La question du rôle joué par les infrastructures
de transport (surtout routières) dans une économie relève
même de l'analyse des déterminants de la croissance
économique. La réflexion théorique sur les sources de la
croissance économique a
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Patrice DOMINGO
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connu quant à elle un important renouveau dans les
vingt dernières années. L'analyse reposait en effet jusqu'alors
sur le modèle néoclassique de Solow fondé sur
l'hypothèse de rendements décroissants du capital. Ce
modèle suggérait que le taux de croissance de long terme d'une
économie était déterminé de façon
exogène par le rythme du progrès technique et de la dynamique
démographique. Dans cette perspective théorique, les politiques
budgétaires et les infrastructures routières avec elles ne
modifient le taux de croissance de l'économie qu'au cours de sa
transition vers l'équilibre de long terme. La stimulation de
l'activité par des politiques expansionnistes n'est alors que
temporaire, indépendante de l'équilibre à long terme de
l'économie.
Ainsi, les premiers modèles néoclassiques
ignoraient donc l'interaction non seulement entre la croissance
économique et les politiques publiques en matière
d'infrastructures mais aussi entre l'accumulation du capital et le
progrès technique. La décroissance des rendements constitue en
effet une hypothèse fondamentale de la conception néoclassique du
marché. Conçu dans un premier temps comme un
phénomène exogène, l'analyse du progrès technique
évoluera vers son endogénéisation et sera à la base
des nouvelles théories de la croissance dans les années 1980 :
les théories de la croissance endogène.
Les théories nouvelles cherchent
régulièrement à rendre le progrès technique
endogène, c'est-à-dire à construire des modèles qui
expliquent son apparition. Ces modèles ont été
développés à partir de la fin des années 1970
notamment par Romer, Barro et Lucas. Ces modèles se fondent sur
l'hypothèse que la croissance génère par elle-même
le progrès technique et ceci en raison de l'existence de rendements
croissants des facteurs de production. Pour les tenants de la théorie de
la croissance endogène, le processus de croissance vient des
comportements des agents économiques. La croissance est ainsi
assimilée à un phénomène auto-entretenu par
accumulation de quatre (04) facteurs principaux : le capital physique, la
connaissance (Romer ; 1986, 1990), le capital humain (Lucas, 1988) et le
capital public (Barro, 1990).
En effet, Romer met en exergue l'importance de l'accumulation
du capital physique et la connaissance dans le processus de croissance. Il
construit un modèle qui repose sur les phénomènes
d'externalités entre les firmes. Il montre qu'en investissant dans de
nouveaux équipements, une firme se donne les moyens d'accroître sa
propre
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production mais également celle des autres firmes.
Cela s'explique par le fait que cette acquisition de nouvelles technologies va
requérir de nouvelles connaissances dont l'entreprise ne pourrait
empêcher la diffusion au niveau des autres firmes qu'elles soient ses
concurrentes ou non. Il soutient également que c'est en produisant
qu'une économie accumule des expériences et donc des
connaissances. Plus la croissance est forte et plus le savoir-faire est grand,
ce qui favorise en retour la croissance. Il mène la même analyse
en ce qui concerne l'accumulation de capital technologique à travers
l'innovation et la recherche-développement. Il conclut que la
recherche-développement et la croissance se causent mutuellement.
Par ailleurs, le capital humain comme source endogène
de croissance est analysé par Lucas. Il désigne le stock de
connaissances appropriées par un individu qui le rend plus productif.
Contrairement à la théorie néoclassique qui
considère le capital humain comme un stock de travail, Lucas,
théoricien de la croissance endogène tente d'apporter un
fondement économique à celui-ci : Il n'y a pas que la
quantité de travail qui va induire une croissance mais sa qualité
aussi va participer à la croissance. Il n'est pas nécessaire
cependant à ce que le capital humain s'accompagne d'externalités
à l'image du capital technologique, car il est propre à chaque
individu (à moins qu'il y ait transmission de ce capital par effet
d'apprentissage du savoir faire propre à chacun à d'autres).
Aussi, la productivité privée du capital humain produit une
externalité du fait que l'amélioration du niveau
d'éducation et de connaissances d'un individu accroît le stock de
capital humain de la nation, contribuant ainsi à la hausse de la
productivité nationale. La croissance économique dépend
donc fortement des efforts consentis dans le domaine de la formation qui
dépendent à leur tour de la capacité de l'économie
à constituer de l'épargne pour leur financement.
Enfin pour le capital public, ce sont les travaux de Barro
(1990) qui vont permettre de démontrer leur importance dans la
croissance économique. Alors que dans le modèle
néoclassique où le capital public n'intervient que dans la
détermination du niveau de revenu d'équilibre, celui-ci explique
maintenant la trajectoire de croissance à long terme des
économies. En outre, Barro assimile les infrastructures à la
dépense publique en capital, ce qui revient à faire
l'hypothèse simplificatrice mais peu gênante à cause de
leur dépréciation complète à chaque période.
A partir de cette hypothèse, Barro explique l'effet cumulatif des
dépenses d'infrastructures par le fait
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qu'elles assurent l'augmentation de la croissance qui induit
un accroissement des recettes publiques et donc des dépenses publiques,
source de croissance. Les infrastructures publiques constituent pour cet
économiste un facteur de croissance qui engendre des rendements
croissants à long terme en raison des économies internes qu'elles
permettent pour les producteurs privés.
L'existence de rendements croissants du capital est bien
expliquée en ce qui concerne les investissements en infrastructures. Les
infrastructures appellent d'abord des politiques d'équipements et de
travaux publics susceptibles, en période de contraction de
l'activité ou de sous-production, d'avoir un impact keynésien en
créant des emplois et en exerçant un effet contra-cyclique
positif. Elles réduisent les coûts de transaction et facilitent
les échanges commerciaux à l'intérieur comme à
l'extérieur des pays. Elles permettent aux acteurs économiques de
répondre à de nouvelles demandes dans de nouveaux lieux. Elles
abaissent le coût des intrants nécessaires à la production
de presque tous les biens et services. Elles rendent profitables les
activités non rentables et plus profitables encore celles
déjà existantes. Les théoriciens de la croissance
endogène préconisent d'ailleurs que ces dépenses soient
maintenues même en situation de conjoncture difficile.
L'hypothèse des rendements croissants va permettre
enfin de rendre compte d'un phénomène qui ne trouve pas sa place
dans l'analyse néoclassique standard, à savoir l'imparfaite
mobilité internationale des capitaux. En effet, selon les
hypothèses néoclassiques de rendements décroissants, le
rendement du capital devrait être plus élevé dans les pays
en développement puisque leur stock de capital est moindre que celui des
pays développés. Pourtant, le constat est que l'épargne
internationale continue de se concentrer dans les pays les plus riches. La
prise en compte des rendements croissants et des effets d'échelle permet
d'en comprendre l'une des raisons : le rendement des investissements
privés ne diminue pas mais s'accroît avec la densité du
capital physique et humain (Lucas, 1990). Aussi, le « rattrapage »
des pays en voie de développement, attendu et prédit par la
théorie classique n'a-t-il pas lieu. A l'inverse, les taux de croissance
du PIB et de l'investissement privé sont plus faibles là
où le stock de capital reste faible, comme le confirme l'exemple des
pays pauvres notamment celui de l'Afrique Sub-Saharienne. Les pays en
développement qui ont
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décollé, notamment ceux d'Asie du Sud-Est, ont
d'ailleurs consenti un effort considérable d'accumulation du capital.