Facteurs explicatifs de l'inadequation professionnellepar Espoir LUKAU MATEZO Institut supérieur de statistique de Kinshasa - Licence en statistique / production et analyse des données 2016 |
CHAPITRE 1 : GENERALITES SUR LES CONCEPTS DE BASECe chapitre se propose d'apporter des éclaircissements sur l'évolution et la définition du concept de sous-emploi utilisé tout au long de cette recherche. 1. EVOLUTION DU CONCEPT DE SOUS-EMPLOI
Si le chômage reste l'une des distorsions du marché du travail qui mobilise l'attention et est au coeur des politiques de l'emploi, la situation de sous-emploi est tout aussi préoccupante.La notion de sous-emploi a connu quelques raffinements au cours du temps. Au sens de la Convention sur la politique de l'emploi adoptée par la Conférence internationale du Travail de 1964, le BIT précise que le sous-emploi caractérise une situation où le salarié n'atteint pas le « plein emploi ». Aux termes de cette convention, le plein emploi garantie du travail pour toutes les personnes disponibles et en quête de travail; un travail aussi productif que possible; le libre choix de l'emploi par les travailleurs, ceux-ci ayant toutes possibilités d'acquérir les qualifications nécessaires pour occuper l'emploi qui leur convient le mieux et d'utiliser dans cet emploi, leurs compétences et autres qualifications. Ainsi, les situations qui ne satisfont pas aux objectifs, relèvent essentiellement du sous-emploi. Le sous-emploi se caractérise par une sous-utilisation de la capacité productive de la population employée. Cette perception du sous-emploi a été revue lors de la 13ème Conférence internationale des statisticiens du travail en 1982 avec l'adoption du cadre conceptuel de mesure de la main d'oeuvre. En établissant les règles de mesure pour la classification des personnes en fonction de leurs activités, il est possible de différencier les personnes actives occupées, les personnes au chômage et les personnes économiquement inactives. Par conséquent, la catégorie de la population sous-employée est celle des personnes qui travaillent ou ont un emploi au cours de la période de référence, mais qui sont désireuses et à même d'accroître la durée ou la productivité de leur emploi. En 1984 lors de la 16ème Conférence des statisticiens du travail, où les directives internationales actuelles sur la mesure du sous-emploi ont été adoptées, la définition du sous-emploi va encore connaitre quelques réaménagements. La Résolution concernant la mesure du sous-emploi et des situations d'emploi inadéquat énonce des directives visant deux types de sous-emploi : Le sous-emploi lié à la durée du travail, qui se caractérise par un nombre insuffisant d'heures de travail, et les situations d'emploi inadéquat, causées par d'autres restrictions du marché du travail limitant les capacités et le bien-être des travailleurs. Tel que définit, une personne peut connaître simultanément ces deux formes de sous-emploi9(*). Feldman quant à lui distingue plusieurs formes du sous-emploi à savoir :posséder un niveau d'éducation supérieur à celui requis pour un emploi, être engagé dans un emploi ne correspondant pas à sa formation, posséder des compétences qui ne sont pas utilisées dans son emploi, être involontairement employé à temps partiel, comme temporaire, de façon occasionnelle ou gagner un salaire relativement faible. L'analyse du sous-emploi a fait l'objet d'études de la part des spécialistes de l'économie du travail et des ressources humaines en particulier. Les premiers cités ce sont principalement attelés à analyser les différentes formes de sous-utilisation de la force de travail. Ainsi, trois formes de sous-utilisation de la force de travail sont retenues, il s'agit, du sous-emploi des actifs occupés, du chômage et des chômeurs découragés. Ces études utilisent les théories économiques du chômage pour expliquer le sous-emploi.Ces théories précisent le rôle des fluctuations de la demande comme principale source de la variation du sous-emploi et indiquent le lien qui existe entre le cycle des affaires, la perception et la réaction des individus face au sous-emploi10(*). Partant des définitions BIT du sous-emploi, ils examinent le sous-emploi dans ses trois formes : des points de vue temps de travail, compétences et revenu du travailleur. Certes Wilkins et Wooden assimilent le sous-emploi lié aux compétences à la théorie surqualification beaucoup mieux développées dans certains domaines d'étude comme la Psychologie Organisationnelle et Industrielle et la Psychologie Organisationnelle du Comportement. De même, les économistes du travail expliquent le sous-emploi lié au revenu par toutes les formes de distorsion du marché de travail qui pourraient conduire au faible revenu du travailleur.
