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Les pactes d'actionnaires et la répartition des pouvoirs dans les sociétés en droit français et en droit italien.

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par Serge DIENA DIAKIESE
Université d'Orléans - Master recherche 2010
  

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SECTION II -LES TRANSFERTS « MORTIS CAUSA » EN DROIT ITALIEN

Normalement, si dans les sociétés de personnes l'intuitupersonnae est un principe général de ce genre de société, la règle veut que la quote-part de l'associé ne puisse être transmise à ses héritiers(auxquels est dû uniquement un droit de crédit à la liquidation de sa quote-part), dans les sociétés de capitaux la règle contraire s'applique. A ces règles générales peuvent être appliquées des dérogations qui peuvent inverser les principes énoncés. Dans les sociétés de personnes les héritiers peuvent se substituer au de cujus, en application d'une clause « di continuazione »(pour continuer), éventuellement contenue dans des pactes para-sociaux ou en s'accordant avec les autres associés, selon les termes prévus par l'art. 2284 C. Civ. .

Dans les sociétés de capitaux il faut faire un distinguo:

Pour ce qui concerne les SARL, étant donné que l'art. 2479 C. Civ., dispose que: « le quote sono transferibili ... per successione a causa morte, salvo contrario disposizione dell'atto costituvo »(les quotes-parts peuvent être transferées ... par succession à cause de la mort de l'associé, à moins que l'acte constitutif ne dispose autrement), toute dérogation est admise. Par conséquent, sont aussi valides les clauses qui, en cas de mort de l'associé, prévoient une non-transmissiblité absolue des quotes-parts et limitent ce qui est dû aux héritiers à un crédit pour la liquidation de celles-ci(de même que ce qui est prévu e général pour les sociétés de personnes).

Pour les SA, on ne considère pas valables les clauses qui en cas de mort de l'associé, prévoient une non-transmissibilité absolue de ses actions, étant donné que l'article 2355 C. Civ établit que « L'atto costituvo puo sottopore a particolari condizioni l'alienazione delle azioni nominative »(l'acte constitutif peut soumettre la vente des actions nominatives à des conditions particulières). En effet, la loi permet uniquement de limiter et non pas d'exclure complètement le libre transfert des actions, prévoyant un droit de préemption en faveur des associés vivants(30).

30 MERLE, sociétés commerciales, précis Dalloz, 8 ème éd. 2001

Avant d'examiner le problème central de la validité de ces clauses, il est opportun d'en vérifier leur fonctionnement pratique, selon les termes et les schémas employés pour leur constitution dans les statuts:

- en cas de mort d'un associé ( ou en cas de transfert mortis causa des actions) il est prévu l'obligation pour les héritiers ou les légataires, d'offrir en vente(ou en option ou en préemption) aux autres associés les actions possédées par le défunt. En contrepartie à cette obligation il est prévu un droit d'achat(ou de

préemption) des associés, qui doit être exercé dans un certain délai; certaines clauses plus précises spécifient que: « Fino a quando non sia stata fatta l'offerta e non risulti che questa non è stata accettata, l'erede o il legatario ... non sarà iscritto nel libro dei soci, non sarà legittimato all'esercizio del diritto di voto e degli altri diritti amministrativi inerenti alle azioni e non potrà elienare le azioni, con effeto verso la società, a soggetti diversi dagli altri possessori di azioni »

(jusqu'au moment où l'offre n'a pas été effectuée et qu'il ne résulte pas que celle-ci n'a pas été acceptée, l'héritier ou le légataire... ne sera pas inscrit dans le livre des associés, il ne pourra pas exercer son droit de vote et les actes administratifs afférents les actions et il ne pourra pas vendre les actions ayant des effets à l'égard de la société à des sujets autres que les associés possédant d'autres actions);

- Si les associés décident d'acheter les actions en vente, il est prévu que le prix sera fixé par un ou plusieurs arbitres experts. De temps à autre, il est prévu que la détermination de l'arbitre interviendra uniquement en cas de non-accord sur le prix.

Ces clauses permettent, d'assurer aux associés un droit de rachat des actions de l'associé mort, à certaines conditions. Il ne s'agit pas d'un véritable « droit de préemption », surtout si on considère le principe selon lequel il y aurait un droit de préférence « aux même conditions ». Il ne s'agit même pas d'une limitation au libre transfert des actions, car après le décès de l'actionnaire ses titres se transfèrent « librement » à ses héritiers, lesquels ont une obligation de vente à l'égard associés. Il s'agit du même principe qui s'applique quand un héritier succède dans la propriété d'un immeuble par rapport auquel le de cujus avait déjà établi avec un tiers un préliminaire unilatéral de vente ou une option de vente. En effet, l'héritier succède dans la propriété du bien hérité sans qu'il y ait une limitation de circulation du bien, mais il obligé d'en effectuer la vente au tiers.

