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Les pactes d'actionnaires et la répartition des pouvoirs dans les sociétés en droit français et en droit italien.

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par Serge DIENA DIAKIESE
Université d'Orléans - Master recherche 2010
  

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PARTIE 1 : LES PACTES D'ACTIONNAIRES ET L'EXERCICE DU POUVOIR

C'est principalement au cours de la vie sociale que les accords extra-statutaires, conclu généralement entre associés, tentent d'exercer une influence sur le déroulement de la vie sociale. C'est à ce moment là que le conflit est le plus aigu entre le principe de prééminence des statuts, par hypothèse conforme à la loi et celui de la liberté contractuelle. Ces accords, ce sont multipliés à une période récente, sous l'influence de l'intensification des relations commerciales internationales(3). Beaucoup d'étrangers comprennent et supportent mal le caractère rigide du droit français et du droit italien des sociétés. Ils cherchent à assouplir ces contraintes par des conventions dont on retiendra une des principales: les conventions de vote.

La question de la validité ou de la nullité des conventions comportant des engagements de vote est l'une des plus irritantes du droit français. D'une part, notamment dans les groupes de sociétés, les holdings ou les filiales communes, un associé s'engage souvent à voter pendant un certain temps, dans uns sens déterminé à l'avance.

Ces engagements permettent la stabilité nécessaire à la réalisation d'objectifs complexes et de longue durée. Une société ne saurait voir ses grandes orientations remises en cause lors de chaque assemblée annuelle, sous peine de souffrir de la même impuissance que les régimes politiques dominés par des assemblées parlementaires à majorité instable. En outre, on peut toujours renoncer à un droit acquis. En effet, le titulaire du droit de vote pourrait en disposer et y renoncer ou accepter d'en restreindre la liberté d'exercice.

D'autre part, le droit de vote doit être l'expression d'une volonté librement exprimée en conclusion des débats de l'assemblée des associés ou, s'il y a eu consultation écrite, des informations communiquées à l'occasion de celle-ci. A la limite, la consultation des associés ne servirait à rien, si chacun ne faisait qu'émettre un vote dans un sens déterminé à l'avance par une convention immuable(4).

3 Guyon, les sociétés, aménagement statutaires et conventions entre associés, in Traité des contrats

4 Référence donné par le Lamy, sociétés commerciales, n° 3041

De plus, on peut se demander, si le droit de vote n'est pas une prérogative personnelle en dehors du commerce, puisqu'en cas de démembrement d'une action, le certificat de vote n'est pas cessible, à la différence du certificat d'investissement(art. L. 228-29 c. com).

Par conséquent, le droit français adopte une position réservée à l'égard des conventions de vote. On ne saurait affirmer qu'elles sont toujours valables ou qu'elles sont toujours nulles, car cette certitude est regrettable, étant donné que ces conventions sont usuellement et souvent conformes à l'intérêt de la société. Cette hostilité de principe contraste avec les dispositions de nombreux droits étrangers qui admettent plus ou moins largement la validité des conventions de vote. Ici encore, le droit français souffre d'une excessive rigidité, génératrice de discriminations à rebours. Néanmoins, la loi du 3 janvier 1994 a apporté sur ce point un progrès car, sans valider expressément les conventions de vote dans les sociétés par actions simplifiées, elle rend celle-ci en partie inutiles, dans la mesure où les décisions collectives se prennent dans les conditions prévues par les statuts(art. L 227-9 c. com.).

L'histoire de la prohibition des conventions de vote est révélatrice, par ses sinuosités, de la difficulté, de la difficulté de la matière. Il faut attendre plus de cinquante ans après la promulgation de la loi du 24 juillet 1867, pour trouver les premières décisions annulant les conventions de vote. La prohibition demeurait d'ailleurs limitée, puisque les tribunaux admettaient que les actionnaires pouvaient valablement remettre leurs titres à un mandataire commun qui votait en leur lieu et place. C'étaient les syndicats de blocage, dont la constitution était aisée tant que les actions étaient représentées par des titres au porteur matérialisés. Toutefois, le mandataire commun ne devait pas recevoir à l'avance et une fois pour toute l'ordre de voter dans un sens déterminé.

Le syndicat de blocage était une délégation du droit de vote, pratique autorisée par la loi, qui ne devenait contestable que par son aspect collectif. Les membres du syndicat constituaient une sorte de sous-assemblée, non prévue par la loi.

Brutalement et sans que cette intervention ait été souhaitée, la loi du 13 novembre 1933 est intervenu pour déclarer « nulles et nul effet, dans leurs dispositions principales et accessoires, les clauses ayant pour objet de porter atteinte au libre exercice du droit de vote dans les sociétés commerciales ». Ce texte n'a été qu'un coup d'épée dans l'eau , car d'un certain côté, il édictait une prohibition trop générale, eu égard aux pratiques suivies dans beaucoup de sociétés. Par d'autres côtés, il était trop limité, puisqu'il ne s'appliquait ni aux sociétés civiles, ni aux votes en conseil d'administration.

La jurisprudence continua de se décider au coup par coup, tantôt annulant les conventions de vote, tantôt trouvant un prétexte pour les valider. L'avant projet de loi sur les sociétés préparé par la commission Pleven comportait un article 825 qui reproduisait le décret-loi de 1937, mais cet article disparu du projet définitif, de telle sorte que le texte définitif ne comporte aucune disposition précise en ce domaine.