En plus des définitions relevant du champ d'application de la statistique et élaborées par les statisticiens du travail, d'autres théories ont été élaborées par divers auteurs pour tenter d'expliquer les causes pouvant être à l'origine des déséquilibres sur le marché du travail. Pour les classiques, le chômage est volontaire11(*). En effet, au point de rencontre entre la courbe d'offre de travail et la courbe de demande de travail (offre d'emploi) se définit un équilibre du marché qui satisfait à la fois les salariés et les entreprises. D'après les classiques, cet équilibre correspond au plein emploi. Le facteur déterminant du marché du travail est le salaire qui est rigide. Les Keynésiens par contre, définissent un sous-emploi qualifié de sous-emploi keynésien qui renvoie à une situation d'équilibre correspondant à une insuffisance de la demande dite effective12(*). Le facteur déterminant le niveau de l'emploi est plutôt la demande anticipée. Le chômage est donc de nature involontaire et s'explique par un niveau insuffisant de demande effective. Lorsqu'il est lié aux problèmes touchant le marché du travail, le sous-emploi vise à quantifier les personnes qui sont contraintes, pour ne pas être au chômage, de travailler à horaires réduits ou d'occuper un poste de moindre qualification ou dans une unité économique moins productive. Généralement, ces personnes perçoivent de ce fait un revenu inférieur à celui qu'elles pourraient normalement obtenir. Les travailleurs à temps partiel peuvent se trouver dans cette situation s'ils sont désireux et capables d'effectuer un plus grand nombre d'heures de travail. Le sous-emploi peut également être lié aux problèmes de développement économique, auquel cas il tend à identifier des ressources «gaspillées», qui ne sont pas utilisées parce que les niveaux actuels de technologie et d'organisation sont déficients. Les travailleurs concernés par ce schéma évoluent en règle générale dans des structures traditionnelles ou dans le secteur informel, où un nombre important de personnes travaillent un petit nombre d'heures ou de manière peu productive parce que les établissements qui les emploient ont de faibles niveaux de capital et de technologie ou une organisation inadéquate. Un grand nombre de travailleurs dans cette situation ne gagnent pas un revenu suffisant pour subvenir comme il convient à leurs besoins et sont ainsi victimes du sous-emploi invisible. Cette approche du sous-emploi est généralement liée à la théorie dite du «surplus de main d'oeuvre », selon laquelle il est possible de supprimer des postes de travail sans nuire à la production, et cela en améliorant l'organisation et les méthodes de production. Le concept du sous-emploi lié au développement suppose qu'il faut que les choses évoluent sous l'impulsion du Gouvernement ou du secteur privé pour que la situation des travailleurs s'améliore (meilleure organisation de la production, formation complémentaire, augmentation du capital, amélioration de la technologie, campagnes visant à modifier les comportements actuels à l'égard du travail). Dans ce contexte, on suppose également que les travailleurs veulent toujours effectuer des horaires normaux ou accroître leur revenu et qu'ils sont toujours capables de s'adapter aux nouvelles technologies et aux nouvelles méthodes de travail.
On définit le plein-emploi comme une situation dans laquelle ceux qui veulent travailler aux salaires en vigueur peuvent trouver un emploi sans difficultés. Comme le souligne Abbe Lerner dans son ouvrage « Economie de l'emploi », tant qu'il est possible par un accroissement du total de la dépense monétaire d'augmenter le nombre d'emplois disponibles sans provoquer l'inflation, la difficulté de trouver un emploi n'est pas indue. Mais lorsque les emplois disponibles sont si nombreux qu'une augmentation du montant total de la dépense entraînerait l'inflation, la difficulté de trouver un emploi ne se trouve en aucune façon aplanie et on peut carrément dire qu'elle est indue13(*). En autres termes, le plein-emploi est le niveau d'emploi auquel commence l'inflation. Une politique de plein-emploi vise à fixer le taux des dépenses totales qui permet la réalisation de ce niveau d'emploi.
Il n'existe pas à ce jour de définition idéale ou définitive du chômage. Le chômage étant lui-même un concept à plusieurs facettes, on peut le définir sous plusieurs formes de manière à obtenir avec exactitude ce que l'on recherche. Un chômeur est entendu au sens du BIT est celui qui satisfaits aux trois conditions suivantes14(*): Ø sanstravail, c'est-à-dire n'était pas pourvue d'un emploi, salarié ou non salarié, au cours de la période de référence (une semaine) ; Ø disponible pour travailler dans un emploi, salarié ou non, durant la période de référence (deux semaines) ; Ø à la recherche d'un travail, c'est-à-dire avait pris des dispositions spécifiques au cours d'une période récente spécifiée (quatre dernières semaines ou douze derniers mois) pour chercher un emploi salarié ou non. Les théories économiques évoquent plusieurs types de chômage selon leurs causes. C'est ainsi qu'on a entre autres : Ø Le chômage frictionnel15(*): Il provient du fait que les personnes quittent leur emploi avant d'en avoir obtenu un autre, ou qu'elles entrent sur le marché du travail une première fois. Ø Le chômage structurel16(*) : Le chômage structurel est dû à des changements dans divers secteurs de l'économie. Les économistes soulignent que le chômage frictionnel et le chômage structurel sont inévitables à court terme. Ø Le chômage saisonnier17(*) : Ce chômage provient de périodes de ralentissement économique relié aux changements des saisons. Ø Le chômage cyclique18(*) : Une économie de marché connaît des périodes successives de sommets et de creux que l'on appelle cycles économiques. Pour ce type de chômage l'on assiste à une augmentation d'emploi en période de prospérité économique et une augmentation du chômage en période de ralentissement.
