Normalement, si dans les
sociétés de personnes
l'intuitupersonnae est un principe
général de ce genre de société, la règle
veut que la quote-part de l'associé ne puisse être transmise
à ses héritiers(auxquels est dû uniquement un droit de
crédit à la liquidation de sa quote-part), dans les
sociétés de capitaux la règle contraire s'applique. A ces
règles générales peuvent être appliquées des
dérogations qui peuvent inverser les principes énoncés.
Dans les sociétés de personnes les héritiers peuvent se
substituer au de cujus, en application d'une
clause « di continuazione »(pour continuer),
éventuellement contenue dans des pactes para-sociaux ou en s'accordant
avec les autres associés, selon les termes prévus par l'art. 2284
C. Civ. .
Dans les sociétés
de capitaux il faut faire un distinguo:
Pour ce qui concerne les SARL,
étant donné que l'art. 2479 C. Civ., dispose
que: « le quote sono transferibili ... per successione a causa
morte, salvo contrario disposizione dell'atto costituvo »(les
quotes-parts peuvent être transferées ... par succession à
cause de la mort de l'associé, à moins que l'acte constitutif ne
dispose autrement), toute dérogation est admise. Par conséquent,
sont aussi valides les clauses qui, en cas de mort de l'associé,
prévoient une non-transmissiblité absolue des quotes-parts et
limitent ce qui est dû aux héritiers à un crédit
pour la liquidation de celles-ci(de même que ce qui est prévu e
général pour les sociétés de personnes).
Pour les SA, on ne
considère pas valables les clauses qui en cas de mort de
l'associé, prévoient une non-transmissibilité absolue de
ses actions, étant donné que l'article 2355 C. Civ établit
que « L'atto costituvo puo sottopore a particolari condizioni
l'alienazione delle azioni nominative »(l'acte constitutif peut
soumettre la vente des actions nominatives à des conditions
particulières). En effet, la loi permet uniquement de limiter et non pas
d'exclure complètement le libre transfert des actions, prévoyant
un droit de préemption en faveur des associés vivants(30).
30 MERLE, sociétés commerciales, précis
Dalloz, 8 ème éd. 2001
Avant d'examiner le problème central de la validité
de ces clauses, il est opportun d'en vérifier leur fonctionnement
pratique, selon les termes et les schémas employés pour leur
constitution dans les statuts:
- en cas de mort d'un
associé ( ou en cas de transfert mortis causa des actions) il est
prévu l'obligation pour les héritiers ou les légataires,
d'offrir en vente(ou en option ou en préemption) aux autres
associés les actions possédées par le défunt. En
contrepartie à cette obligation il est prévu un droit d'achat(ou
de
préemption) des associés, qui doit être
exercé dans un certain délai; certaines clauses plus
précises spécifient que: « Fino a quando non sia
stata fatta l'offerta e non risulti che questa non è stata accettata,
l'erede o il legatario ... non sarà iscritto nel libro dei soci, non
sarà legittimato all'esercizio del diritto di voto e degli altri diritti
amministrativi inerenti alle azioni e non potrà elienare le azioni, con
effeto verso la società, a soggetti diversi dagli altri possessori di
azioni »
(jusqu'au moment où l'offre n'a pas été
effectuée et qu'il ne résulte pas que celle-ci n'a pas
été acceptée, l'héritier ou le légataire...
ne sera pas inscrit dans le livre des associés, il ne pourra pas exercer
son droit de vote et les actes administratifs afférents les actions et
il ne pourra pas vendre les actions ayant des effets à l'égard de
la société à des sujets autres que les associés
possédant d'autres actions);
- Si les associés décident
d'acheter les actions en vente, il est prévu que le prix sera
fixé par un ou plusieurs arbitres experts. De temps à autre, il
est prévu que la détermination de l'arbitre interviendra
uniquement en cas de non-accord sur le prix.
Ces clauses permettent,
d'assurer aux associés un droit de rachat des actions de
l'associé mort, à certaines conditions. Il ne s'agit pas d'un
véritable « droit de préemption »,
surtout si on considère le principe selon lequel il y aurait un droit de
préférence « aux même
conditions ». Il ne s'agit même pas d'une limitation au libre
transfert des actions, car après le décès de l'actionnaire
ses titres se transfèrent « librement »
à ses héritiers, lesquels ont une obligation de vente à
l'égard associés. Il s'agit du même principe qui s'applique
quand un héritier succède dans la propriété d'un
immeuble par rapport auquel le de cujus avait déjà établi
avec un tiers un préliminaire unilatéral de vente ou une option
de vente. En effet, l'héritier succède dans la
propriété du bien hérité sans qu'il y ait une
limitation de circulation du bien, mais il obligé d'en effectuer la
vente au tiers.
La validité de ces
clauses a été mise en doute à plusieurs reprises et pour
les raisons suivantes:
1.- car elles iraient à
l'encontre de la prohibition des pactes de succession, dont à l'article
458 C. Civ. ;
2.- car pour les SA l'article
2355 C. civ. Permet de limiter la circulation des actions uniquement dans les
transferts intervivos et pas dans ceux
mortis causa;
3.- et parce que les clauses qui
ne reconnaissent pas un « juste prix » aux héritiers
pourraient porter atteinte à la quote-part des actionnaires
légitimes.
Pour ce qui concerne le premier
aspect, la doctrine, contraire à cette interprétation, avait
analysé le cas de deux frères, copropriétaires d'une
entreprise, lesquels s'étaient échangés une option,
à travers laquelle ils reconnaissaient réciproquement, qu'en cas
de mort de l'un ou de l'autre, le survivant avait le droit de racheter aux
héritiers, à un prix donné, la quote-part appartenant au
frère défunt. Après la mort d'un des frères, les
héritiers avaient demandé au juge de déclarer nulles ou
inefficaces ces promesses faites par le de cujus. La
doctrine considérait que l'accord était valable, car il ne
s'agissait pas d'un pacte de succession, mais de deux contrats ayant des effets
juridiques différents. En outre, cet accord n'a pas comme objet
principal la succession, c'est-à-dire le transfert de rapports
juridiques du défunt à l'associé resté vivant, mais
l'émission d'une promesse ou option de la part de chacun des
frères.
Une position identique a
été adoptée par les juges dans une note concernant la
validité d'un article inséré dans un testament, par le
biais duquel le de cujus rappelait aux héritiers l'existence d'un
contrat de préemption qui l'engageait à préférer
ses quatre associés en cas de vente de certaines actions. Les juges
avaient considéré valable cet engagement, car le decujus par ce
acte n'entendait pas agir sur sa propre succession, mais il voulait obliger
soit même, avec effet immédiat ex nunc, à
préférer ces autres associés.
La cour suprême a
confirmé cette décision, relevant que: « .... con
l'alto inter vivos il de cuius aveva inteso costituire un diritto di prelazione
in ordine a titoli azionari, e di conseguenza il codicillo testamentario non
rivestiva alcun valore istituvo, ma meramente riprodutivo di un'obbligazione
preesistente all'apertura della successione » par conséquent:
« ... l'esistenza di un patto successorio, ben lungi dall'aver
considerato le azioni come relictum successorio e, quindi, con effeti
istitutivi all'apertura della successione(tali da realizzare quel votum
captandae hereditatis contrastato dalla legge), aveva al contrario prodotto
effeti obbligatori immediati »(... avec l'acte inter vivos le decujus
avait voulu constituer un droit de préemption sur les actions, par
conséquent, le texte du testament n'avait aucune valeur de constitution,
mais uniquement de reproduction d'une obligation préexistence à
l'ouverture de la succession) par conséquent(...l'existence d'un pacte
de
succession, qui ne voulait aucunement considérer les
actions comme relictum successoral, ayant donc des
effets institutifs sur l'ouverture de la succession(pouvant réaliser ce
qui est défini comme votum captandae
hereditatis non voulu par la loi) avait au contraire produit des
effets obligatoires immédiats).
Les clauses
statutaires ou extra statutaires prévoyant que les associés
vivants ont le droit d'acheter à un certain prix les actions de
l'associé défunt, ne peuvent être considérés
ni comme des « pactes de successions », ni comme des
contrats « mortis causa ».
En effet, ils n'instituent aucun héritier ou légataire et ils ne
prévoient pas que cela pourra être effectué par un
testament successif. De plus, ils ne disposent pas d'un droit qui sera acquis
à travers la succession, pas encore ouverte; et deuxièmement, la
mort n'est pas la source autonome de l'attribution patrimoniale, mais une
condition suspensive du droit de préemption, qui reste un contrat
inter vivos et à titre onéreux(et non
pas mortis causa à titre gratuit).
Par ailleurs, pour les SARL
et les sociétés de personnes, la loi même établit la
validité d'accords qui permettent aux associés vivants d'acheter
les quotes-parts du défunt, en consolidant et augmentant
proportionnellement leurs participations respectives. (articles 2479 et 2284 C.
Civ.). Étant donné, que pour ces régimes
sociétaires ces clauses sont considérées valables et ne
vont pas à l'encontre de la prohibition de pactes de succession, la
même solution doit être donnée, si ces clauses concernent la
participation d'un défunt dans une SA.
