§ 2. Le nantissement des droits de
propriété intellectuelle et les entreprises en
difficulté
L'entreprise est l'unité économique qui implique
la mise en oeuvre de moyens humains et matériels de production ou de
distribution de richesses reposant sur une organisation
préétablie. Elle est une personne morale au sens du droit
à partir du moment qu'elle remplie toutes les conditions exigées
pour sa constitution. En tant que telle, elle nait, vit et meurt. Il n'est donc
pas rare de voir une entreprise traverser un certain nombre de
difficultés qui menace son existence. Ainsi, une entreprise d'apparence
prospère se trouve toujours sous la menace de sérieuses
difficultés114. Le nantissement intervient donc comme un
moyen de financement du redressement de l'entreprise (A) quand le sauvetage est
encore possible, ou plus encore comme un moyen de rachat de l'entreprise
(B).
114 Il suffit, par exemple, qu'un nouveau brevet soit
déposé et exploité pour que sa production soit à
terme moins compétitive, ou que survienne une crise économique ou
une mésintelligence entre les associés.
Le nantissement des droits de propriété
intellectuelle
A- Un outil de financement du redressement
Les facteurs de défaillance d'une entreprise peuvent
être d'origine interne ou externe à celle ci115. Les
facteurs interne tiennent ou bien aux dirigeants ou bien à la
production, ou bien encore à l'état financier de l'entreprise.
Les facteurs externes quant à eux n'ont qu'une faible incidence - sauf
exception - sur les défaillances des entreprises, et ils correspondent
aux variations de la politique du crédit, aux évènements
aléatoires affectant l'économie (crises sectorielles,
régionale ou nationale), ou à la défaillance d'un
débiteur important ou de plusieurs d'entre eux. Les signes
extérieurs des difficultés que traverse une entreprise sont
variés et vont depuis l'apparition de certains
déséquilibres ou difficultés jusqu'aux reports
d'échéances, un règlement tardif des impôts, taxes
et cotisations sociales, l'inscription de privilèges, de protêts,
un recours permanent au découvert bancaire ou encore des cessions
d'actifs, une paralysie des organes de gestion etc... Chacune des causes
spécifiques entraîne son lot de conséquences, et
l'accumulation des facteurs d'aggravation financière et sociale
désespérée.
Quoi qu'il en soit, le droit de procédure collectives
d'apurement du passif OHADA retient une définition restrictive de
l'entreprise en difficulté dans le cadre de ses conditions d'ouverture
et incluant à la fois l'état de cessation des paiements ainsi que
la situation difficile mais non irrémédiablement
compromise116. Il ressort de l'AUPCAP que trois procédures
sont envisageables quand l'entreprise traverse des difficultés. Il
s'agit du règlement préventif, du redressement judiciaire et de
la liquidation des biens. Le concordat n'intervient cependant que dans les deux
premiers cas, parce que l'entreprise peut encore être sauvée.
Le sauvetage de l'entreprise reste la priorité, et
c'est dans cette optique que peuvent être nantis les droits de
propriété intellectuelle. Le nantissement permettra d'avoir des
capitaux frais, permettant ainsi à l'entreprise d'éponger sinon
la totalité de son passif, du moins une partie conséquente. C'est
notamment le cas lorsque la valeur des droits nantis est importante. Nantir les
droits de propriété intellectuelle peut aussi faire partie des
propositions que le dirigeant de l'entreprise fait dans le
concordat117. La recherche de fonds peut conduire le débiteur
à céder ou à
115 POUGOUE (P. G.) et KALIEU (Y.), L'organisation des
procédures collectives d'apurement du passif OHADA, P.U.A, 1999, p.
19 et 20.
116 Art. 2 alinéas 2 et 4 de l'Acte Uniforme portant
organisation des procédures collectives d'apurement du passif OHADA.
117 Le concordat est le document qui comporte l'ensemble des
mesures de redressement envisagés par le débiteur. De la
qualité du concordat dépend l'ouverture de la procédure de
redressement. Il est alors important que le concordat soit sérieux.
Le nantissement des droits de propriété
intellectuelle
louer les actifs de l'entreprise, et emprunter les
fonds118. Sur ce dernier point, c'est-à-dire l'emprunt des
fonds, il n'est plus nécessaire de rappeler l'importance de la relation
de confiance qui doit exister entre le prêteur et le débiteur, ni
la nécessité de sécuriser le contrat de prêt par un
nantissement.
Quand l'ensemble des mesures visant le sauvetage de
l'entreprise est épuisé, et qu'aucun résultat positif
n'est observé, on songe souvent à la liquidation des biens. Dans
cette hypothèse, les droits de propriété intellectuelle
peuvent constituer une garantie de rachat de l'entreprise.
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