Le nantissement des droits de propriété intellectuelle.( Télécharger le fichier original )par Franklin Kennedy ASSONJI FONGUE Univesité de Ngaoudéré (Cameroun) - Master 2014 |
§ 2. Le réaménagement inspiré des législations étrangères : l'exemple françaisLe droit d'auteur se rapporte aux oeuvres littéraires et artistiques telles que romans, poèmes et pièces de théâtre, oeuvres cinématographiques et musicales ou encore oeuvres relevant des arts plastiques comme les dessins, les peintures, les photographies et les sculptures ainsi que les dessins et modèles architecturaux. Les droits attachés au droit d'auteur comprennent ceux des artistes interprètes ou exécutants sur leurs interprétations et exécutions, des producteurs de phonogrammes sur leurs enregistrements et des radiodiffuseurs sur leurs programmes radiophoniques ou télévisuels165. Ces biens peuvent être affectés en garantie d'une créance. En droit français, en ce qui concerne les règles applicables à la sûreté, seuls le logiciel et le film cinématographique ont fait l'objet de dispositions législatives précises. C'est en ce sens qu'il est intéressant d'analyser le contenu de l'assiette du nantissement (A.), avant d'analyser par la suite la problématique de l'adaptation du régime du nantissement français au droit OHADA (B), précisément en ce qui concerne ledit contenu. A- Le contenu de l'assiette du nantissementLe Code de la propriété intellectuelle n'a envisagé que le régime du nantissement de logiciels (1) et celui des films cinématographiques (2). Pour tout ce qui n'a pas été envisagé par des règles spécifiques, et conformément aux dispositions de l'article 2355 alinéa 5 du Code civil, ce sont celles relatives au gage de meubles corporels qui ont vocation à s'appliquer. 1- Le nantissement de logiciels Transposant la directive européenne n° 91-250 du 14 juin 1991 sur la protection juridique des 164 NGOMBÉ (Y. L.), « Les sûretés mobilières et les propriétés intellectuelles dans les Etats membres de l'OAPI et de l'OHADA : un aspect de la concurrence des législations supranationales en Afrique », op. cit. p. 2558. 165 Définition donnée par l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), disponible sur www.wipo.org/about-ip/fr/. Le nantissement des droits de propriété intellectuelle programmes d'ordinateur, la loi n° 94-361 du 10 mai 1994166 a prévu des dispositions spécifiques relatives au contrat de nantissement du droit d'exploitation des logiciels. L'article 7 de ladite loi, inséré à l'article L. 132-34 du Code de la propriété intellectuelle, a mis en place un système qui permet au créancier d'assurer, en toute sécurité, le financement du développement des logiciels. Assez lacunaire, l'article se contente d'énoncer que « le droit d'exploitation de l'auteur du logiciel défini à l'article L. 122-6 peut faire l'objet d'un nantissement ». Les modalités de ce nantissement ont été précisées par le décret d'application n° 96-103 du 2 février 1996167. Lorsque le logiciel est nanti individuellement, le contrat de garantie doit être inscrit, à des fins d'opposabilité aux tiers, sur le registre spécial des logiciels tenus par l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), ce qui semble supposer qu'il soit constaté par écrit. La demande d'inscription qui peut être faite par l'une des parties à l'acte ou par un mandataire spécialement habilité, doit comporter certaines mentions telles que la désignation précise du logiciel et ses éléments, et le montant de la créance. L'inscription est valable cinq ans sauf renouvellement168. En revanche, lorsque le logiciel est nanti avec l'ensemble du fonds de commerce, le nantissement ne pourra être inscrit sur le registre spécial des logiciels tenu par l'INPI, que sur présentation du certificat d'inscription du nantissement délivré par le greffe du tribunal de commerce. Sur la possibilité de prendre un nantissement sur les logiciels futurs, des doutes ont été émises par la doctrine. Ces doutes étant justifiés par le défaut de disposition législative. Par ailleurs, cette possibilité semble assez peu opportune en pratique car lors de l'inscription du nantissement, il est obligatoire de déterminer le code source qui comme le précise l'article R. 132-8 du Code de la propriété intellectuelle, est l'un des éléments majeurs d'identification du logiciel. Le nantissement du droit d'exploitation de logiciels entraine un certains nombre d'effets. D'abord, l'absence de dépossession. Maintenu en possession, le débiteur va conserver l'exercice du droit d'exploitation. Cela fait planer une menace pour le créancier qui ne peut agir lui-même en contrefaçon169, et qui doit s'en remettre au débiteur pour la maintenance et l'évolution du logiciel. 