La validité de ces clauses a été mise en doute à plusieurs reprises et pour les raisons suivantes:

1.- car elles iraient à l'encontre de la prohibition des pactes de succession, dont à l'article 458 C. Civ. ;

2.- car pour les SA l'article 2355 C. civ. Permet de limiter la circulation des actions uniquement dans les transferts intervivos et pas dans ceux

mortis causa;

3.- et parce que les clauses qui ne reconnaissent pas un « juste prix » aux héritiers pourraient porter atteinte à la quote-part des actionnaires légitimes.

Pour ce qui concerne le premier aspect, la doctrine, contraire à cette interprétation, avait analysé le cas de deux frères, copropriétaires d'une entreprise, lesquels s'étaient échangés une option, à travers laquelle ils reconnaissaient réciproquement, qu'en cas de mort de l'un ou de l'autre, le survivant avait le droit de racheter aux héritiers, à un prix donné, la quote-part appartenant au frère défunt. Après la mort d'un des frères, les héritiers avaient demandé au juge de déclarer nulles ou inefficaces ces promesses faites par le de cujus. La doctrine considérait que l'accord était valable, car il ne s'agissait pas d'un pacte de succession, mais de deux contrats ayant des effets juridiques différents. En outre, cet accord n'a pas comme objet principal la succession, c'est-à-dire le transfert de rapports juridiques du défunt à l'associé resté vivant, mais l'émission d'une promesse ou option de la part de chacun des frères.

Une position identique a été adoptée par les juges dans une note concernant la validité d'un article inséré dans un testament, par le biais duquel le de cujus rappelait aux héritiers l'existence d'un contrat de préemption qui l'engageait à préférer ses quatre associés en cas de vente de certaines actions. Les juges avaient considéré valable cet engagement, car le decujus par ce acte n'entendait pas agir sur sa propre succession, mais il voulait obliger soit même, avec effet immédiat ex nunc, à préférer ces autres associés.

La cour suprême a confirmé cette décision, relevant que: « .... con l'alto inter vivos il de cuius aveva inteso costituire un diritto di prelazione in ordine a titoli azionari, e di conseguenza il codicillo testamentario non rivestiva alcun valore istituvo, ma meramente riprodutivo di un'obbligazione preesistente all'apertura della successione » par conséquent: «  ... l'esistenza di un patto successorio, ben lungi dall'aver considerato le azioni come relictum successorio e, quindi, con effeti istitutivi all'apertura della successione(tali da realizzare quel votum captandae hereditatis contrastato dalla legge), aveva al contrario prodotto effeti obbligatori immediati »(... avec l'acte inter vivos le decujus avait voulu constituer un droit de préemption sur les actions, par conséquent, le texte du testament n'avait aucune valeur de constitution, mais uniquement de reproduction d'une obligation préexistence à l'ouverture de la succession) par conséquent(...l'existence d'un pacte de

succession, qui ne voulait aucunement considérer les actions comme relictum successoral, ayant donc des effets institutifs sur l'ouverture de la succession(pouvant réaliser ce qui est défini comme votum captandae hereditatis non voulu par la loi) avait au contraire produit des effets obligatoires immédiats).

Les clauses statutaires ou extra statutaires prévoyant que les associés vivants ont le droit d'acheter à un certain prix les actions de l'associé défunt, ne peuvent être considérés ni comme des « pactes de successions », ni comme des contrats « mortis causa ». En effet, ils n'instituent aucun héritier ou légataire et ils ne prévoient pas que cela pourra être effectué par un testament successif. De plus, ils ne disposent pas d'un droit qui sera acquis à travers la succession, pas encore ouverte; et deuxièmement, la mort n'est pas la source autonome de l'attribution patrimoniale, mais une condition suspensive du droit de préemption, qui reste un contrat inter vivos et à titre onéreux(et non pas mortis causa à titre gratuit).

Par ailleurs, pour les SARL et les sociétés de personnes, la loi même établit la validité d'accords qui permettent aux associés vivants d'acheter les quotes-parts du défunt, en consolidant et augmentant proportionnellement leurs participations respectives. (articles 2479 et 2284 C. Civ.). Étant donné, que pour ces régimes sociétaires ces clauses sont considérées valables et ne vont pas à l'encontre de la prohibition de pactes de succession, la même solution doit être donnée, si ces clauses concernent la participation d'un défunt dans une SA.

