Conflits linguistiques et rapports de force entre les langues en présence au sein des entreprises internationales.( Télécharger le fichier original )par Alice Bellia Kedge BS - Master of Sciences in Management 2015 |
3.3 Bilan sociolinguistique de l'entreprise : Entre résistance et domination3.3.1 Importance du groupe et des normes : le rôle du langageUn groupe est composé d'au moins deux personnes ou plus qui interagissent librement et partagent les même objectifs, normes et une identité commune.91 Le groupe se développe autour du sentiment d'appartenance qui résulte d'un esprit d'équipe une fois que chacun des membres a trouvé sa place. Le groupe travaille dans un climat de confiance propice à l'entraide et à la communication.92 Les normes du groupe (c'est-à-dire les opinions, attitudes partagées ou actions qui influent le comportement social du groupe) déterminent ce qui est « bien » et ce qui est « mal », celles-ci sont souvent implicites, très peu discutées ouvertement et exercent une influence considérable sur le groupe.93 Au sein de Mars Marketing, les groupes se forment naturellement autour des langues : « Individuals who share a common language are likely to share the same perceptions of rules and collective norms, roles and values » 94 (Les individus partagent une langue sont plus à même de partager les même règles et normes, rôles et valeurs collectives) Aussi le langage fonctionne comme un élément de reconnaissance tangible qui reflète une identité 91 Kinicki, Angelo, et al., (2003), Organizational behavior: key concepts, skills & best practices, Boston, McGraw-Hill/Irwin, p. 224 92 Mason, Claire M, et al., (2003), « Identifying Group Task Satisfaction at Work », in Small Group Research 93 Kahneman, Daniel, (1992), « Reference points, anchors, norms, and mixed feelings », in Organizational Behavoir and Human Decision Processes, p. 296 94 Bouchien De Groot, Elizabeth, (2012), « Personal preference or policy? Language choice in a European-based international organization », in Corporate Communications : An international Journal, p. 258 53 socioculturelle. Cette identité sociale qui en résulte peut déterminer l'adhésion d'une personne à un groupe linguistique ou pas et expliquer pourquoi les employés qui ne maitrisent pas la langue normée auront tendance à s `effacer. Le langage est en effet un élément fédérateur essentiel au groupe ce qui signifie que ceux qui ne le parlent pas sont exclus de celui-ci dans le meilleur des cas voir rejetés par le biais d'un ostracisme, un « silent treatment » très dur.95 3.3.2 Situation linguistiqueCette dynamique d'ostracisme et de conflits entre les groupes est très marquée dans l'entreprise Mars Marketing et s'observe à plusieurs niveaux : - Entre les groupes de langues différentes (italiens, espagnols et français majoritairement) - Entre les opérations commerciales (cultures et parlers d'entreprise différents) - Entre les employés de Mars et les donneurs d'ordre (et notamment l'entreprise allemande 1&1 et les employés français.) Dans ce dernier cas de figure on peut même évoquer une certaine forme « d'ethnocentrisme ». En effet, les employés de Mars Marketing vont avoir tendance à considérer les membres du 95 PFEFFER, Jeffrey, (2003), « Bring back Shame There's a better way to deal with accused of crossing ethical lines », in money.cnn.com, disponible sur internet, consulté le 14/08/2014 17 :31 :16 54 groupe 1&1 comme une menace et auront tendance à exagérer les différences entre les deux organisations par le biais d'une distorsion de la réalité.96 Mais pas seulement, les employés de Mars Marketing et plus particulièrement la partie encadrante qui s'occupe de l'opération 1&1 va également avoir tendance à ignorer certains ordres prétextant ne pas avoir compris ou adopter un comportement passif , en ne prenant pas partie aux réunions hebdomadaires ou en refusant de s'intéresser à la documentation envoyée. En outre un phénomène de « thin communication » se développe, c'est-à-dire que les employés vont avoir tendance à échanger avec le groupe B de manière très superficielle et le plus souvent en rapport avec les activités de l'entreprise et auront toutefois de grandes difficultés à engager une conversation. Ce phénomène constitue un obstacle à la création d'une culture commune et peut résulter en un accès inégal à l'information.97 |
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