166 Loi la loi n° 94-361 du 10 mai 1994239, portant mise en oeuvre de la directive n° 91-250 du Conseil des communautés européennes en date du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur et modifiant le Code de la propriété intellectuelle du 10 mai 1994, publiée au JO du 11 mai 1994. Cette loi a été complétée par le décret n° 96-103 du 2 février 1996, publié au JO du 9 février 1996, p. 2122. 167 Décret d'application n° 96-103 du 2 février 1996 pris pour l'application de la loi no 94-361 du 10 mai 1994 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur et modifiant le code de la propriété intellectuelle, publié au JO du 9 février 1996, p. 2122. 168 Art. R. 132-8 à R. 132-17 du CPI. 169 GAVANON (J.), Propriété littéraire et artistique, Fasc. 1360, n° 28. Le nantissement des droits de propriété intellectuelle En outre, le créancier dispose d'un droit de préférence, d'un droit de rétention, d'un droit de suite et d'un droit de réalisation. 2- Le nantissement de films cinématographiques Le film cinématographique est souvent présenté comme un bien d'une nature complexe, à la fois meuble corporel (négatifs et copies) et meuble incorporel (droit d'auteur). Sa réalisation lente et couteuse exige des crédits de financements. Il est alors apparu opportun d'élaborer un régime spécifique qui permettrait au constituant, généralement le producteur, d'offrir en garantie à ses créanciers le film, et ce avant d'être achevé. De ce fait, le législateur est intervenu pour créer une garantie sur mesure dérogeant à ces deux conditions, et peut-être aussi parce que les dispositions relatives au gage traditionnel étaient inadaptées en raison d'une part de l'interdiction de nantir une chose future et d'autre part de la nécessité pour le débiteur de se dessaisir du bien au profit de son créancier. L'organisation de cette sûreté résulte de la loi n° 90 du 22 février 1944170, et du décret n° 628 du 29 février 1944171, aujourd'hui codifiés dans le Code de l'industrie cinématographique172. L'assiette de la garantie peut être formée d'une partie de l'oeuvre cinématographique ou de l'ensemble de ses éléments corporels (négatifs et copies) et incorporels (le droit d'exploitation du film). Par ailleurs, et là résidait toute l'originalité du mécanisme, il était possible, avant que l'ordonnance du 23 mars 2006 n'en consacre le principe173, de nantir un film futur. Dans ce cas, le dépôt portait sur le titre du film. Quant à la créance garantie, le Code de l'industrie cinématographique n'a posé aucune condition. Par conséquent, il pourra s'agir aussi bien d'une créance liée au financement de l'oeuvre donnée en nantissement que d'une créance étrangère à la production du film en cause. Le nantissement de films cinématographiques n'entraîne pas la dépossession du constituant, ce que certains auteurs avaient jugé dangereux. La formalité autrefois exigée pour le gage, est toutefois réalisée de manière fictive. En effet, le producteur du film est amené à se dessaisir de l'élément corporel de l'oeuvre cinématographique, à savoir le négatif, auprès d'un laboratoire qui est intervenu pour effectuer des opérations de postproduction, et se trouve désigné pour le tirage 170 Loi n° 90 du 22 février 1944 relative à la publication des actes, conventions et jugements en matière de cinématographie, publiée au JO 10 mars 1944, p. 729. 171 Décret n° 628 du 29 février 1944 fixant le régime de la rémunération et la position du conservateur du régime public de la cinématographie et de l'audiovisuel, publié au JO du 10 mars 1944. 172 La codification dans le Code de l'industrie cinématographique résulte du décret n° 56-158 du 27 janvier 1956, publié au JO 31 janvier 1956, p. 1267. 173 Articles 2333 et 2355 du Code civil. Le nantissement des droits de propriété intellectuelle de copies positives. Le régime du nantissement des droits d'auteur semble être extrêmement clair en droit français. Cependant la problématique de l'adaptabilité d'un tel régime dans notre contexte demeure. |
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