Le nantissement des droits de propriété intellectuelle.( Télécharger le fichier original )par Franklin Kennedy ASSONJI FONGUE Univesité de Ngaoudéré (Cameroun) - Master 2014 |
§ 2. La détermination des droits du créancier nantiIl appartient aux parties à l'acte du nantissement de convenir de la durée de l'inscription, et donc des droits inscrits sans que cette durée dépasse dix ans à compter de l'inscription195. L'inscription garantit, au même titre que le principal, deux années d'intérêts. L'AUS confère au créancier nanti trois droits. Le droit de suite et de réalisation qu'on analysera d'un côté, et le droit de préférence, qu'on analysera de l'autre. A- Les droits du créancier nanti avant l'échéance de la detteLes droits de propriété intellectuelle sont soumis à une certaine précarité196. Celle-ci vient d'une part, de la possibilité qu'une fois consacré, ceux-ci puissent faire l'objet d'une radiation ou d'une annulation, et, d'autre part, de la possibilité d'une dévalorisation rapide. Dans le cas 195 Art 58(2), AUS. 196 Cf. pour une présentation des causes de cette précarité, MARTIAL (N.), « La conjugaison du droit des suretés réelles au temps des propriétés intellectuelles », RLDI, n° 11, déc. 2005, n°9, p. 61. Le nantissement des droits de propriété intellectuelle notamment de la propriété industrielle, les nouvelles créations de modèles d'utilité peuvent rendre obsolètes les anciennes, causant dès lors la fluctuation de leur valeur. Cette précarité peut contribuer à diminuer l'efficacité, et donc l'attrait, de la garantie portant sur ces derniers197. Il parait donc opportun de conférer au créancier certaines prérogatives avant l'échéance de la garantie. On pourrait donc, pour ce dernier admettre, d'une part une faculté de remboursement anticipé (1), d'autre part admettre une faculté de subrogation réelle en cas de diminution ou de disparition de l'assiette du nantissement (2). 1- L'admission d'une faculté de remboursement anticipé La fonction principale du nantissement des droits de propriété industrielle est bien de garantir le paiement de la dette. Or comme on l'a indiqué, cette finalité peut être mise à mal du fait de la précarité de ceux-ci. Ainsi, le risque pour le créancier de se retrouver à l'échéance avec une garantie inefficace est donc élevé. C'est pour éviter cet état de chose qu'il convient de lui reconnaitre une faculté de remboursement anticipé de sa dette. Une telle faculté impliquerait que le créancier ait le droit d'obtenir, avant l'échéance, un paiement sur les fruits et revenus résultant de l'exploitation des droits de propriété intellectuelle. Or il s'avère que l'article 159 AUS y fait obstacle en ces termes : « Le nantissement des droits de propriété intellectuelle ne s'étend pas, sauf convention contraire des parties, aux accessoires et aux fruits résultant de l'exploitation du droit de propriété intellectuelle objet du nantissement ». Pourtant, l'admission d'une telle faculté renforcerait l'attractivité du nantissement des droits de propriété intellectuelle. La lecture du droit comparé permet de ressortir un cas sur lequel l'OHADA pourrait s'appuyer pour une éventuelle reforme dans ce sens. Le droit français a en effet, consacré le paiement anticipé en matière de nantissement sur les films cinématographiques. Qualifié de « délégation de recettes », il permet au créancier, par une adjonction au droit de préférence qu'il tient du nantissement, d'exercer un recours direct contre les exploitants du film sur les recettes de celui-ci198. Il peut ainsi se faire rembourser la créance avant l'échéance de la dette, évitant ainsi au créancier le risque de dépréciation de l'objet de la sûreté. Outre cette faculté, il serait judicieux d'admettre au créancier une faculté de substitution des droits de propriété intellectuelle pour d'autres en cas de diminution de la valeur des premiers. 197 KABRE (D. W.), « Etude critique du nantissement des droits de propriété intellectuelle en droit OHADA », www.publication.lecames.org, n° 80, p. 158, consulté le 13 mars 2015 à 22H17. 198 Art. 36 du C.I.C Le nantissement des droits de propriété intellectuelle 2- L'admission d'une faculté de subrogation réelle des propriétés intellectuelles La question pourrait se poser de savoir quelle est l'utilité de la subrogation réelle en matière de nantissement de la propriété industrielle, étant entendu que généralement, leur disparition en cours de garantie résulte d'un acte d'aliénation. Dans cette hypothèse, le créancier peut y faire face en usant de son droit de suite conformément aux articles 161 et 97 de l'AUS. Cependant, cette réflexion prend tout son sens lorsque la disparition résulte, avant la réalisation de la garantie, d'une dépréciation des droits de propriété intellectuelle nantis. Dans ce cas, l'inefficacité du droit de suite n'est plus à démontrer. Seule la subrogation réelle permettra au créancier de retrouver la possibilité à l'échéance de réaliser sa garantie199. Mais pour qu'une telle subrogation soit opposable au tiers, les formalités de publicité requises doivent être effectuées. Certains auteurs ont proposé de consacrer une hypothèque ouverte sur propriété intellectuelle inspirée du droit canadien et du floating charge anglais200. Une telle sûreté consiste à affecter des propriétés intellectuelles présentes ou futures indéterminées du constituant en garantie de la dette. Le caractère ouvert de cette garantie tient en ce que celle-ci ne vise pas des propriétés intellectuelles déterminées. La constitution de l'hypothèque ouverte implique à titre de validité, d'une part l'établissement d'un écrit qui doit indiquer le caractère ouvert de la garantie et le motif de la clôture de celle-ci, d'autre part l'inscription de l'hypothèque au registre. Toutefois, l'opposabilité de cette sûreté ne résulte pas de cette inscription; elle découle d'une inscription d'un avis de clôture. Ce dernier fixe l'assiette de l'hypothèque ouverte, objet de la réalisation. Cette assiette est constituée par les propriétés intellectuelles qui existent dans le patrimoine du constituant au moment de l'avis de clôture. Ainsi, avant un tel avis, le constituant jouit d'une totale liberté d'exploiter ses droits de propriété intellectuelle et n'est pas tenu à une obligation de conservation. |
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