Pour ce qui concerne le deuxième aspect, la jurisprudence est désormais univoque pour affirmer qu'une clause statutaire ou extra-statutaire, est un contrat inter vivos et non mortis causa. En effet, il est accepté qu'à la mort de l'associé, une clause de « consolidamento »(consolidation) puisse prévoir que la part des actions appartenant au de cujus passent directement sous le capital d'actions détenu par les autres actionnaires, déterminant ainsi une augmentation de leurs parts respectives, ayant bien entendu, l'obligation de correspondre aux héritiers la valeur correspondante aux titres hérités.

Cela signifie, qu'il existerait dans ce cas précis uniquement un lien directe entre le de cujus et les associés; en laissant de côté de manière définitive l'idée selon laquelle, les associés devraient éventuellement « relever » auprès des héritiers la quote-part des actions de l'associé décédé, en créant un lien entre trois parties (défunt - héritiers - société) successif au décès de l'associé. Dans le premier cas les héritiers deviennent des parties extérieures au rapport entre actionnaires, car le lien s'effectue uniquement entre défunt et associés. Par conséquent, il sera acquis qu'il n' y aura lieu d'aucune disposition sur le patrimoine du défunt, qui pourrait être interprétée comme pacte de succession future, mais tout simplement une distribution et une disposition différente de celui-ci, disposition qui ne peut aucunement ingérer

sur l'axe héréditaire patrimonial.

Pour ce qui concerne le troisième aspect, il est possible de considérer ces clauses de préemption ou d'option comme non valables, si elles prévoient que la liquidation aux héritiers sera effectuée à un prix excessivement bas. La raison de la non-validité de la clause, ne se réalise pas dans le fait que le prix est trop bas par rapport à la vraie valeur de l'action, mais plutôt et surtout dans le fait que le critère d'évaluation du prix étant trop modeste, empêche la vente des actions, ce qui transforme économiquement la clause en une préclusion à la vente. En effet, l'art. 2355 C. Civ permet uniquement des « limitations » et pas des « préclusions » à la circulation des actions.

Il est possible de prévoir des mécanismes régulant le transfert des titres à partir du moment où certaines conditions viendraient à se réaliser, comme par exemple le décès de l'actionnaire détenteur des actions. Il paraît évident, que quand il s'agit de transferts concernant des SA, il ne soit pas admis que les parties au pacte établissent une limitation de circulation de l'action de façon totale et exclusive, ce qui contreviendrait au principe mêmes des sociétés par actions, surtout s'il s'agit de sociétés cotées. Bien évidemment, tout dépendra du type d'actions détenues par le decujus et son rôle prédominant ou non dans le cadre de la gestion de la vie sociétaire(31).

31 VIDAL, droit des sociétés, LGDJ, 3 ème éd. 2001

En effet, il s'agit d'envisager des pactes qui organisent le passage des titres selon certaines modalités en instaurant d'ors et déjà un droit, valablement constitué, qui ne pourra se concrétiser que si la condition suspensive énoncée dans l'accord devait se réaliser. Les pactes intervivos sont les accords qui prévoient sont des accords qui prévoient les modalités de transfert de la titularité du droit, au cas où un événement précis viendrait à se déclarer et ce, sans entacher le droit de propriété qui appartient de façon légitime aux héritiers. Ceux-ci, par ailleurs, ont toujours la possibilité, de revendiquer leur crédit pour la liquidation de la quote-part(32).

Par conséquent, pour les actionnaires vivants, il n'est pas possible de disposer d'un droit sur le bien à partir du moment où l'actionnaire concerné est décédé, mais uniquement d'en définir les règles de transfert. Par ailleurs, si la volonté du decujus s'était déjà exprimée avant sa mort dans le sens de vouloir procéder à la cession de ses titres, par un acte formel, les héritiers ne pourront pas y faire objection. La possibilité d'envisager une transferabilité absolue des titres dans le cadre des SARL répond davantage à cet impératif qui consiste à maintenir intacte l'élément de l'intuitus personae, normalement essentiel dans ce genre de société(33).

Mais , il ne pourra jamais être nié aux héritiers de revendiquer un juste prix pour la liquidation de leurs « biens ».

32 MERCADAL J. , mémento pratique: sociétés commerciales, éd. Francis lefebvre

33 REINHARD R. , pactes d'actionnaires et groupes de sociétés, éd. Gualino, paris 1994

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe