B : Patrick
Patrick est berger et éleveur. Ses parents
étaient également paysans dans une autre région
de France. Il s'est installé en Ariège en zone de montagne il y a
plus de trente ans et a commencé à faire de l'élevage
transhumant ce qui l'a ensuite amené à devenir berger. Cela
fait trente ans que tous les étés, sans exception, il
garde des troupeaux de brebis et de vaches
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(dont son propre troupeau de brebis) sur la même estive.
Pour lui, le métier de berger, qu'il a appris sur le tas et en
suivant les conseils de bergers plus âgées, est une
véritable passion. Par la suite, il est lui-même devenu formateur
pour de futurs bergers. Il dit être favorable à la
réintroduction des ours depuis la première heure, tout en ayant
une oreille attentive aux critiques qui sont faites au projet de
réintroduction.
Il estime « qu'en tant qu'être
humain, digne de ce nom, on ne peut pas être contre » et
que cela tient d'une certaine philosophie. Pour lui il y a deux
façons de concevoir la nature. La conception
judéo-chrétienne qui considère la nature comme un bien qui
a été offert à l'homme afin qu'il l'exploite, et
la fasse proliférer tel que c'est mentionné dans la bible et une
autre conception à laquelle il se réfère. Pour lui
il doit y avoir un certain respect de la nature et des animaux. Il refuse de
les classer en utiles ou en nuisibles car tous les animaux ont leur
place et le fait que ce soit des animaux réintroduits n'y
change rien. Les montagnes ne lui paraîtraient plus
aussi belles s'il n'y avait plus d'ours.
Selon lui, les raisons de la disparition de l'agriculture de
montagne n'ont rien à voir avec la réintroduction des
ours mais bien plus avec des décisions politiques nationales ou
européennes et le productivisme dans lequel on inscrit la production
agricole. Pour lui, le vrai combat à mener serait contre le
productivisme agricole. Il est à l'origine avec d'autres
éleveurs de la création du label « le
broutard du pays de l'ours », notamment en partenariat
avec l'association « Adet, pays de l'ours
»16. Le but de ce label, qui suit un cahier des charges
précis, est de valoriser leurs produits grâce à la
présence de l'ours sur le territoire où leurs troupeaux
estivent. Garantissant ainsi la qualité gustative et « ethique
» des agneaux qu'ils produisent. L'expansion de ce label, qui
permettait pourtant une forte hausse du prix de vente, s'est heurté au
refus de la plupart des éleveurs d'être associés à
un label « cautionnant » les réintroductions et la
présence des ours.
Son estive se situe dans une zone où il y a une
présence régulière d'ours, mais il affirme ne pas
avoir de problèmes en raison de son mode de garde : le troupeau est
groupé, il ne se divise pas en plusieurs parties. De plus,
suite à la perte d'une trentaine de bêtes en raison
d'une attaque de chiens errants qui l'avait beaucoup affecté,
dans les années 1980, et comme « on
n'élève pas des brebis pour les voir mourir quelle que soit la
raison», il s'est mis à utiliser des chiens de protection que l'on
appelle des patous17, bien avant les
réintroductions
16 Principale partenaire de l'État dans la mise
en place du projet de réintroduction.
17 Ce sont des chiens qui restent toujours au sein
du troupeau, ils y sont habitué dès leur naissance et sont
dressé pour défendre le troupeau des intrus et des
prédateurs.
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d'ours. En quinze ans, il a perdu trois brebis et une
vêle dont les prédations ont été imputées
à l'ours par les experts de la commission d'indemnisation.
Patrick pense que les ours réintroduits sont
les mêmes que ceux qui existent dans les Pyrénées
et ne croit pas qu'ils aient été nourris en Slovénie. Ce
qui pour lui se confirme par le fait que les ours réintroduits
fréquentent les mêmes lieux et empruntent les mêmes chemins
que les ours d'autrefois. Ces lieux et ces chemins dont la
toponymie rappelle ce passé. Il existe dans les Pyrénées
de nombreux lieux nommés le pas de l'ours ou la
tute de l'ours par exemple qui signifient respectivement le passage et
la tanière de l'ours.
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