Historiquement dans le droit italien, la question de la validité des syndicats remonte au début du Xxème siècle. Reconnus et réglementés par le projet élaboré en 1925 par la « commission réal » instituée pour la réforme du code de commerce en 1865, les syndicats de vote ont depuis toujours donné matière à d'importantes discussions en doctrine et jurisprudence. Le législateur en 1942 a décidé de ne pas réguler expressis verbis les syndicats d'actionnaires, préférant remettre à la libre évaluation du juge toute considération concernant leur validité. Par la suite, toutes les tentatives pour essayer de leur donner un cadre de légitimité ont échoué, y compris le projet DE GREGORIO.

La position prise par la jurisprudence italienne sur la licéité de ces pactes a été globalement négative. Mis à part de très rares ouvertures, aucune argumentation n'a été capable d'ôter aux juges l'idée selon laquelle certains syndicats de vote étaient contraires à l'intérêt de la société ou pouvaient en vider de signification les organes, méritant ainsi la suprême sanction de la nullité.

Une telle position aurait dû marquer la fin de tout accord concernant le vote ou suggérer une souscription discrète de ces pactes. Mais il n'en fut rien, car au contraire la fracture entre la pratique et la jurisprudence augmenta à tel point que cette dissension est de nos jours l'aspect le plus intéressant de ce type de contrats.

De plus, quand on considère les publications officielles des accords para-sociaux d'instituts et d'entreprises publiques, on comprend que le phénomène concerne non seulement des attitudes « loges secrètes » de groupes d'actionnaires de sociétés de petite taille, mais aussi la gestion de sociétés parmis les plus importantes du pays.

Il suffit de penser à la décision de l'IRI, quand cette société a decidé de privatiser les activités de la SME concernant la distribution commerciale (société générale supermarchés) et la restauration (auto grill). L'IRI prévoyait, comme condition à la cession des sociétés, la création d'un noyau stable d'actionnaires de référence et l'établissement entre eux d'un accord de syndicat. C'est à dire d'un accord qui, étant établi pour la création d'un centre décisionnel endosocial fort, pourrait faire partie des hypothèses qui, « considérant le nombre d'adhérents au syndicat, l'indétermination et la généralité des obligations qui lient les adhérents et sa durée », sont considérés par la Cour de Cassation comme contraires aux principes du droit des sociétés. Cela dit, la simple diffusion des pactes para-sociaux, même avec un jugement contraire exprimé par la jurisprudence, ne peut à elle seule justifier la vivacité du débat resurgit dernièrement concernant ce type de pactes. En effet, la reprise d'intérêt peut par contre, s'expliquer par rapport à deux éléments(5).

Avant tout, la réforme des marchés financiers, effectuée entre 1990 et 1992 et surtout celle intervenue par le Testo Unico 1998/58, ont modifié le panorama normatif. La croissante importance des groupes de société a suggéré, dans l'attente d'une discipline ad hoc, de considérer dans de nombreuses dispositions législatives les syndicats de vote comme instruments aptes à obtenir le contrôle ou à influencer la gestion du groupe social(par exemple: les lois sur l'édition, le système radiotélévisé, la protection de la concurrence, les sociétés d'intermédiation mobilière, les offres publiques d'achat, les privatisations) des entreprises de l'État(6).

5CARTE SAINT MARTIN, les sociétés dites « holdings », n° 310

6GUYON, op.loc. Cit. Note 3

Deuxièmement, la dernière décennie a marqué la fin du gentlemen's agreement qui unissait les para-associés dans l'engagement à accepter, sans contredire les décisions prises par l'organe institué dans le pacte, pour résoudre

les conflits qui de temps à autre pouvaient se présenter concernant l'interprétation ou l'exécution du contrat para-social. Cela voulait dire, que le recours à l'autorité judiciaire ordinaire était exclu. Un exemple important a été celui de CIR-Famiglia Formenton, où une possible sanction « métajuridique », n'avait pas découragé le cocontractant para social de s'adresser à la Cour d'Appel de Rome, pour demander la nullité de l'accord souscrit consciemment et connaissant dès lors l'éventuelle nullité de l'acte.

Il est clair, que cette situation est, entre autre , le reflet d'une profonde transformation de la classe des chefs d'entreprise italiens. Les années 80 ont donné les bases pour la naissance et le développement de groupes industriels nouveaux, qui grâce à l'extrême facilité du recours au crédit et à la globalisation des marchés, ont pris conscience de leurs propres capacités d'opérer à un certain niveau, sans devoir respecter les règles fixées par l'establishment (groupe de pouvoir) traditionnel. En ce sens, l'éventuelle « disqualification éthico-social » établie par les autres adhérents à la communauté des affaires, s'est révélée inadaptée dans la prévention de l'évolution de la clause compromissoire non-écrite, selon laquelle tout conflit entre les membres devait trouver une solution à l'intérieur de la communauté des affaires.

Avant de procéder à l'examen de l'état de la jurisprudence et de la doctrine, concernant la licéité des syndicats de vote, une considération d'ordre méthodologique s'impose. La présence, à l'intérieur de la catégorie des syndicats de vote, d'une ample gamme de pactes, profondément différents les uns des autres, par rapport aux modalités de formation de la volonté para-sociale et aux instruments utilisés dans l'imposition des liens engagés, rendent nécessairement imparfaite une simple lecture abstraite, privée de rapports avec des cas concrets. Cette réalité semble finalement avoir été prise en considération par les juges qui, abandonnant définitivement l'intransigeante fermeture par rapport à la validité de tout syndicat de vote, retiennent que « la question de la nullité des pactes para-sociaux, concernant l'exercice du vote, doit être résolue selon l'examen de chaque situation ».

Afin d'approfondir les différentes questions posées par cette introduction, cette première partie se composera d'un premier chapitre qui envisagera « les pactes d'actionnaires et l'attribution du pouvoir » et d'un deuxième chapitre analysant « le contrôle du pouvoir par le pacte ».

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo