Le pouvoir judiciaire dans l'application et la protection des lois en droit positif congolaispar Chris INGAU SOMBOLA - Licence en droit public 2018 |
b. La phase juridictionnelleTout inculpé doit être traduit pour chaque infraction devant un Tribunal et, en principe, un seul, qui n'est pas choisi par la partie poursuivante ni l'inculpé, mais qui est désigné suivant les règles impartiales et impersonnelles de l'organisation judiciaire : c'est le juge naturel.261(*) Comme nous l'avons souligné, lorsque le Ministère public a clôturé l'instruction pré-juridictionnelle, il a le droit d'apprécier s'il y a opportunité d'exercer les poursuites ou de s'en abstenir. Mais le Ministère public ne peut jamais décider de s'abstenir des poursuites pour des raisons personnelles, tribales ou partisanes. Il n'a pas ce pouvoir. Quand on dit qu'il est maître de l'action publique, cela ne veut pas dire qu'il peut en disposer à sa guise ou selon ses inclinaisons personnelles. Par ailleurs, en voulant se comporter en maître absolu de l'action publique en décidant de s'abstenir alors qu'il devrait poursuivre, il peut rencontrer sur son chemin des obstacles tels que l'opposition de son chef hiérarchique qui lui ordonne de poursuivre et, il doit obtempérer.262(*) Mais, comme le précise Mathieu NKONGOLO TSHILENGU, lorsqu'il n'y a pas d'obstacles aux poursuites et que les charges contre le prévenu sont suffisantes pour obtenir qu'il soit puni par la juridiction de jugement, le Ministère public transmet le dossier dûment inventorié ainsi que les objets saisis au Tribunal compétent territorialement, matériellement et ratione personae s'il y a lieu. Il conserve le dossier administratif.263(*) La transmission se fait par une lettre officielle adressée au chef de juridiction pour que traces en soient conservées et pour solliciter la fixation du dossier devant le tribunal. Le Ministère public fait accompagner le dossier d'un document appelé requête aux fins de fixation d'audience. Dans ce document, le Ministère public donne l'identité complète du prévenu, le libellé de prévention en fait et en droit en faisant ressortir la qualification exacte des faits, il mentionne le lieu et la date de la commission de l'infraction, sans omettre les articles de la loi violée. Si la date n'est pas déterminée avec précision, le Ministère public traduit cette circonstance par l'expression « sans préjudice de date précise, mais pendant une période non encore couverte par la prescription ». Il n'omettra pas non plus les modes de coaction ou de complicité s'il y a pluralité des personnes à poursuivre, en invoquant les articles 21 ou 22 du code pénal congolais livre I.264(*) La RFFA n'est pas un acte d'accusation ni un acte par lequel le tribunal est saisi. Le tribunal est saisi par la citation à prévenu qui constitue ce qu'on a coutume d'appeler « le contrat judiciaire ». Outre la saisine du tribunal par le Ministère public par le biais de la citation à prévenu, le tribunal répressif est saisi par citation directe et aussi par comparution volontaire du prévenu. Dès lors que le tribunal se déclare saisi, le Ministère public ne dispose plus des pouvoirs exorbitants comme pour l'instruction pré-juridictionnelle. Le Ministère public, le prévenu, la partie civile et la partie civilement responsable, sont tous parties au procès et dans cette logique, seul le juge dispose désormais des pouvoirs pour le déroulement du procès. Le Ministère public partie poursuivante doit rapporter les preuves tangibles et sérieuses afin que soit établie devant le juge, la culpabilité du prévenu. Et le prévenu pour ce qui le concerne, doit fournir aussi ses moyens de preuves pour infirmer les accusations du Ministère public qui le poursuit. Quant à la partie civile, elle est devant le juge pour son action civile ; lésée par les conséquences de l'infraction, elle est en droit de demander réparation devant le juge. Comme le souligne Antoine RUBBENS, l'action civile appartient essentiellement aux victimes d'une infraction aux fins de leur permettre d'obtenir réparation du préjudice subi par le fait infractionnel. Devant le juge, les parties ont, pour soutenir leurs moyens de droit, besoin de la preuve ; et la preuve en matière répressive est libre et de bonne foi. A ce sujet, Antoine RUBBENS dit ce qui suit en ce qui concerne la charge de la preuve : « le code de procédure pénale ne contient aucune règle expresse mettant à ou charge du Ministère public (ou de la partie civile citant) la preuve des faits reprochés au prévenu, la preuve de leur caractère infractionnel, la preuve de l'imputabilité des faits au prévenu, l'adage « actori incumbit probatio » exprime cependant un principe général de droit et le droit positif congolais se l'est implicitement approprié en matière de procédure pénale, par le texte des articles 21, 23 et 24 de la constitution.265(*) * 261 A. RUBBENS, op. Cit, p.79 * 262 M. NKONGOLO TSHILENGU, op. Cit, p. 65 * 263 Idem, p. 65 * 264 Idem, p.66 * 265 A. Rubbens, op. Cit, p. 26 |
|