4.4 Les sites comparateurs
Des sites Web se sont spécialisés dans la
comparaison des produits et services. Ils peuvent être qualifiés
de « comparateurs » généralistes ou
spécialisés dans une catégorie de produits. Un examen de
ces sites révèle que la comparaison est quasi exclusivement
monocritère et centrée sur le prix (Stenger 2009). En fait,il
s'agit d'avantage d'outils de rangement que de comparaison. Des
véritables comparateurs devraient être capables de proposer des
comparaisons multicritères et pas seulement
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centrées sur le prix. Certains sites sont conçus
dans cette logique. Les sites comparateurs sont confrontés à
d'autres problèmes, par exemple la frontière juridique est
parfois ténue entre comparaison objective et publicité
comparative. Enfin, l'objectivité de la comparaison ou du classement
établis n'est pas évidente. En mai 2007, la Direction
générale de la consommation, de la concurrence et de la
répression des fraudes (DGCCRF) a examiné les sites qui comparent
les prix. L'objectif était de vérifier la loyauté des
informations fournies aux consommateurs et de s'assurer de
l'indépendance de chacun de ces sites par rapport aux sites marchands
qu'ils recommandent. Parmi les 12 sites principaux, 11 ont fait l'objet d'une
lettre de rappel à la réglementation de la DGCCRG... la plupart
des sites s'apparentent ainsi d'avantage à des annuaires payants.
4.5 Les outils de recommandation
La personnalisation de l'aide à la décision d'achat
en ligne au coeur des préoccupations des chercheurs en marketing depuis
les débuts de l'e-commerce (Winer et al. A996, Alba et al. 1997). Elle
se manifeste particulièrement dans les problématiques de
recommandation. L'enjeu est de taille car il s'agit, à partir d'un site
Web uniforme, de tirer profit d'outils logiciels afin de personnaliser la
relation client. En pratique, ces outils, parfois qualifiés de
systèmes ou d'agents de recommandation constituent une famille d'outils
d'aide à la décision d'achat en ligne qui se fondent sur
plusieurs dispositifs;
-les attributs des produits et leurs catégorisation,par le
vendeur.
-l'évaluation des produits par le vendeur, par les clients
ou par des tiers;
-des systèmes mixtes.
Techniquement les outils reposent sur des algorithmes et des
indices de similarité (entre des produits et/ou de
préférences).l'aide apportée consiste à guider les
internautes afin de trouver des produits qui correspondent à leurs
goûts; en cohérence avec les préférences
exprimées chemin faisant et/ou en comparaison avec celles
exprimées par les multiples acheteurs précédents qui ont
été enregistrées et codées dans la base de
données. L'annexe 1 présente les différentes solutions
techniques et les logiques associées. Nous en exposons ici
brièvement les principes.
Les moteurs des systèmes de recommandation sont
composés d'outils de filtrage d'information individuels et
collaboratifs. Les données utilisées pour nourrir le
système sont constituées par une agrégation de
comportement d'achat ou de la navigation de précédent visiteurs.
Il s'agit d'automatiser la recommandation et la personnalisation. Oufaida et
Nouali (2008) dressent un état de l'art dans le contexte du Web 2.0 et
distinguent le filtrage à base de contenu, le filtrage
30
collaboratif et les modèles hybrides.
La démarche peut impliquer la collecte des
préférences déclarées par les clients, par exemple
par questionnaire ou être transparente. Murray et Haubl ( 2009 ) plaident
en faveur de ces outils qui permettent de personnaliser les recommandations
sans interroger directement les utilisateurs à l'instar du
système de recommandation d'Amazon qui est sans doute le plus connu et
l'un des plus sophistiqués.
Il est essentiel de bien distinguer les recommandations du type :
« nous vous suggérons également » et « les
internautes apprécient également » car la source de la
recommandation est distincte. Dans le premier cas, le site marchand s'engage,
en tant que conseiller, en tant que prescripteur. Dans le second, ce sont les
internautes qui sont instrumentalisés par le site en tant que
prescripteurs.
La recherche menée par Haubl et Trifts (2000) sur les
« aides interactives à la décision des consommateurs »
est pionnière. Elle est présentée ici car elle pose les
bases des intérêts et enjeux de tels outils en e-marketing et des
recherches menées depuis lors sur ce thème.
Haubl et Trifts proposent une classification des agents d'achat
interactif basée sur la distinction suivante : l'outil est conçu
pour déterminer « quoi acheter » ou bien il est conçu
pour savoir « à qui acheter » ou « ou acheter » . il
s'agit de la dichotomie traditionnelle employée en marketing entre choix
du point de vente et comportement dans le point de vente.
