic
international de faux documents d'identité, cette jurisprudence est
à remettre en cause considérablement parce que le trafiquant peut
décider de détenir le document d'identité et/ou d'en faire
un acte d'usage de faux.
188. Ainsi, avant la réalisation de la vente
secrète, la détention du/des support(s) falsifié(s) ne
nécessite(nt) pas un acte positif d'usage par le trafiquant-vendeur (A),
en sachant que ce(s) support(s) falsifié(s) sont utilisés en vu
de l'obtention d'un résultat déterminé (B).
277 MALABAT (V.), « Faux », préc., n°
55.
278 Cass. Crim., 4 novembre 2010, N° 09-88187.
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A) La détention du/des support(s) falsifié(s)
ne nécessitant pas un acte positif d'usage par le trafiquant-vendeur
189. Jurisprudence actuelle isolée sur la
nécessité du caractère positif de l'acte d'usage.
Certes « l'usage de faux consiste dans l'utilisation ou la
production d'un document falsifié, soit à titre probatoire, soit
en vu de lui faire produire des effets de droit, ce qui constitue
l'élément matériel de l'infraction »279,
ce qui exclurait la simple détention du support d'identité
falsifié. Toutefois, la décision du 4 novembre 2010 reste
inédite puisque celle-ci n'a pas été publiée au
bulletin annuel de la Cour de cassation.
190. Extension de la répression à une
simple détention exclusivement applicable aux trafiquants. Le
législateur réprime la détention d'un ou de plusieurs faux
documents administratifs, dont les faux documents d'identité, sur le
fondement des articles 441-3 alinéa 1 et alinéa 2 du CP. Or, le
législateur a élargi la répression à une simple
détention de faux documents pour lutter plus efficacement contre les
trafiquants de faux documents280. En effet, « pareil
délit est destiné à réprimer des faits qui sont
souvent à l'origine de trafics de faux documents fréquemment
utilisés pour la commission d'autres infractions
»281.
191. Nécessité de la détention.
C'est en ce sens qu'il est nécessaire d'intégrer la
détention d'un ou de plusieurs supports d'identité par le
trafiquant-vendeur dans l'élément matériel de l'usage de
faux documents d'identité avant la réalisation de la vente, en
passant outre la question de la réalité d'un acte positif, qui
n'est pas expressément envisagé par le CP.
192. Définition de l'acte de détention
et absence d'un acte positif. L'acte de détention se
définit et se caractérise « par le fait de se trouver en
possession d'un document administratif falsifié. La détention
n'implique donc pas d'acte positif à la différence de l'acte
d'usage et sera assez facilement établie »282. En
réalité, l'infraction de l'article 441-3 du CP est «
destinée à sanctionner celui qui a falsifié le document
279 Ibid.
280 BONFILS (P.), GALLARDO (E.), Droit pénal des
affaires, op. cit., 216, p. 115.
281 SEGONDS (M.), « Faux »,
préc., n° 75.
282 MALABAT (V.), « Faux », préc., n°
94.
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administratif mais n'en a pas encore fait l'usage, le recel
étant inapplicable puisqu'il ne peut être retenu à
l'encontre de l'auteur d'infraction d'origine »283.
193. Application de l'acte de détention au
trafiquant-vendeur avant la vente secrète. Cette incrimination
a toute sa place pour sanctionner le trafiquant-vendeur qui aura
falsifié le support d'identité et qui détiendra ce support
avant la vente. Le recel-détention est à écarter en la
matière, d'autant plus que l'auto-recel n'est pas applicable dans
l'hypothèse où le même auteur aurait réalisé
un faux pour ensuite l'utiliser.
194. Double déclaration de culpabilité
si le trafiquant-vendeur accomplit successivement les infractions de faux et
d'usage de faux. Le trafiquant-vendeur poursuivi pourra faire l'objet
« d'une double déclaration de culpabilité puisque les
infractions de faux et de détention de faux documents administratifs
sont distinctes »284 en sachant que ces deux infractions ne peuvent pas se
cumuler. En effet, « parce que l'usage de faux implique donc un acte
supplémentaire et qui lui est spécifique par rapport au faux,
usage de faux et faux ne sont donc pas des qualifications incompatibles. Si une
même personne accomplit successivement ces deux infractions, elle pourra
en conséquence se voir infliger une double déclaration de
culpabilité. En revanche, les peines encourues ne se cumuleront pas en
application des dispositions de l'article 132-3 du CP »285.
B) L'utilisation du support d'identité
falsifié en vue de l'obtention d'un résultat
déterminé par le trafiquant-vendeur
195. Finalité de l'acte d'usage définie
par la jurisprudence. La jurisprudence a précisé le but
de l'acte d'usage de faux le 15 juin 1939 : « il suffit, pour constituer
l'usage de faux, que le détenteur de cette pièce l'ait
utilisée par un acte quelconque en vu du résultat final qu'elle
était destinée à produire »286. Ce
résultat final doit être de nature à causer un
préjudice287. « Si la falsification est en
elle-même de nature à causer un préjudice, il est en effet
évident que l'usage de la pièce falsifiée l'est
également »288.
283 Ibid., n° 93.
284 Ibid.
285 Ibid., n° 68.
286 Cass. Crim., 15 juin 1939, bull. n° 130.
287 Cass. Crim.,16 nov. 1967, bull. n° 295.
288 MALABAT (V.), « Faux »,
préc., n° 55., Cass. crim. 9 mai 1984, bull. n°
161.
196.
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Application à l'usage d'un faux document
d'identité. En greffant ces décisions de justice
à l'usage d'un faux document administratif, et plus
particulièrement à l'usage d'un faux document d'identité
réalisé par un trafiquant-vendeur avant la vente secrète,
les résultats finaux de l'usage de ces supports se trouvent inscrits aux
articles 441-2 alinéa 1er, 441-5 alinéa 1er
et 441-6 alinéa 1er du CP.
197. L'acte d'usage de faux documents d'identité doit
être utilisé par le trafiquant-vendeur avant la vente
secrète « aux fins de constater un droit (1), une identité
(2) ou une qualité ou d'accorder une autorisation (3) », selon la
formule inscrite dans les articles précités. Au vu de la nature
du document falsifié, le préjudice causé par l'usage du
faux document d'identité sera présumé. Il convient de
vérifier chaque acte d'usage ayant trait au résultat de
l'utilisation d'un faux document d'identité, en sachant qu'ils ont un
caractère alternatif : la réunion des conditions de l'un des
résultats suffit à caractériser l'élément
matériel de l'infraction d'usage de faux.
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