B°/L'intérêt de la distinction : la
contestation de la dépossession des biens incorporels
Le gage se caractérise essentiellement par la remise d'une
chose39. Mais il se pose la question de savoir si le remettant se
dessaisit de la chose ou s'il s'en dépossède. En effet, si le
gage suppose obligatoirement le dessaisissement du constituant, alors, ce
dessaisissement est impossible pour les droits de propriété
intellectuelle (1). Mais si le gage fait plutôt référence
à la notion juridique de la possession, alors, une dépossession
fictive est éventuelle (2).
1) L'impossibilité du dessaisissement
L'article 53 in fine de l'AUS énonce que
« la remise au créancier du titre qui constate l'existence du
droit opère dessaisissement du constituant ». Cette
énonciation permet de se poser la question de savoir de quoi le
débiteur se dessaisit. Se dessaisit-il du titre ou des droits
constatés par ce titre ? Le dessaisissement est une notion
matérielle qui se distingue de la dépossession qui est une notion
juridique40. Il est donc évident que le débiteur se
dessaisit de son titre, car il perd le contrôle matériel.
Cependant, il ne se dessaisit pas des droits qui sont rattachés à
l'oeuvre et non au titre. Pourtant, ce sont ces droits qui sont
vraisemblablement mis en gage.
Enfin, du fait de leur immatérialité, il est
impossible de parler de dessaisissement. Le législateur devrait donc
tenir compte de l'absence de corpus pour préférer à la
notion de dessaisissement, celle de dépossession, même si celle-ci
n'est qu'éventuelle.
39 Cf. art. 44, AUS « Le gage est le contrat par
lequel un bien meuble est remis au créancier ou à un tiers
convenu entre les parties pour garantir le payement d'une dette »
40 V. en ce sens, ANOUKAHA (F), Le droit des sûretés
dans l'acte uniforme OHADA, PUA, 1998, P. 18
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taxoiae de VE é ea daoit laid, o/ifiac daoit dee
4024)1e4, Itaivewité de Zlaoukdé .
4e gage dee dnoita de fiaftaiété
urtelleeta4ée dama l'e ftaee Off, D,1
2) L'éventualité de la
dépossession
L'article 2228 C.civ. dispose que «
la possession est la détention ou la jouissance d'une chose ou d'un
droit que nous tenons ou que nous exerçons par nous-même, ou par
un autre qui la tient ou qui l'exerce en notre nom ». Parce qu'elle
peut s'appliquer aux choses incorporelles, on peut définir la possession
comme le fait par une personne d'accomplir des actes qui, dans leur
manifestation extérieure, correspondent à l'exercice volontaire
d'un droit, qu'elle soit ou non titulaire de ce droit41. En
réalité, la distinction opérée par l'article 2228
entre la détention d'une chose et la jouissance d'un droit n'a aucune
raison d'être, car ce qui est possédé, ce n'est pas tant
une chose qu'un droit réel sur la chose. Le créancier gagiste
dispose sur le bien meuble incorporel mis en gage d'un droit réel
accessoire. Il n'a pas un droit de propriété, mais un droit sur
la valeur. Pour exercer ce droit, il suffit que le créancier ait sur la
chose un pouvoir de fait, fût-il abstrait, lui permettant de sauvegarder
la valeur du bien.
Le droit romain permet de dégager les deux composantes
de la possession que sont le corpus et l'animus. Dès lors que le corpus
n'exige pas la détention matérielle du bien par le possesseur, le
pouvoir de celui-ci sur le bien est suffisant pour caractériser le
corpus42, peu importe alors que le bien soit détenu par un
tiers. On peut donc dire que dans l'hypothèse du gage des droits de
propriété intellectuelle, le débiteur qui ne peut se
dessaisir des droits du fait de leur immatérialité, les
détient pour son compte, mais aussi pour celui du créancier
gagiste. C'est une manifestation possible du constitut
possessoire43.
Quant à l'animus, il ne devrait avoir aucun
problème. Le créancier ne peut réaliser une emprise sur le
bien que s'il est animé de l'intention de protéger un droit, en
l'occurrence son
41 V. en ce sens, TERRE (F) et SIMLER (P), Droit
Civil, Les biens 6ème édition, Dalloz 2002, P.140
42 V. en ce sens, PELESSIER (A), Possession et meubles
incorporels, thèse Montpellier. Ed. 2001
43 Fait de détenir pour le compte d'autrui, le
véritable possesseur
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I%%xova de VS/4 ea daoit laid, o/ifiac daoit dee
4024)1e4, Itaivewai de Zlaoaadé .
4e gage dee dnoita de fiaftaiété e
telleeetuelle dama l'eafiaee Off, D,1
droit de gage. Le débat doctrinal sur la conception
subjective de SAVIGNY sur la dépossession et celle objective de IHERING
n'est pour nous d'aucun intérêt, car la possession des droits de
propriété met en oeuvre les deux composantes. Surtout, ce que la
loi protège, c'est bien moins la possession elle-même que le droit
probable du possesseur dont elle fait supposer l'existence44.
En somme, l'époque doctrinale qui considérait
que seules les choses corporelles peuvent être
possédées45 est aujourd'hui révolue. La
dépossession des biens incorporels est envisageable, mais la question
est de savoir, comment va se faire cette dépossession ? L'AUS propose un
mécanisme qui s'avère plutôt inefficace.
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