Ils comparent deux outils qui correspondent respectivement
à deux étapes décisionnelles successives : un agent de
recommandation et une matrice de comparaison.
L'agent de recommandation permet au consommateur de mieux
apprécier l'ensemble des alternatives possibles dans un environnement
d'achat en ligne à partir d'informations formulées par le
consommateur sur ses préférences et ses critères de choix.
C'est donc un outil qui intervient dans la phase initial de découverte
de l'offre disponible. L'agent utilisé produit une « liste
personnalisée d'alternatives recommandées », basée
sur trois types de paramètres fournis par le consommateur:la
pondération des attributs,le niveau minimum requis par attribut, le
nombre maximum de produits à paraître dans la liste. Une fois les
attributs définis et pondérés, l'agent propose une liste
avec un classement des scores selon les préférences
déclarées par le consommateur.
La matrice comparative a pour objectif d'aider le consommateur
à faire des comparaisons poussées par mi les alternatives
sélectionnées. Elle est conceptualisée comme « un
outil interactif qui assiste les consommateurs pour faire des comparaisons
approfondies parmi les alternatives qui paraissent les plus prometteuses
d'après la première recherche ».
Elle apparaît donc dans une deuxième phase. L'outil
permet à l'acheteur d'organiser l'information sur les attributs de
plusieurs produits dans une matrice « alternatives x attributs » et
de sélectionner toutes ces alternatives classées par attribut.
Les sites de Darty, Devismutuelle ou Surcouf offrent un exemple de comparaison
par attribut.
Les résultats des expérimentations menées
par Haubl et Trifts indiquent que les deux outils testés
réduisent les efforts du « consommateur décideur » en
termes de recherche d'information mais augmentent la qualité des
ensembles de considération ainsi que la qualité des
décisions. L'impact est donc doublement positif. Il y'a à la fois
allégement de la charge cognitive et amélioration de la
qualité décisionnelle. Haubl et Trifts précisent que, dans
leur expérimentation, les outils utilisés sont de très
haute qualité et que sur Internet, les systèmes souffrent
d'imperfections et de biais.
Les aides interactives à la décision permettent
idéalement aux consommateurs de prendre de meilleures décisions
tout en fournissant moins d'effort. Il y'a quelques années, Ariely
(2000) signalait que cette meilleure qualité décisionnelle
s'accompagnait parfois d'une surcharge cognitive. Aujourd'hui, de nombreux
travaux montrent que les agents de recommandation peuvent à la fois
réduire les efforts (cognitifs en particulier) et améliorer la
qualité de ces décisions d'achat. Haubl et Murray (2006) notent
toutefois que cette aide peut être ambiguë car elle est
destinée à l'acheteur...ou au vendeur. Ils parlent dans certains
cas « d'agents double » lorsque les outils ont le potentiel d'aider
mais aussi d'influencer les acheteurs dans leur prise de décision
d'achat.
L'impact des agents de recommandation sur les décisions
d'achat est bien réel. La probabilité d'achat des produits
recommandés serait deux fois plus élevée que pour les
autres produits et leur influence serait supérieure aux recommandations
réalisées par des experts humains (Senecal et Nantel 2004). Par
ailleurs,l'impact des recommandations ne se limite pas à l'achat en
cours et peut être durable, les acheteurs mobilisant les recommandations
lors d'achats ultérieurs (Haubl et murray 2003).
En 2009, Murray et Haubl déplorent toujours le fait que
les agents de recommandation n'aient pas été d'avantage
adoptés par les acteurs de l'e-commerce. Ils estiment qu'il faut les
rendre plus facile à utiliser. Cela passe par une amélioration
des interfaces et des modes d'interaction et implique ainsi la
coopération d'autres spécialistes, en management des
systèmes d'informations,informatiques, psychologie...
31
L'objectif étant de rendre les systèmes plus
humains. Certains sites ont investi dans la conception
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d'agents virtuels, parfois qualifiés d'agents
intelligents. En pratique, ces outils, conçus par ds entreprises comme
Virtuoz, ressemblent pour l'instant d'avantage à des interfaces ludiques
de « foire aux questions » qu'a de véritables outils de
recommandation. Ils répondent aux questions posées par les
internautes dans une démarche de recherche d'informations. Ils jouent un
rôle positif en termes de confiance vis-à-vis du site marchand,
d'intentions d'achat et d'intentions de recommander le site (Lemoine et
Notebaert 2009). leur rôle positif ne doit donc pas être
sous-estimé. Des recherches ont montré que les gens
apprécient d'interagir avec des systèmes informatiques qui
simulent l'interaction humaine comme les agents logiciels qui incorporent la
gestuelle des individus, une apparence humaine,le langage naturel (Haubl et
Murray 2003).
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