L'examen des principales
décisions de justice en droit français intervenues avant comme
après la loi de 1966 donne l'impression qu'un mouvement de plus en plus
net se dessine en faveur de la validité des conventions de vote. En
effet, on ne tardera pas à atteindre le stade où la
validité sera présumée et où l'annulation supposera
que le demandeur prouve que la convention est contraire à
l'intérêt de la société ou frauduleuse.
La catégorie des
conventions de vote révèle une grande variété,
encore augmentée par une difficulté de qualification, car il
arrive que pour valider une convention de vote les tribunaux lui donnent une
autre quelification. Normalement l'engagement de vote peut trouver sa source
dans un accord de courtoisie, dont l'efficacité est garantie par
l'appartenance de son auteur à un milieu où l'on doir
respectée la parole donnée; dans un contrat individuel ou
collectif ou dans la constitution d'un groupement ad hoc, notamment une
société holding.
Les conventions peuvent
être conclues entre associés, notamment ceux qui s'unissent pour
exercer en commun le contrôle ou entre les associés et des tiers.
Par exemple, les opérations de restructuration et les cessions de
contrôle sont souvent accompagnées de conventions de vote, tendant
notamment à garantir à une personne un siège au conseil
d'administration. Les conventions les plus usuelles peuvent se rencontrer dans
tous les organes délibérants de la société, plus
spécialement le conseil d'administration et le direction.
Les accords peuvent viser un
vote déterminé ou s'appliquer à tous les votes qui
interviendront pendant une certaine durée. Ils peuvent organiser les
sens des suffrages, faisant en sorte que le promettant s'engage à voter
selon les indications qui lui seront données avant ou pendant
l'assemblée par le chef de file. Ils peuvent transférer le droit
de vote à un tiers, qui se décidera au nom et pour le compte des
actionnaires. Enfin, les conventions peuvent stipuler des obligations
précises, comme la nomination de telle catégorie de personne
à tel poste de direction ou des engagements plus diffus, comme celui de
maintenir la pérennité de la société(11).
11 CARBONE, la convenzioni di voto e la teoria generale del
contrario, NGCC, 1992
De la combinaison de ces divers éléments, il
apparaît que la convention la plus discutable, bien que sans doute plus
pratiquée, est celle qui vise le maintien au conseil d'administration
d'un actionnaire qui n'a plus la majorité. En effet, on ne voit pas quel
intérêt peut avoir la société à maintenir en
place un dirigeant dans de telles conditions, si ce n'est que pour rassurer
ceux qui sont en relation d'affaires avec elle, pour arriver dans la courte
période à mettre en place le nouveau ayant le plein appui de la
majorité sociale.
L'exécution d'une
convention valable et la non-exécution d'une convention nulle
n'entraîne pas de difficulté. En revanche, les conséquences
du vote émis en exécution d'une convention
irrégulière ne sont pas claires. Sous l'empire du
décret-loi de 1937 la délibération n'était pas
libre. Est-ce possible d'envisager le même régime dans
l'état actuel du droit, compte tenu du régime très
restrictif des nullités d'assemblées établies par les
articles 235-1 C. Com. Et 1844-10 du C. civ.? L'absence de la sanction la plus
dissuasive serait choquante et ne ferait pas intervenir l'intervenir
l'interdiction des conventions de vote dont l'efficacité serait
réduite. Il faut donc admettre , que le vote émis en
exécution d'une convention irrégulière constitue une
violation des dispositions légales impératives qui
régissent le droit de vote.
La nullité de la
délibération serait par conséquent, encourue dans les
mêmes conditions que si l'irrégularité de vote avait eu
une cause autre. Il faut notamment en déduire, que la nullité
peut être écartée si la majorité prévue par
la loi était acquise, défalcation faite des votes émis en
exécution de l'engagement illicite. De plus, étant une
nullité de protection, elle ne saurait être demandée par
l'actionnaire qui a émis le vote contesté.
Envisagée du point de
vue de l'engagement de vote lui-même, l'irrégularité
entraîne moins de difficultés. En effet, l'engagement,
étant par hypothèse extra-statutaire, il n'est soumis qu'au droit
commun des obligations, sans qu'il y ait lieu d'appliquer le régime plus
restrictif qui régit la nullité des actes des
sociétés. Par conséquent, la convention doit être
annulée puisqu'elle contrevient à des dispositions d'ordre
public. En principe, cette nullité rejaillit sur la totalité de
la convention de vote(art. 1172 C. Civ.). Toutefois, les tribunaux se
contentent parfois de réputer la convention de vote non écrite,
parce qu'elle a un caractère accessoire et peut se détacher du
reste du contrat dont elle fait partie.
