CHAPITRE 1. LA NEUTRALISATION DU DROIT DE RETENTION
L'exercice du droit de rétention échoit en
principe au créancier gagiste. Mais, ce droit n'a que des
conséquences négatives avant l'échéance de la
dette. Il ne crée que des obligations à la charge de celui qui
les exerce. Il s'agit de l'obligation d'entretien du bien et l'interdiction
d'en user. Ces obligations sont particulièrement graves dans l'exercice
du droit de rétention des droits de propriété
intellectuelle. Leur entretien suppose pour le créancier le payement des
annuités. L'interdiction d'usage empêche la perception des
recettes d'exploitation de ces droits.
Le payement des annuités par le créancier
alourdit la dette du débiteur. Ce dernier n'a pas encore payé la
dette principale mais la voit croître du fait des annuités dues.
Il peut même arriver que ces annuités soient plus
élevées que la dette elle-même. Entre temps parce que le
créancier n'a pas le droit d'user du bien, c'est le débiteur qui
continuera à en percevoir les recettes en tant que propriétaire.
Enfin, puisque les droits de propriété intellectuelle ne sont que
des monopoles temporaires d'exploitation, il peut arriver qu'à
l'échéance, ces droits aient perdu leur valeur parce qu'ils sont
rentrés dans le domaine public. Le créancier en dépit de
tous ses efforts se trouvera dans une position très inconfortable, car
il peut éventuellement avoir à faire face à
l'insolvabilité du débiteur envers lequel il avait pourtant une
garantie.
La mise en oeuvre du droit de rétention est donc
particulièrement inéquitable, et c'est la principale cause pour
laquelle il doit être neutralisé, surtout que l'autre cause n'est
pas des moindres : son effectivité est contestée par la doctrine.
Ces causes qui justifient le besoin de neutralisation du droit de
rétention seront clairement exposées (section
1).
Cette neutralisation a pour corollaire le maintien du droit de
rétention par le débiteur. Il est plus apte à les
entretenir. Il peut mieux que quiconque initier les actions en
contrefaçon
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ilauova de VS/4 ea daoit laid, o/ifiac deoit dee
4024)1e4, Itaivewai de Zlaouadé .
4e gage dee dnoita de foiaftaiété
urtelleeta4ée dama l'e ftaee Off, D,1
et exploiter ces droits afin qu'ils conservent leur valeur.
Toutefois, il faudrait prendre des mesures pour protéger le
créancier qui n'a pas une emprise matérielle sur ces droits. Il
ne faudrait pas que le débiteur en perde la propriété. La
neutralisation du droit de rétention a aussi pour effet de paralyser
l'interdiction faite au créancier d'user du bien mis en gage. Son droit
sur leur valeur devrait lui permettre de prétendre aux fruits de
l'exploitation pour l'amortissement de sa créance. Voilà les
effets qui découlent de la neutralisation du droit de rétention
(section 2). Cette neutralisation du droit de rétention
permet de déduire qu'il est logique de faire du gage des droits de
propriété intellectuelle un gage sans dépossession du
débiteur, et de le liquider à l'échéance comme un
nantissement.
SECTION 1. LES CAUSES DE LA NEUTRALISATION
L'effet principal du gage avant l'échéance de la
dette c'est le droit de rétention qu'il confère au
créancier79. Dans le cas du gage des droits de
propriété intellectuelle il est nécessaire que ce droit
soit neutralisé. D'une part son effectivité est contestée
(Paragraphe 1), d'autre part la gravitée de ses effets est
prouvée (Paragraphe 2)
Paragraphe 1. La contestation de l'effectivité du
droit de rétention
La contestation de l'effectivité de droit de
rétention est intimement liée à la contestation de la
dépossession des droits de propriété intellectuelle. A ce
sujet, la doctrine n'accorde pas ses violons (A), mais la jurisprudence tranche
sur la question (B).
79 Cf. AUS, art. 54 « Le créancier
gagiste retient ou fait retenir la chose gagée par le tiers convenu
jusqu'à payement intégral »
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Ilauova de VE é ea daoit laid, o/ifiac daoit dee
4024)1e4, Itaivewité de Zlaouadé .
4e gage dee dnoita de fiaftaiété
eatelleeeta4ée dama l'e ftaee Off, D,1
A°/ La controverse doctrinale
Le débat sur la dépossession des meubles
incorporels admet une position classique (1) qui est en pleine évolution
(2).
1. La position classique
L'existence du droit de rétention a toujours
été contestée pour les gages portant sur les meubles
incorporels en général. Le motif allégué pour
contester ce droit est que le créancier gagiste ne peut avoir une
véritable détention80.La mise en possession du
créancier gagiste soulève en effet des difficultés
lorsqu'il s'agit des meubles incorporels, car il est difficile et à la
limite impossible d'avoir sur eux une main mise matérielle81.
Il faut dire qu'en réalité, le droit de rétention est
attaché à la dépossession et non à la nature
corporelle ou non du bien. Dans cette logique, on comprend aisément la
position de la doctrine contemporaine.
2. La position contemporaine
La position de la doctrine a beaucoup évolué au
sujet de la rétention des meubles incorporels. Après avoir
longuement contesté l'exercice par le créancier gagiste du droit
de rétention des bien incorporels, elle s'est ensuite appuyée sur
la dématérialisation de ce droit afin de le rendre
concevable82. Il suffit d'analyser la dépossession comme la
perte par le débiteur de la matérialité ou des
utilités du bien pour que le droit de rétention soit concevable.
Il suffira que le créancier puisse exercer sur le bien une emprise qui
prive le débiteur de ses prérogatives pour qu'on considère
qu'il y a exercice du droit de rétention par le créancier
gagiste.
80 V. en ce sens, CABRILLAC et MOULY, Droit civil, les
sûretés, op. cit. P. 554
81 V. en ce sens, MALAURIE (P) et AYNES (L), Droit civil, Les
sûretés, op. cit. P. 198
82 V. en ce sens, PELESSIER (A), Possession et meubles
incorporels, thèse Montpellier, op. cit. P. 36
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Ilauova de VE é ea daoit laid, o/ifiac daoit dee
4024)1e4, Itaivewai de Zlaouadé .
4e gage dee dnoita de fiaftaiété
uatelleeeta4ée dama l'eafiaee Off, D,1
Il faut se garder de toute assimilation. Les meubles
incorporels recouvrent une variété de biens ayant quelques fois
des particularités. En effet, la position de la jurisprudence
contemporaine s'accommode bien pour une créance où la
signification du gage au cocontractant peut effectivement paralyser le droit du
débiteur. On peut dans cette hypothèse parler d'un droit de
rétention fictive au profit du créancier gagiste. D'autres
meubles incorporels par contre n'admettent ni possession fictive, ni droit de
rétention fictive. C'est le cas des droits de propriété
intellectuelle83. La jurisprudence a sur la question une position
assez tranchée.
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