Pour ce qui concerne le
deuxième aspect, la jurisprudence est désormais univoque pour
affirmer qu'une clause statutaire ou extra-statutaire, est un contrat
inter vivos et non mortis
causa. En effet, il est accepté qu'à la mort de
l'associé, une clause de
« consolidamento »(consolidation) puisse prévoir que
la part des actions appartenant au de cujus passent
directement sous le capital d'actions détenu par les autres
actionnaires, déterminant ainsi une augmentation de leurs parts
respectives, ayant bien entendu, l'obligation de correspondre aux
héritiers la valeur correspondante aux titres hérités.
Cela signifie, qu'il
existerait dans ce cas précis uniquement un lien directe entre le
de cujus et les associés; en laissant de
côté de manière définitive l'idée selon
laquelle, les associés devraient
éventuellement « relever » auprès des
héritiers la quote-part des actions de l'associé
décédé, en créant un lien entre trois parties
(défunt - héritiers - société) successif au
décès de l'associé. Dans le premier cas les
héritiers deviennent des parties extérieures au rapport entre
actionnaires, car le lien s'effectue uniquement entre défunt et
associés. Par conséquent, il sera acquis qu'il n' y aura lieu
d'aucune disposition sur le patrimoine du défunt, qui pourrait
être interprétée comme pacte de succession future, mais
tout simplement une distribution et une disposition différente de
celui-ci, disposition qui ne peut aucunement ingérer
sur l'axe héréditaire patrimonial.
Pour ce qui concerne le
troisième aspect, il est possible de considérer ces clauses de
préemption ou d'option comme non valables, si elles prévoient que
la liquidation aux héritiers sera effectuée à un prix
excessivement bas. La raison de la non-validité de la clause, ne se
réalise pas dans le fait que le prix est trop bas par rapport à
la vraie valeur de l'action, mais plutôt et surtout dans le fait que le
critère d'évaluation du prix étant trop modeste,
empêche la vente des actions, ce qui transforme économiquement la
clause en une préclusion à la vente. En effet, l'art. 2355 C. Civ
permet uniquement des « limitations » et pas des
« préclusions » à la circulation des
actions.
Il est possible de
prévoir des mécanismes régulant le transfert des titres
à partir du moment où certaines conditions viendraient à
se réaliser, comme par exemple le décès de l'actionnaire
détenteur des actions. Il paraît évident, que quand il
s'agit de transferts concernant des SA, il ne soit pas admis que les parties au
pacte établissent une limitation de circulation de l'action de
façon totale et exclusive, ce qui contreviendrait au principe
mêmes des sociétés par actions, surtout s'il s'agit de
sociétés cotées. Bien évidemment, tout
dépendra du type d'actions détenues par le
decujus et son rôle prédominant ou non
dans le cadre de la gestion de la vie sociétaire(31).
31 VIDAL, droit des sociétés, LGDJ, 3 ème
éd. 2001
En effet, il s'agit
d'envisager des pactes qui organisent le passage des titres selon certaines
modalités en instaurant d'ors et déjà un droit,
valablement constitué, qui ne pourra se concrétiser que si la
condition suspensive énoncée dans l'accord devait se
réaliser. Les pactes intervivos sont les
accords qui prévoient sont des accords qui prévoient les
modalités de transfert de la titularité du droit, au cas
où un événement précis viendrait à se
déclarer et ce, sans entacher le droit de propriété qui
appartient de façon légitime aux héritiers. Ceux-ci, par
ailleurs, ont toujours la possibilité, de revendiquer leur crédit
pour la liquidation de la quote-part(32).
Par conséquent, pour
les actionnaires vivants, il n'est pas possible de disposer d'un droit sur le
bien à partir du moment où l'actionnaire concerné est
décédé, mais uniquement d'en définir les
règles de transfert. Par ailleurs, si la volonté du
decujus s'était déjà
exprimée avant sa mort dans le sens de vouloir procéder à
la cession de ses titres, par un acte formel, les héritiers ne pourront
pas y faire objection. La possibilité d'envisager une
transferabilité absolue des titres dans le cadre des SARL répond
davantage à cet impératif qui consiste à maintenir intacte
l'élément de l'intuitus personae,
normalement essentiel dans ce genre de société(33).
Mais , il ne pourra jamais être nié aux
héritiers de revendiquer un juste prix pour la liquidation de leurs
« biens ».
32 MERCADAL J. , mémento pratique: sociétés
commerciales, éd. Francis lefebvre
33 REINHARD R. , pactes d'actionnaires et groupes de
sociétés, éd. Gualino, paris 1994