L'inexécution d'une
convention valable a pour seule sanction l'attribution de dommages et
intérêts au cocontractant, par application de l'article 1142 du C.
Civ.. En effet, il s'agit de la violation d'une obligation de faire ou de ne
pas faire. L'évaluation du dommage subi par la victime de
l'inexécution est généralement difficile, surtout si la
convention avait un objet complexe, parce qu'elle tendait à
l'organisation d'une majorité stable ou préparait une mesure de
restructuration. Une action judiciaire en exécution forcée
n'est pas inconcevable, si le bénéficiaire de la convention
sait, avant le vote, que son consentement a l'intention de ne pas tenir ses
engagements.
Toutefois, cette action se
heurte à des objections, car elle risque de devoir être
précédée par un référé tendant au
report de la tenue de l'assemblée, de telle sorte que des querelles
entre associés viendraient perturber la vie sociale. A cela on peut
répondre que, puisque la convention de vote n'est valable que si elle
est conforme à l'intérêt social, la société
elle-même a intérêt à ce qu'elle soit
exécutée. Le report de l'assemblée serait dès lors
une mesure d'intérêt général. En revanche, le vote
émis en violation de la convention est valable à l'égard
de la société, c'est à dire qu'il ne peut pas vicier la
délibération. En effet, la convention extra-statutaire est
inopposable à la société.
Les conventions de vote sont
parfois assorties de mécanismes contractuels qui cherchent à en
assurer l'efficacité. Tant que les actionnaires au porteur
étaient matérialisées, il était facile de les
remettre au chef de file du syndicat de blocage, qui votait avec elles au nom
de tous les participants à l'accord. Ce procédé n'est plus
utilisable depuis que les actions au porteur sont inscrites en compte.
L'application des principes
présentés dans cette section concernant le droit italien a fait
l'objet d'importantes critiques, de la part de la doctrine récente,
surtout dans les effets que celle-ci peut avoir dans la distribution de
l'exercice du pouvoir. Le leit motiv commun à chaque auteur est la
démonstration que les syndicats de vote ne sont pas contraires aux
principes indérogeables du droit des sociétés. En effet,
pour ce qui concerne l'intangibilité du vote, l'évaluation
considère les deux aspects du principe énoncé.
In primis, à la suite de
l'entrée en vigueur du code de 1942, le dogme selon lequel le vote ne
pouvait ne pouvait pas être commercialisé et moins encore
séparé du lien qui le tient lié à l'action, tombe
définitivement. On admet finalement la séparation entre le droit
et le titre. Le même phénomène se reproduit pour ce qui
concerne l'idée selon laquelle le vote doit être exercé
dans l'intérêt social. Dans le système juridique actuel, le
vote est attribué dans l'intérêt individuel de
l'actionnaire, à condition qu'il ne soit pas exercé en
contradiction avec l'intérêt social.
Bien évidemment, plus
difficile paraît l'évaluation du deuxième aspect du
problème, qui concerne la manifestation libre et spontanée du
vote.
D'un point de vu purement théorique, il a
été mis en évidence le fait que la simple notion de
liberté de vote ne représente pas un concept juridiquement
définissable, mais plutôt une expression rhétorique. Elle
pourrait, en effet, se remplir de signification seulement à travers une
vision doctrinale particulière, portant sur la défense de la
conception démocratique de la société anonyme, ainsi que
des minorités d'actionnaires.
Selon une perspective un peu
différente, il a été relevé que le principe de la
formation spontanée de la volonté sociale dans le processus de
l'assemblée sociétaire est le résultat d'une
équivoque dérivant de la transposition hypostatique du concept de
délibéré collégial, du milieu du droit
public(constitutionnel et administratif) à celui du droit privé,
qui tend à utiliser de façon optimale les ressources
patrimoniales des individus, même s'ils sont en union entre eux.
En partant de cette
dernière considération et considérant la nature
patrimoniale du droit de vote(considéré comme attribut
afférent la propriété ou d'autres droits réels sur
les actions, selon l'art. 2352 du C. Civ.), il a été
considéré que, bien que la gestion sociale est exercée de
façon collective, sous fictio iuris de la personne morale, il n'existe
aucune raison valable pour dévier du princiê de droit
privé. En effet, selon ce dernier, chacun est libre d'user et de jouir
comme bon lui semble, dans les limites du respect des droits d'autrui et des
normes d'ordre public des droits patrimoniaux, dont il est titulaire.
D'un autre point de vue, la
distinction entre syndicats de vote à majorité et syndicats de
vote à l'unanimité, a été acceptée par toute
la jurisprudence, même celle plus rigoureuse par rapport aux syndicats de
vote. Cela veut dire, qu'en admettant que dans l'ordre juridique italien il
existe le principe de la liberté et la spontanéité du
vote, cette liberté et cette spontanéité devraient
nécessairement se qualifier dans le temps et dans l'espace(12).