Le marché du travail est le lieu théorique de rencontre entre l'offre de travail et la demande de travail. L'offre du travail émane des travailleurs qui proposent leur force de travail, alors que la demande de travail provient des entreprises qui ont besoin de la force de travail pour produire. La rencontre entre l'offre et la demande aboutit à un prix, le salaire d'équilibre, et à une quantité échangée de travail19(*).
L'emploi peut être définit de deux manières : Ø Au sens microéconomique, il désigne le poste de travail et ses conditions d'exercices. Ø Au sens macroéconomique, il désigne l'ensemble de poste de travail ayant des caractéristiques semblables.
La demande du travail est en fonction du prix du travail : pour les auteurs néoclassiques, l'entreprise ne demande du travail que lorsque le salaire est inférieur à la productivité marginale. En autres termes, le niveau d'embauche s'arrête à partir du moment où le dernier embauché coûte plus qu'il ne rapporte. En outre, lorsque le prix du travail est trop élevé, les entreprises substituent du capital au travail. Les auteurs keynésiens considèrent que les entrepreneurs anticipent l'évolution de la demande qui s'adresse à eux et déduisent alors le niveau de la production à réaliser. Ce niveau de production indique alors d'emploi. Il se peut fort bien que le niveau de la demande effective (anticipation de la demande future) soit inférieur à la réalisation de la demande, ce qui débouche alors sur un équilibre de sous-emploi des facteurs de production.
Le secteur public comprend d'une part les administrations publiques de l'Etat et des collectives locales, et d'autre part les entreprises dont au moins 51% du capital social est détenu par une administration publique; ainsi que les associations qui en dépendent en grande partie pour leur financement. Le statut des entreprises publique est variable, certaines relèvent du droit commun et ont généralement le statut de société anonyme, d'autres relèvent du droit public (établissent public).
On désigne sous le terme secteur privé, le domaine d'activité constitué des entreprises, associations ou organisation qui ne dépendent pas de l'Etat, de son administration et/ou des collectivités territoriales et où les fonds publics ne sont pas ou investis. Il est constituent: Ø Des entreprises ou associations de droit privé ; Ø Des banques à capitaux privés ; Ø De l'économie sociale, dont les mutuelles, les coopératives et les associations ; Ø Des organisations non gouvernementales.
Clairement, la définition du sous-emploi préconisée par le BIT englobe toutes les personnes pourvues d'un emploi, salarié ou non, qu'elles soient au travail ou absentes du travail, qui travaillent involontairement moins que la durée normale du travail dans leur activité et qui étaient à la recherche d'un travail supplémentaire ou disponibles pour un tel travail durant la période de référence (OIT, 1998)20(*).
Il existe deux types de sous-emploi : le sous-emploi lié à la durée du travail appelé sous-emploi visible, qui se caractérise par un nombre insuffisant d'heures de travail et les situations d'emploi inadéquat appelé autrement sous-emploi invisible, causées par d'autres restrictions du marché du travail limitant les capacités et le bien-être des travailleurs. Tel que définit, une personne peut connaître simultanément ces deux formes de sous-emploi, appelé sous-emploi global. Graphique 1.1 :
On dit qu'une personne employée est victime du sous-emploi lié à la durée du travail lorsque sa durée de travail est insuffisante par rapport à une autre situation d'emploi possible que cette personne est disposée à occuper et disponible pour le faire21(*). Ø Critères d'éligibilité : Une personne pourvue d'un emploi est concernée par le sous-emploi lié à la durée du travail si celle-ci vérifie simultanément les trois conditions suivantes :
Parmi les méthodes de mesure du sous-emploi visible, le temps partiel subi est utilisé par bon nombre de pays, et se caractérise par la volonté du travailleur à temps partiel d'accroître son volume horaire de travail.
