Le pouvoir judiciaire dans l'application et la protection des lois en droit positif congolaispar Chris INGAU SOMBOLA - Licence en droit public 2018 |
3. Les pressions de l'environnement social du magistratLe magistrat est partie intégrante de l'environnement social dans lequel il évolue et il n'est pas souhaitable de l'isoler de celui-ci ; la « bonne justice » est rendue par un juge qui est en phase avec la réalité. S'il est vrai que les droits et libertés qui sont reconnus aux autres membres de la société civile ne sauraient lui être reconnus sans restriction aucune, il est tout aussi vrai que le juge ne doit pas paraître vulnérable à certaines influences politiques, religieuses, ethniques, ou d'ordre économique, susceptibles d'affecter son impartialité. Le souci d'éliminer les risques de conflits d'intérêts justifie qu'il soit interdit aux juges l'exercice de toute activité professionnelle susceptible de les conduire à exercer leurs fonctions juridictionnelles avec partialité. La maxime « nemo debet esse judex in propria sua causa » qui véhicule l'exigence d'impartialité signifie que le juge ne doit pas être en situation d'avoir à choisir entre ses intérêts personnels et les exigences de la justice. Les textes qui établissent les incompatibilités prévoient généralement et explicitement l'interdiction d'exercer des fonctions politiques ou d'appartenir à un parti politique. Cependant dans la pratique, les influences et pressions provenant de son environnement social susceptibles de compromettre l'impartialité d'un juge sont de sources si diverses qu'il serait difficile de les mentionner toutes ici. De manière générale, dans les deux pays africains et la RDC en particulier, le juge se laisse très souvent influencer par les considérations d'ordre sociologique (clanique ou tribal) et par le pouvoir de l'argent.241(*) Aussi, avoir des relations parmi les autorités politiques influentes, et le critère de parenté au sens large (famille, clan, ethnie) avec un haut placé est un atout pour gagner un procès. Le contraire l'est pour la perte d'un procès même lorsqu'on a juridiquement raison. Le pouvoir de l'argent exerce, à son tour une autre influence sur le juge. Celui-ci, se fondant sur son maigre salaire, demande de l'argent à tout prix aux parties pour prononcer un jugement, sinon le délai est tiré en longueur, sans peur de verser dans un retard injustifié qui est une composante du déni de justice. Ensuite, le gain du procès revient à la partie qui offre plus de sous. Le Professeur VUNDWAWE n'a pas hésité de parler des Avocats et des magistrats qui entretiennent des relations mercantilistes en bradant le droit contre de l'argent.242(*) Dans un rapport de l'ONU sur l'indépendance des juges déjà cité, l'expert note ceci : « alors que les Avocats ne semblent souffrir ni d'un manque d'organisation de leur profession ni de l'absence d'indépendance au niveau formel, les difficultés qu'ils rencontrent se situent au niveau du manque d'indépendance des magistrats, et notamment de leur corruption. Il est bien trop fréquent que les juges demandent de l'argent aux avocats et, s'ils ne payent pas, ils perdent le plus souvent les procès. De ce fait, une partie des Avocats se laissent corrompre et ceux qui restent intègres ont beaucoup de difficultés68 ». L'environnement social et le pouvoir de l'argent sur le magistrat, sont donc ces deux autres facteurs qu'il faut considérer dans la détermination des règles sur l'indépendance des magistrats. Le principe de l'inamovibilité des juges par exemple devrait s'adapter à cette réalité ; un régime plus dissuasif des sanctions est, pour ainsi dire souhaitable pour décourager des pratiques pour les moins avilissantes. * 241 Même les règles présidant à la promotion sont également affectées par ce phénomène de tribalisme, ce que le Bâtonnier MBUY-MBIYE TANAYI semble affirmer lorsqu'il écrit que : « Les règles présidant à la promotion constituent un autre problème, dans la mesure où la compétence était souvent écartée comme critère possible de sélection, l'évaluation des candidats se limitant bien souvent à l'origine tribale ou clanique ou encore à l'équilibre régional, avec pour conséquence que certains méritants sont astreints à une carrière plane qui finit par engendrer découragement et aigreur. » (MBUY-MBIYE TANAYI, * 242 67 VUNDWAWE te PEMAKO, cité par C. Ngoma Khuabi ; op.cit. p. 27 |
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