12 GALGANO, tre pareri ed un provvendimento sui limiti
soggettivi di efficacia del sindicato di blocco, in contratto e impresa, 1990,
2, 558
Par conséquent, il faudrait définir un moment
durant lequel les deux faces nobles du droit de vote trouvent effectivement une
vraie raison d'être. C'est-à-dire où se termine-elles et
jusqu'à la votation en assemblée? Ou jusqu'au moment qui
précède le vote?. Or l'admission de la validité des
syndicats à l'unanimité suppose nécessairement la non
existence d'un principe indérogeable, selon lequel la
démonstration de l'atteinte à la liberté et à la
spontanéité du vote de l'actionnaire serait établie durant
la séance même du vote.
De deux choses l'une: soit
la volonté de l'associé peut, toujours librement et
spontanément se prédéterminer à l'extérieur
et avant l'assemblée, cela signifie qu'aussi les syndicats à
majorité sont valables. L'associé, au moment de la souscription
est parfaitement libre d'adhérer au non au pacte et d'assumer de
façon consciente l'engagement de soumission à la volonté
de la majorité des actions syndiqués. Soit la volonté de
l'associé doit librement et spontanément se déterminer
uniquement au moment du vote en assemblée. Dans ce cas, même les
syndicats à l'unanimité ne peuvent jouir d'aucune marge de
licéité, car dans les accords de ce genre, l'associé
s'engage aussi à voter selon ce qui a été
décidé de façon unanime par l'assemblée
para-sociale. C'est-à-dire dans un moment chronologiquement
antérieur, par rapport à l'assemblée sociale, en
promettant de ne pas modifier sa conviction, entre la première et la
deuxième déclaration.
Les deux énoncés
liberté/spontanéité du vote en assemblée et la
validité uniquement des syndicats à l'unanimité restent,
de ce point de vue, dans une situation de permanence contradiction. Par
conséquent, indépendamment de l'existence ou non de ce principe,
on est obligé de conclure que dans l'ordre juridique italien, le seuil
de garantie de la liberté et de la spontanéité du vote est
anticipé au moment de la souscription du syndicat de vote(13).
13 LIBONATI, sindicati di voto e gestione d'impresa, in Rev.
Dir. Comm., 1991, 1, p. 101
Pour ce qui concerne
l'impossibilité de déroger à la « méthode
d'assemblée », seules les règles formelles de la
procédure de l'assemblée sont impératives. En particulier,
celles qui requièrent que la volonté sociale de tous les
associés ou de la majorité. Elle ne réfère jamais
au contenu du vote ou aux modalités de son expression.
Par conséquent, pour ce
qui concerne l'idée selon laquelle les pouvoirs de l'assemblée
seraient vidés de toute possibilité effective d'action, il faut
dire que: même dans les cas où le syndicat regroupe la
majorité absolue des actions de la société, il ne se
substitue jamais à l'assemblée, car formellement c'est toujours
et seulement celle-ci qui peut se prononcer sur les questions à l'ordre
du jour, formant ainsi la volonté sociale(14).
Il est nécessaire de
différencier entre formation et manifestation de la volonté
sociale. Ce qui est requis par l'ordre juridique est uniquement que le vote
soit exprimé durant l'assemblée et non pas que la volonté
se soit nécessairement formée dans le même moment. Faisant
référence à la « discussion en
assemblée », comme principe de l'ordre juridique
sociétaire, ainsi considéré, il se pose en contraste avec
la réalité des assemblées qui démontre l'importance
minime des débats d'assemblée. En effet, les normes du code qui
donnent la possibilité à l'actionnaire de former son opinion
avant l'assemblée, lui permettant d'avoir un ordre du jour, la vision du
bilan et la relation des syndics, portent inévitablement à douter
de la validité d'un tel principe.
En effet, la discussion qui
devrait normalement précéder le délibéré est
une matière laissée à la libre disponibilité des
associés. Si bien, qu'un délibéré adopté
sans discussion préliminaire est valable, de même pour le vote
exprimé par le biais d'un représentant muni d'instructions
précises(formulées par l'actionnaire avant et à
l'extérieur de l'assemblée, n'ayant pas la possibilité
d'évaluer les opinions et les intérêts qui pourraient
émerger durant le débat en assemblée)(15).
14 GORE, HOPPENOT, La filiale commune et le droit
français des sociétés, in la filiale commune, p. 6, Paris
1975
15 SAINTOURENS, La flexibilité du droit des
sociétés, in Rev. dr. Com. 1987, 457
La loi se préoccupe uniquement de garantir à
l'associé l'information concernant les faits qui intéressent la
société, permettant en assemblée l'éclaircissement
d'éventuels doutes et une formalisation du délibéré
qui convienne aux décisions prises. En outre, si l'associé ne
désir pas se prévaloir de ces facultés, mais au contraire
préformer sa volonté, ce comportement ne peut pas être
considéré contraire à la loi. Par ailleurs, dans l'ordre
juridique italien 2347 C. Civ. Prévoit implicitement la
possibilité que la volonté des associés-communautaire se
forme en dehors de l'assemblée, ceux-ci devant fournir les
indications(forcément concordées) au représentant
commun.
Pour conclure, on ne
comprendrait pas pourquoi et à la faveur de qui, le législateur
devrait protéger le jus poenitendi du
para-associé qui, même quand il change d'avis durant
l'assemblée par rapport à la volonté sociale, le fait
uniquement dans son intérêt personnel et sûrement pas parce
qu'il aurait été convaincu durant le débat
d'assemblée de la faiblesse des arguments présentées par
les autres associés, argumentations sur lesquelles il a eu le temps de
réfléchir bien avant l'assemblée.
Pour ce qui concerne les
« majorités fictives », il est clair que les
syndicats font parties d'une phase qui précède le vote social.
Ils font parties de diverses motivations qui peuvent porter l'associé
à déterminer sa volonté dans un sens que dans un autre.
Étant donné que l'ordre juridique italien ne prévoit
aucune norme qui empêche les actionnaires de s'associer, sous une forme
quelconque, afin d'exercer leur vote en assemblée et le principe
majoritaire reste invarié.
Si l'on considère que
les mêmes résultats peuvent être obtenus à travers la
cession des actions syndiquées à un holding ou en communion entre
les para-associés, le phénomène n'est pas très
différent de ce qui se vérifie quotidiennement dans de nombreuses
sociétés de grandes dimensions. En effet, durant leurs
assemblées prévalent des majorités bien inférieures
au 50 % + 1 des actions, qui sont fictives d'un certain point de vue. Sans
considérer les effets dur l'ordre sociétaire de l'adoption,
encore limitée uniquement aux sociétés qui privatisent, du
« vote de liste » qui, permettant la nomination de certains
administrateurs pour les minorités, représente une
éclatante atteinte au principe de majorité.
S'agissant du « conflit
d'intérêts », au regard du code de 1942, la doctrine est
d'accord pour repousser l'idée que le syndicat de vote soit, par nature,
en contraste avec l'intérêt social. Quelle que soit l'extension
du concept de conflits d'intérêt, on admet de façon unanime
l'impossibilité de déterminer a priori un tel conflit, qui doit
être par contre certifié concrètement, faisant
référence au seul délibéré
d'assemblée. En outre, l'art. 2373 c. civ. Requiert une
démonstration ultérieure de la nuisance à la
société, à cause d'un délibéré pris
avec le vote déterminant de celui qui est porteur d'un
intérêt en conflit avec l'intérêt social.
Par conséquent, la
contrariété à l'intérêt social ne peut de
toute façon servir comme ligne de démarcation abstraite et
générique, entre les syndicats considérés comme
« bons » et ceux évalués comme
« mauvais », sauf dans le cas où le syndicat aurait
comme unique but le blocus de l'activité sociale. La volonté
para-sociale peut être le produit d'intérêts divergents
d'un ou de plusieurs para-associés, par rapport à
l'intérêt social. A savoir que la nullité touchera de toute
façon uniquement la délibération de l'assemblée et
n'aura aucune conséquence négative sur la validité du
syndicat de vote.
Prenant en
considération le dernier élément touchant
« l'indétermination et l'indéterminabilité des
obligations objet » du pacte, on l'impression que cette idée
se base essentiellement sur un préjugé jurisprudentiel, qui juge
invalides ces pactes, car ils videraient de ses pouvoirs l'assemblée.
Quand la Cour d'Appel de Rome relève l'indétermination du pacte
Cir/Formenton, elle ne considère pas forcément nul cet accord
selon les termes de l'art. 1346 C. Civ. Elle se limite uniquement à
souligner que le pacte est nul, car il vide complètement la
« fonction de la méthode d'assemblée »,
étant ainsi contraire à l'ordre public. De toute façon,
l'objet du syndicat apparaît déterminable, car le syndicat est un
contrat qui établit une procédure à travers laquelle son
contenu sera intégré au fur et à mesure. Dans la
réalité, les pactes sont presque tous limités à
certaines matières et pour un temps bien défini(16).
16 SAINT-GIRONS, in Rev. Trim. dr. Com., 1991, 349