Quant à lui est essentiellement un concept analytique reflétant une mauvaise répartition des ressources en main-d'oeuvre ou un déséquilibre fondamental entre la main-d'oeuvre et les autres facteurs de production. Il serait observable à partir du faible revenu, la sous-utilisation des compétences du travailleur, sa faible productivité. Ø Différentes formes d'emploi invisible ou inadéquat : Les raisons qui fondent la définition des personnes en situation d'emploi inadéquat, sur la base de l'évaluation qu'elles font elles-mêmes de leur situation de travail par rapport à leur potentiel d'accroître la productivité et la qualité de leur travail, se classent dans deux catégories distinctes22(*) :
La situation de sous-emploi visible et celle liée à l'emploi inadéquat ne s'excluent pas mutuellement. Une personne peut être sous-employée tant du point de vue du temps de travail que de celui de l'utilisation de ses compétences, ou encore du point de vue du temps de travail et du revenu horaire. Un tel travailleur est inclut dans la catégorie de ceux qui combinent les deux types de sous-emploi (visible et invisible) et est aussi classé comme faisant partie des victimes du sous-emploi global. Le sous-emploi global synthétise toutes les formes de distorsion sur le marché du travail. En effet, le sous-emploi global en plus du sous-emploi lié au temps du travail et de la situation inadéquate de l'emploi, intègre aussi le chômage. La population des personnes en situation de sous-emploi global comprend celles des personnes qui sont en :
On distingue le sous-emploi global BIT qui ne prend en compte que les chômeurs au sens du BIT et le sous-emploi global élargi qui intègre les chômeurs découragés.
Ici, nous présenterons toutes les définitions (du point de vue de la mesure) des indicateurs bureau international de travail du marché de travail, telles que formulées dans le Rapport de la 16me CIST en 199823(*). Pour la population en âge de travailler, le BIT propose celle dont les âges sont supérieurs à 15 pendant la période de référence, tout en donnant une marge de liberté aux différents pays afin de pouvoir l'adapter à leur propre contexte juridique ou socio-économique. Dans le cadre conceptuel de notre étude, nous la prendrons à partir de 15 ans pour la simple raison que peu d'enfants travaillent à cet âge. La population active va représenter non seulement les actifs occupés, mais aussi les chômeurs au sens du BIT.
Le taux d'activité au sens du BIT est le rapport de la population active sur la population en âge de travailler. Le taux de chômage BIT est le rapport du nombre de chômeurs BIT sur la population active.
Le taux de sous-emploi invisible est le rapport du nombre d'actifs occupés dont le revenu mensuel est inférieur au salaire minimum, sur la population active occupée.
Le taux de sous-emploi visible est le rapport du nombre d'actifs occupés travaillant involontairement moins de 35 heures par semaine (on admet qu'ils doivent travailler 7 heures par jour ouvrable) sur la population active occupée.
Le taux de sous-emploi global désigne le rapport du nombre de chômeurs BIT, et d'actifs occupés en situation de sous-emploi (visible comme invisible) sur la population active. * 9Rapport de la Seizième Conférence Internationale des Statisticiens du travail Genève, 6-15 octobre 1998, BIT 1998 * 10NJIKE G. B., LONTCHI R. M. et FOTZEU V., (2005), « Caractéristiques et déterminants de l'emploi des jeunes au Cameroun », Cahier de la Stratégie de l'Emploi. Dýsponible sur http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/@ed_emp/@emp_elm/documents/publication/wcms_114150.pdf (consulté le 4 Juillet 2016) * 11PERSPECTIVES, du nouveau pour les statistiques du travail, par Patrick Bollé en 1999 * 12 François kabuya K., Macroéconomie, cours destine aux étudiants de L1, 2013-2014, UNIKIN, p37 * 13A. LERNER., Economie de l'emploi, édit. Sirey 1972, p.25. * 14La mesure du sous-emploi. Seizième Conférence internationale des statisticiens du travail. Genève, 6-15 octobre 1998 * 15Encyclopédie Encarta, 2009 * 16 Encyclopédie Encarta, 2009 * 17 Encyclopédie Encarta, 2009 * 18 Encyclopédie Encarta, 2009 * 19Françoiskabuya K., cours de macroéconomie L1 2013-2014, UNIKIN, p26 * 20Traoré, F. (2005) «Chômage et conditions d'emploi des jeunes au Mali», cahiers de la stratégie de l'emploi 2005/08 * 21 Encyclopédie Encarta, 2009 * 22Les chiffres trompeurs du chômage, par Francisco Vergara dans le journal Le Monde diplomatique, page 17, janvier 1997 * 23BIT [2012], Tendances mondiales de l'emploi des jeunes, BIT, Genève. |
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